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« Je suis une mère brû­lée dedans » : la dou­leur de la mère de Chahinez Daoud tuée par son ex-​mari en 2021

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Chahinez Daoud © Capture d'écran

Alors que la reconstitution du meurtre de Chahinez Daoud a lieu ce mercredi 24 mai à Mérignac en Gironde, les parents de la jeune femme, tuée par son ex-mari il y a deux ans, ont témoigné leur douleur au micro de franceinfo.

Leur douleur est toujours intacte. Deux ans après la mort de leur fille, Chahinez Daoud, tuée par son ex-mari, ses parents témoignent auprès de franceinfo alors qu’aura lieu ce mercredi 24 mai la reconstitution de son meurtre à Mérignac en Gironde. Le 4 mai 2021, la mère de famille de trois enfants a été blessée par balle par son ex-mari - déjà condamné pour violences conjugales - avant qu’il l’immole par le feu en pleine rue.

Ses parents, Djohal et Kamel Daoud, ont indiqué à franceinfo qu'ils n’assisteront pas à la reconstitution du meurtre de leur fille. « [L'auteur présumé des faits] ne mérite pas notre colère. Un homme qui brûle une femme, pour moi, c’est un lâche. Mourir de cette façon, personne ne peut l’accepter. Même les animaux ne méritent pas de mourir comme ça », confie ainsi Kamel, le père, à franceinfo.

Les grands-parents maternels ont quitté l’Algérie pour venir s’occuper des trois enfants de leur fille aujourd’hui âgé·es de 6, 9 et 14 ans. Iels ont raconté leur difficile reconstruction auprès de franceinfo. L’aîné fait des cauchemars et refuse de parler de sa mère tandis que le plus jeune tente de mettre des mots sur son traumatisme. « Il m’a dit “Papy, mon papa est un homme très méchant parce qu’il a tué ma mère !” Et j’ai pleuré en  cachette », raconte le grand-père. « On fait semblant de tenir, d’avoir du courage devant les enfants, poursuit-il. Mais dedans, on se sent brûlés. » Même sentiment douloureux pour Djohal. « Je suis une mère brûlée dedans, je suis une mère brisée », confie-t-elle a franceinfo.

Un procès au printemps prochain

La reconstitution du meurtre de Chahinez Daoud devrait clôre l’instruction. « Le procès se tiendra sûrement au printemps 2024 », a déclaré l’avocat des parents, Me Julien Plouton, à France Bleu Gironde début mai. L’ex-mari de Chahinez, Mounir B., a été mis en examen et placé en détention provisoire pour homicide volontaire par conjoint. « L’ensemble des actes qui devaient être réalisés l’ont été, notamment de nombreuses auditions de la personne mise en examen dans ce dossier. Les parents de Chahinez ont été entendus à leur demande. Les investigations sur la personnalité de l’auteur des faits ont été effectuées. Il ne reste qu’à effectuer la reconstitution criminelle, qui en général est l’acte qui précède la clôture de l’instruction », a-t-il indiqué.

L’avocat des parents de Chahinez Daoud a annoncé en mars dernier attaquer l’État pour faute de lourde en engageant une procédure à l’amiable pour « dysfonctionnements du service public de la justice » entre la condamnation du suspect pour violences conjugales en juin 2020 et la mort de Chahinez en mai 2021.

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Son meurtre, 39e féminicide de l’année 2021, avait, pour la première fois, soulevé une indignation nationale quant aux manquements de la police pour protéger les victimes de violences conjugales. Un rapport accablant de vingt-sept pages - diligenté par les ministères de l’Intérieur et de la Justice et publié cinq semaines après son assassinat – pointait en effet une impressionnante série de dysfonctionnements.

« C’est une démarche symbolique qui a pour but de continuer à sensibiliser sur la gravité de ce phénomène et les mesures qui doivent être prises pour tenter de le juguler, a expliqué Me Plouton au micro de France Bleu Gironde. Ce n’est pas une procédure au contentieux, c’est une demande amiable adressée aux ministères de la Justice et de l’Intérieur. » Selon France Bleu, la demande de la famille serait actuellement à l’étude par les différents ministères. Elle devrait obtenir une réponse d'ici la fin du mois. « Si aucune proposition ou retour concret ne nous est adressé, nous lancerons cette procédure de contentieux. C'est-à-dire la saisine du tribunal judiciaire », a toutefois indiqué Julien Plouton.

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En janvier 2022, les six policiers convoqués en Conseil de discipline pour leur responsabilité dans le féminicide de Chahinez Daoud avaient écopé de sanctions légères, allant de l’avertissement à trois jours de sanctions avec sursis. Selon leur avocat, les parents de Chahinez n'envisagent pas de lancer une procédure judiciaire à leur encontre. « On est sur des séries de manquements individuels. Au-delà de ces manquements individuels, on a une défaillance quasiment systémique. On a une chaîne pénale qui n'a souvent pas les réactions adaptées. Cela évolue, mais lentement », estime Me Plouton.

Pour enrayer ces dysfonctionnements, la députée Renaissance du Val‑d’Oise Émilie Chandler et la sénatrice Union centriste de l’Yonne Dominique Vérien, préconisent dans leur rapport sur le traitement judiciaire des violences intrafamiliales, remis à la première ministre lundi, de créer notamment des pôles spécialisés dans les violences intrafamiliales au sein des juridictions.

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