Contrairement à certaines idées préconçues, les homosexuels ne sont pas systématiquement ouverts aux idées féministes ou exempts de sexisme. Pourtant, en ce qui me concerne, le féminisme m’a aidé à m’accepter et à mieux comprendre le fonctionnement de notre société hétéro-patriarcale.

Le 20 septembre 2014, Emma Watson s’avance à la tribune de l’Organisation des Nations unies (ONU). La jeune actrice de 24 ans, célèbre dans le monde entier pour avoir interprété la sorcière Hermione Granger au cinéma, semble légèrement stressée. Elle délivre alors, avec force et conviction, un discours féministe particulièrement bien écrit pour promouvoir une campagne pour l’égalité des sexes.
Je me souviens avoir ressenti de la surprise, de l’excitation et un sentiment d’empouvoirement à l’écoute de son discours. Un passage m’avait particulièrement marqué : « Les hommes, au même titre que les femmes, ont le droit d’être sensibles. Les hommes, tout comme les femmes, devraient se sentir libres d’être forts. Il est grand temps que nous appréhendions le genre comme un spectre, au lieu d’y voir deux idéaux distincts et opposés. Si nous arrêtons de définir les autres en fonction de ce qu’ils ne sont pas et si nous cherchons plutôt à nous définir par ce que nous sommes, cela nous rendra plus libres. » C’était la première fois que j’entendais une personne, que j’admirais de surcroît, déconstruire publiquement, de manière simple et efficace, les stéréotypes de genre qui m’avaient tant oppressé en grandissant et qui continuaient de le faire. À cette époque, j’étais en première année de master recherche en études anglophones. Cela faisait seulement un an que j’avais fait mon premier coming-out gay. « Je crois que je ne suis pas totalement hétérosexuel », avais-je lâché, en pesant chacun de mes mots, à Paul, un camarade de prépa littéraire ouvertement homosexuel, le 18 mai 2013.
Ces mots, je les avais enfouis au plus profond de mon être au début de mon adolescence, quand je commençais à me poser des questions sur mon orientation sexuelle. Très vite, par des remarques incessantes sur mes actions et mes gestes, jugés féminins, j’avais compris qu’il y avait une ligne toute tracée entre le masculin et le féminin, qu’un homme ne devait pas franchir. Et une autre, tout aussi marquée, entre hétérosexualité et homosexualité. J’avais alors décidé d’exercer un[…]