La pho­to­graphe kényane Thandiwe Muriu repré­sente le self-​love des femmes africaines

Avec sa série Camo, la pho­to­graphe kényane Thandiwe Muriu révo­lu­tionne la pho­to­gra­phie de mode. À tra­vers des por­traits colo­rés et auda­cieux, l'artiste met avant la repré­sen­ta­tion des femmes afri­caines. L’exposition est à voir jusqu’au 31 juillet à la gale­rie d'art contem­po­raine pari­sienne, 193 Gallery.

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Camo, de Thandiwe Muriu, 2015. ©A.T.

Joyeux, flam­boyant et aci­du­lé. Ce sont les adjec­tifs qui viennent à l’esprit lorsqu’on découvre les quinze por­traits de la série Camo de la jeune pho­to­graphe kényane, Thandiwe Muriu qui occupe actuel­le­ment et jusqu’au 31 juillet une place de choix au pre­mier étage de la 193 Gallery, à deux pas de la place de la République (Paris). Le nom de sa série, Camo, est bien trou­vé. Camo pour « camou­flage » tant ces por­traits créent une illu­sion d’optique où le modèle se fond dans le décor. Seule la peau noire, les acces­soires sur­pre­nants et les coif­fures archi­tec­tu­rales très éla­bo­rées expriment l’individualité des modèles, tous féminins. 

Les pho­to­gra­phies, satu­rées de cou­leur, ont l’esthétique léchée des grands maga­zines de mode. Et pour cause, avant de se lan­cer véri­ta­ble­ment en tant qu’artiste en 2015, Thandiwe Muriu, aujourd’hui 31 ans, était pho­to­graphe publi­ci­taire dans la mode. Si elle a gar­dé de ses années dans la pub le goût des « poses man­ne­quins », ici s’arrête la res­sem­blance. Loin des Unes retou­chées à l’excès que l’on connait (n’en déplaise à Marie-​Claire), Thandiwe Muriu pré­serve, elle, le grain de peau de ses modèles. 

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Camo, de Thandiwe Muriu, 2015. ©A.T.

Toutes ont d’ailleurs la spé­ci­fi­ci­té d’avoir la peau fon­cée afin que les femmes et les petites filles puissent s’identifier. « Thandiwe Muriu casse les codes de la mode, pré­cise à Causette son agente artis­tique fran­çaise, Mary-​Lou Ngwe-​Secke. Dans les maga­zines de mode, il y a un quo­ta de femmes noires à la peau fon­cée, Thandiwe brise ces quo­tas. » Le pari semble réus­si puisque les petites filles qui viennent voir l'expo s'enthousiasment régu­liè­re­ment. « Ma mère aus­si a la peau noire comme la dame » ou « elle porte le même tis­su que tata », selon Mary-​Lou Ngwe-Secke 

La néces­si­té de s'identifier
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Camo, de Thandiwe Muriu, 2015. ©A.T.

Thandiwe Muriu lance Camo en 2015 sur les conseils d’un ami pho­to­graphe. Dans un pays où les femmes sont très tôt confron­tées au colo­risme, qui les pousse à se blan­chir la peau, la pho­to­graphe – qui a elle-​même subi du racisme en rai­son de sa peau jugée trop fon­cée – sou­haite à tra­vers ces cli­chés mettre en avant la beau­té des femmes noires. « Thandiwe a pas­sé du temps, assise dans les rues de Nairobi, à obser­ver les femmes kényanes, explique, Mary-​Lou Ngwe-​Secke. Elle s’est ins­pi­rée d’elles. » La pho­to­graphe s’est éga­le­ment ins­pi­rée de son enfance dans le choix des tis­sus wax, des coif­fures et des acces­soires. « Ce tis­su [à gauche, ndlr] lui fai­sait par exemple pen­ser au logo de la seule chaîne qui dif­fu­sait des des­sins ani­més lorsqu’elle était petite », décrit l’agente de Thandiwe.

Pour les lunettes, Thandiwe Muriu trans­forme de banals objets du quo­ti­dien en véri­tables acces­soires de mode. Presse citron, boule à thé, peigne et épingle à che­veux, rien ne se perd et tout se trans­forme. « Elle a gran­di en voyant sa mère et ses tantes récu­pé­rer des objets pour s’en faire des bijoux », pré­cise Mary-​Lou Ngwe-​Secke.

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Camo, de Thandiwe Muriu, 2015. ©A.T.
Succès

S’il s’agit de son pre­mier solo show en France, la renom­mée de Thandiwe Muriu dans le monde de l'art contem­po­rain n’est plus à faire. La jeune pho­to­graphe – qui expose régu­liè­re­ment au Kenya – a d’ailleurs reçu en 2020 le Choice Award de la pho­to­gra­phie émer­gente de l’année au salon Photo London. Un suc­cès qui n’empêche pas la jeune femme de mili­ter fré­quem­ment dans les écoles pri­maires pour mon­trer aux petites filles kényanes que l’art n’est pas réser­vé aux hommes et qu’elles peuvent s’identifier elles aus­si à des femmes noires.

Un pre­mier essai fran­çais réus­si puisque l’exposition est pour l’heure un véri­table suc­cès et cer­taines pho­to­gra­phies déjà presque en rup­ture de stock.


L'exposition Camo, de Thandiwe Muriu est à voir jusqu'au 31 juillet à la 193 Gallery, 24 rue Béranger, 75003 Paris. Du mar­di au same­di, de 10 heures à 19 heures. Entrée libre.

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