Benoit Prieur Boulevard de Grenelle Paris On ne tue jamais par amour
© Benoît Prieur / Wikimedia Commons

La police force des mili­tantes à décol­ler un col­lage fémi­niste géant : la lettre ouverte de #NousToutes à la mai­rie de Paris

Le 15 octobre der­nier, juste après le 100ème fémi­ni­cide de l'année 2023, #NousToutes a orga­ni­sé, à Paris, un col­lage géant pour rendre hom­mage aux 853 vic­times de fémi­ni­cides depuis le pre­mier quin­quen­nat d'Emmanuel Macron. Mais la police a for­cé les mili­tantes à tout décol­ler. Le col­lec­tif fémi­niste a alors envoyé une lettre à la mai­rie de Paris. Sans réponse à ce jour. Causette publie aujourd'hui cette lettre. 

"Madame la Maire,

Dimanche soir 15 octobre 2023, une cen­taine de militant·es des comi­tés pari­siens du col­lec­tif #NousToutes ont col­lé sur un mur, rue de Chaligny dans le 12ème arron­dis­se­ment de Paris, 853 petites affiches por­tant le pré­nom, l’âge et la date de décès de toutes les femmes vic­times de fémi­ni­cides depuis le début du pre­mier quin­quen­nat d’Emmanuel Macron en mai 2017.

Nous avons orga­ni­sé ce mémo­rial à l’occasion tra­gique du 100ème fémi­ni­cide depuis le début de l’année, en l’absence de fem­mage public. C’était un ras­sem­ble­ment paci­fique, un mémo­rial pour toutes ces femmes assas­si­nées sim­ple­ment parce qu’elles sont des femmes.

Dans le calme, nous avons allu­mé des bou­gies veilleuses, nous étions plu­sieurs à nous recueillir, des per­sonnes de tous hori­zons.
Deux des per­sonnes pré­sentes dimanche soir ren­daient fem­mage à leurs proches, dont l’une d’elle a été tuée en mars 2023, par son ex-​conjoint, rue de Prague.

Nous allions par­tir quand 3 agent·es de police du com­mis­sa­riat de l’avenue Daumesnil nous ont deman­dé de reti­rer toutes ces affi­chettes.
Nous leur avons expli­qué la rai­son de ce col­lage mais iels n’ont rien vou­lu entendre, nous ont obligé·es à reti­rer l’intégralité des col­lages et ont rele­vé l’identité de l’une des colleureuses.

Nous avons alors dû reti­rer de nos mains chaque affi­chette et voir ces 853 vic­times encore une fois effa­cées ; certain·es d’entre nous pleu­raient de rage de devoir faire ce geste sym­bo­li­que­ment si abject.

Nous avons été pris·es d’un sen­ti­ment d’injustice.

Les agent·es de police sont resté·es der­rière nous, à nous contrô­ler, jusqu’à ce que l’intégralité des affi­chettes soit enle­vée. L’une d’entre nous a dû reti­rer le nom d’une per­sonne qu’elle connais­sait personnellement.

Ce qui s’est pas­sé est une honte abso­lue, honte d’effacer encore une fois ces femmes, honte de faire taire les col­lec­tifs qui dénoncent ces vio­lences, honte de cette humi­lia­tion, honte pour ces vic­times que la police ni n’écoute, ni ne pro­tège, ni ne res­pecte, même après leur mort.

Tous les 2 à 3 jours une nou­velle vic­time de fémi­ni­cide est à déplo­rer. 20 % de ces femmes avaient aler­té la police.
80 % des vio­lences au sein du couple sont clas­sées sans suite.

En 2021, 66 % des 3 500 répon­dantes à notre enquête #PrendsMaPlainte ont fait état d’une mau­vaise prise en charge par les forces de l’ordre lorsqu’elles ont vou­lu por­ter plainte pour des vio­lences conju­gales, sexistes ou sexuelles.

Aussi, nous deman­dons de pou­voir rendre fem­mage à nos sœurs, mères, amies, sans peur, sans être menacé·es et sans devoir reti­rer de nos mains leurs noms.
Sans les faire dis­pa­raître encore une fois.

Nos actions sont d’utilité publique et ne devraient pas être clandestines.

Les évé­ne­ments de dimanche der­nier semblent indi­quer que les forces de l’ordre font preuve de davan­tage de zèle pour effa­cer les noms de celles qu’iels auraient dû pro­té­ger, qu’à rece­voir cor­rec­te­ment celles qui sont peut-​être les futures vic­times de ces crimes.

Nous ne deman­dons qu’à être rassuré·es sur la bonne volon­té de votre mai­rie dans la lutte contre les vio­lences de genre, et sommes disposé·es à en par­ler avec vous.

Bien cor­dia­le­ment,
Les membres des comi­tés locaux #NousToutes Paris Nord et Sud"

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