Le gouvernement lance lundi des “assises de lutte contre l’antisémitisme”, dont la flambée alarme une communauté juive qui redira ses inquiétudes dans la soirée lors du dîner annuel du Crif.
La ministre de la Lutte contre les discriminations Aurore Bergé réunit, lundi 6 mai au matin, à Paris, les responsables de plusieurs associations (Licra, SOS Racisme…) et les représentant·es des six principaux cultes pour plancher sur le sujet. Des témoins ayant été victimes de l’antisémitisme viendront également faire part de leur expérience. Il s’agit de “lancer un travail” pour définir “un socle commun de valeurs républicaines”, explique-t-on au ministère, afin de “reconnaître l’antisémitisme tel qu’il est et lutter efficacement contre ce fléau”. Des personnalités seront désignées à l’issue de la matinée pour travailler à ce “socle commun”.
“Quand on voit le volume malheureusement des actes antisémites […], c’est toute la société qui doit se réveiller”, a déclaré Aurore Bergé sur BFM TV-RMC vendredi, évoquant une “recrudescence terrifiante”. Le nombre d’actes antisémites recensés en France a presque quadruplé l’an dernier, à 1 676 contre 436 en 2022, selon l’Intérieur. Le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) déplore une flambée après le 7 octobre, date des attaques sanglantes du Hamas contre Israël. “On est dans un hiver de l’antisémitisme”, a déploré, dans un entretien à l’AFP, le président du Crif Yonathan Arfi.
Selon une enquête de l’Ifop pour l’antenne française de l’American Jewish Committee (AJC) publiée dimanche dans “Le Parisien”, 94 % des Français·es de confession juive estiment que l’antisémitisme a progressé depuis une dizaine d’années (+21 points par rapport à 2022). Cette même enquête montre que 35 % des 18–24 ans ont le sentiment qu’il est normal de s’en prendre à des juif·ves en raison de leur soutien à Israël. Au niveau mondial, la Ligue antidiffamation (ADL), principal groupe de défense des droits des juifs, s’est alarmée dimanche du “niveau sans précédent” d’actes antisémites enregistrés en 2023, la guerre entre le Hamas et Israël alimentant un “incendie qui était déjà hors de contrôle”.
Aurore Bergé avait annoncé en mars l’organisation de ces assises, en réponse à une tribune publiée par le collectif Nous vivrons et soixante-dix personnalités qui appelaient les candidats aux européennes à s’engager “sans détour et sans complaisance” contre l’antisémitisme.
En revanche, et contrairement à ce qui était prévu initialement, aucun responsable politique ne sera présent, “pour éviter d’en faire un sujet politique avant les élections européennes”, explique-t-on au ministère. Les politiques seront convié·es à une deuxième session après le scrutin du 9 juin. Les organisateurs espèrent ainsi “dépassionner politiquement le sujet” qui risquait de devenir prétexte “à des postures politiques”.
Depuis le 7 octobre, les représentants de la communauté juive ont régulièrement accusé la France insoumise de nourrir l’antisémitisme. Marine Le Pen s’est, elle, plusieurs fois posée en pourfendeuse des actes antisémites.
"Confusions"
Les assises de lundi interviennent également sur fond de mobilisation pro-palestinienne à l'université, notamment à Sciences-Po où le militantisme des étudiant·es est accusé d'alimenter l'antisémitisme sur le campus. Lors des assises de lundi, "on attend évidemment le rappel d'une parole publique forte sur l'antisémitisme", a affirmé Yonathan Arfi.
Recevant le Crif à l’Élysée pour ses 80 ans, Emmanuel Macron avait martelé en mars que l’état continuerait à combattre sans relâche l’antisémitisme avec “la même fermeté” et la “même intransigeance”. Yonathan Arfi a aussi souhaité que cet antisémitisme soit combattu “dans toutes ses composantes, y compris la place qu’a prise la haine d’Israël”.
Le président du Crif devrait répéter ses inquiétudes dans la soirée, lors du traditionnel dîner annuel du Crif, qui se tiendra en présence du Premier ministre, Gabriel Attal. Plusieurs autres ministres ont été invité·es, ainsi que le président du Sénat, Gérard Larcher ; la présidente LR de la région Ile-de-France, Valérie Pécresse ; la maire PS de Paris, Anne Hidalgo, et des représentant·es de plusieurs partis (mais ni du RN, ni de LFI). Yonathan Arfi compte faire passer lors de ce dîner “un message empreint de gravité” face à la flambée des actes antisémites, et “décrypter ce que cette montée signifie sur les confusions morales, politiques, idéologiques qui traversent notre société”.