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Germaine Richier. ©DR

Le musée Fabre de Montpellier célèbre la sculp­trice Germaine Richier jusqu’au mois de novembre

Cet été et jusqu'en novembre, le musée Fabre de Montpellier consacre une rétrospective d’envergure à la grande sculptrice du XXe siècle. Longtemps oubliée, Germaine Richier fut pourtant la première artiste femme exposée de son vivant au Musée national d’art moderne en 1956.

Bien ancré sur ses talons, le Loretto accueille les visiteur·euses. Le bras en avant, le buste droit, l’adolescent de bronze réalisé en 1934 par Germaine Richier donne l’illusion de leur indiquer le chemin à suivre. Une place de choix : c'est par lui que débute l’exposition de sa créatrice au musée Fabre de Montpellier. Longtemps d’ailleurs, le musée n’a pu compter que sur cette œuvre pour raconter son travail. Mais cet été, et jusqu’au 5 novembre prochain, ce sont désormais pas moins de 200 œuvres (sculptures en bronze, dessins et peintures) et une centaine de documents personnels de l'artiste qui y sont présentés. Après Paris et le Centre Pompidou ce printemps, c’est en effet au tour du musée Fabre de Montpellier d’accueillir la grande rétrospective de Germaine Richier. 

Ici, sa présence est loin d’être anodine. « Germaine Richier à Montpellier est tout sauf un hasard », a tout de suite précisé le directeur du musée, Michel Hilaire, lors de la présentation de l’exposition à la presse le 12 juillet dernier et à laquelle Causette a pu assister. La sculptrice, décédée en 1959 à l’âge de 57 ans, a en effet grandi à quelques kilomètres de là, à Castelnau-le-Lez plus précisément. L’exposition prend d’autant plus tout son sens à Montpellier, que la ville a été le témoin des premiers émois artistiques de Germaine Richier.

En déambulant parmi les œuvres, on retrouve en effet les paysages, la nature et les traditions provençales qui se sont imprimées très tôt dans son esprit. « Enfant, elle a été marquée par la sécheresse du paysage, l’écorce noueuse des grands platanes, un sentiment qui va irriguer tout son travail, souligne Maud Marron-Wojewodzki, commissaire scientifique de l’exposition. Elle s’intéresse au folklore et aux traditions populaires, comme en témoignent les sculptures La Tauromachie ou La Tarasque, ce monstre qui vivrait dans les marécages près de Tarascon. »

Métamorphose des corps

Au départ, pourtant, rien ne destine cette fille de viticulteur à la sculpture. C'est quand elle découvre à l’âge de 12 ans les sculptures romanes du cloître Saint-Trophime à Arles qu'elle décide qu'elle en fera son métier et même sa vie toute entière. Forgée à l’école d’Antoine Bourdelle, elle met l’humain au centre de son œuvre, travaillant au départ toujours à partir de modèles vivants - souvent des ami·es- comme en témoigne la dizaine de bustes parfaitement exécutés, alignés en préambule de l’exposition. 

Dès 1940, l’humain prend une autre dimension et Germaine Richier s’éloigne de la représentation réaliste des corps. Les corps se désarticulent, les visages se creusent. Les silhouettes maigres de Richier se font de plus en plus disproportionnées. Une émancipation de la réalité accentuée par les années de guerre qu’elle passe à Zurich en Suisse, auprès du sculpteur suisse Otto Banninger, son premier époux. « L’expérience de l’exil et la tragédie en cours entraînent une certaine gravité dans la production de cette période, faite de corps mutilés et de formes déchiquetées », souligne Maud Marron-Wojewodzki. 

Germaine Richier, c'est aussi des figures hybrides, des formes humaines et animales à mi-chemin entre le fantastique et l'épouvante, qu’elle réalise en mélangeant les matières comme lorsqu’elle utilise des morceaux de bois flottés ramassés lors de promenades sur la plage dans ses modelages. Pour évoquer la méthode unique de son travail, un monceau d'objets atypiques qui peuplaient son atelier sont d'ailleurs présentés dans l'exposition, un bric-à-brac d'outils, de branches, de coquillages, de pierres, et autres squelettes de chauve-souris ou petites pattes de poulet.

Redécouverte

Ainsi, l’exposition sur deux niveaux traverse toute l’œuvre de Richier. Une œuvre fugace, vingt-cinq ans à peine, mais « fulgurante », estime la commissaire. Germaine Richier a en effet considérablement renouvelé l’art de la sculpture au XXᵉ siècle, elle fut d’ailleurs la première femme artiste à recevoir le prix Blumenthal en 1936 pour son buste de Rémi Coutin puis de nouveau la première artiste femme a exposer de son vivant au Musée national d’art moderne en 1956. Bien que célébrée de son temps en France comme à l’étranger, l’artiste fut longtemps oubliée. Entre l’exposition de 1956 et celle qui s’est tenu au Cente Pompidou ce printemps, il n’y avait pas eu une seule rétrospective dans un musée parisien. Seule une exposition à la fondation Maeght à Saint-Paul-de-Vence dans les Alpes-Maritimes en 1996 lui avait été consacrée en France. Et depuis ? Rien. Le nom de Richier n’était plus familier que parmi les amateur·trices de sculpture moderne.

 « C’est à ce moment-là que j’ai pensé qu’il fallait enrichir le fonds montpelliérain », commente Michel Hilaire en évoquant l'exposition de 1996. La rétrospective du musée Fabre aurait d'ailleurs pu avoir lieu, dès 2007 date de la réouverture du musée, mais c’était sans compter les lentes discussions et âpres négociations avec les ayants droits de l’artiste qui se sont étalées dans le temps.

Pour ne plus avoir à attendre vingt-sept ans avant d'admirer les œuvres de Richier, le musée Fabre a dédié une salle à l'enfant du pays dans son exposition permanente. Et parce que l'art doit aussi savoir sortir des musées pour toucher le plus grand nombre, le maire de Montpellier et président de la Métropole, Michael Delafosse, a annoncé lors du vernissage, l'acquisition par la ville d'un exemplaire de La spirale (1956), l'une des sculptures majeures de l'artiste, l'une des dernières également. L’œuvre monumentale sera installée en 2025 sur l'esplanade Charles de Gaulle, non loin de l'école des Beaux-Arts où Germaine Richier a étudié. Une façon de redonner, enfin, ses lettres de noblesse à une artiste majeure du XXe siècle et de poursuivre l'ardent travail de visibilisation des femmes artistes. Et qui sait peut-être qu'un jour une cérémonie similaire à celle des César portera le nom de Richier ?


Comprendre l'oeuvre différemment

Le musée Fabre propose également une expérience sensorielle et inclusive afin de découvrir d'une manière ludique l’œuvre de Germaine Richier. Des contenus sonores, une matériothèque pour comprendre le processus de fabrication d'une sculpture avec des matières à toucher, des éléments à activer pour jouer sur l'hybridation et la métamorphose des corps par un jeu d'ombre et de lumière, ainsi qu'un salon de lecture avec une sélection d'ouvrages jeunesses sont mis à la disposition du public.

Germaine Richier, une rétrospective. Musée Fabre du 12 juillet au 5 novembre 2023. Tarif 9 euros. Tarif réduit 6 euros.

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