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Photo : Henry & Co / Unsplash

Interdiction de la publi­ci­té, “malus” envi­ron­ne­men­tal : l'Assemblée vote pour mettre un frein à la “fast fashion”

L’Assemblée natio­nale a voté jeu­di à l’unanimité des mesures contre la fast fashion, avec une inter­dic­tion de la publi­ci­té pour la vente de vête­ments à prix cas­sés inon­dant le mar­ché et un “malus” envi­ron­ne­men­tal ren­for­cé pour les rendre moins attractifs.

Le groupe Horizons – l’une des trois com­po­santes de la majo­ri­té pré­si­den­tielle – pré­sen­tait à l’Assemblée, ce jeu­di, dans le cadre de sa jour­née réser­vée au Palais Bourbon, une pro­po­si­tion de loi visant à frei­ner la fast fashion. Le texte a été voté à l’unanimité par l’instance natio­nale et devra désor­mais être exa­mi­né par le Sénat. Cette loi, si elle est adop­tée, ferait de la France “le pre­mier pays au monde à légi­fé­rer pour limi­ter les dérives de l’ultra fast fashion”, a salué dans l’hémicycle le ministre de la Transition éco­lo­gique, Christophe Béchu.

Dans un contexte de baisse du pou­voir d’achat, la satu­ra­tion du mar­ché par des vête­ments peu coû­teux, constam­ment renou­ve­lés et mas­si­ve­ment impor­tés, a ébran­lé le sec­teur, où les fer­me­tures de maga­sins et les redres­se­ments judi­ciaires se mul­ti­plient. Porté par la dépu­tée Horizons Anne-​Cécile Violland, ce texte pré­voit notam­ment une inter­dic­tion de la publi­ci­té pour la vente de vête­ments à prix cas­sés inon­dant le mar­ché et un “malus” envi­ron­ne­men­tal ren­for­cé pour les rendre moins attrac­tifs. “L’industrie tex­tile est la plus pol­luante, elle repré­sente 10 % des émis­sions de gaz à effet de serre”, a sou­li­gné la dépu­tée, men­tion­nant aus­si la pol­lu­tion des eaux. Les pra­tiques de pro­duc­tion inten­sive pous­sées à leur paroxysme par l’emblématique entre­prise chi­noise Shein et ses “7 200 nou­veaux modèles de vête­ments par jour” en moyenne sont éga­le­ment visées.

Jusqu’à 10 euros de pénalité

La pro­po­si­tion de loi donne une défi­ni­tion de la fast fashion, avec des cri­tères basés sur les volumes pro­duits et la vitesse de renou­vel­le­ment des col­lec­tions. Elle ren­voie cepen­dant à des décrets pour fixer des seuils chif­frés. La mesure prin­ci­pale est le ren­for­ce­ment du sys­tème de “bonus-​malus” dans le sec­teur tex­tile, pour tenir compte des “coûts envi­ron­ne­men­taux” d’une pro­duc­tion exces­sive. La péna­li­té serait liée à “l’affichage envi­ron­ne­men­tal” des pro­duits – soit le fait de per­mettre aux consommateur·rices d’en connaître l’empreinte éco­lo­gique –, faute de l’existence d’une autre méthode de nota­tion des pro­duits actuel­le­ment. Les entre­prises concer­nées auraient ain­si l’obligation de sen­si­bi­li­ser les consommateur·rices “à l’impact envi­ron­ne­men­tal” de leurs produits. 

Le mon­tant de cette péna­li­té, à fixer par décret, pour­rait atteindre pro­gres­si­ve­ment jusqu’à 10 euros par pro­duit en 2030, avec un pla­fond de 50 % du prix de vente. Un amen­de­ment a pré­vu des paliers pour atteindre ces 10 euros, notam­ment un pre­mier à 5 euros en 2025. “Il ne s’agit pas d’une taxe”, a insis­té Anne-​Cécile Violland, les contri­bu­tions devant être redis­tri­buées en faveur des producteur·rices de vête­ments durables, dans l’objectif que leurs prix baissent.

Le diable s'habille en décrets

L’autre mesure phare est l’“inter­dic­tion de la publi­ci­té pour les pro­duits et entre­prises” rele­vant de la défi­ni­tion de la fast fashion, cou­tu­mières d’un mar­ke­ting agres­sif. Cette dis­po­si­tion était sou­te­nue par tous les groupes, sauf Les Républicains (LR). “Si vous inter­di­sez la publi­ci­té sur le tex­tile, en par­ti­cu­lier la mode, vous n’avez plus de mode”, a esti­mé le dépu­té LR Antoine Vermorel-Marques.

Insoumis, éco­lo­gistes et socia­listes ont par ailleurs plai­dé en vain pour fixer des péna­li­tés mini­males et des quo­tas d’importation, ain­si que pour impo­ser des cri­tères de res­pect des droits sociaux dans l’industrie tex­tile. Ils ont aus­si échoué à faire figu­rer dans la loi les seuils chif­frés défi­nis­sant la “mode express”, comme le deman­dait aus­si LR. “Le diable est dans les décrets”, s’est inquié­tée la dépu­tée LFI Alma Dufour, crai­gnant que le minis­tère de l’Économie réduise l’ambition du texte par la voie régle­men­taire. Elle a en revanche salué un amen­de­ment gou­ver­ne­men­tal per­met­tant d’intégrer les pla­te­formes de vente en ligne (“mar­ket­places”).

Pour Shein, ce texte “péna­lise de manière dis­pro­por­tion­née les consom­ma­teurs les plus atten­tifs aux coûts”. Selon une porte-​parole, le nombre de réfé­rences “n’est pas un indi­ca­teur per­ti­nent” pour défi­nir la fast fashion, plu­tôt liée selon la marque à l’ampleur des inven­dus. L’Alliance du com­merce, qui fédère des grands maga­sins, a quant à elle expri­mé des réserves sur le fait de baser le “malus” sur “l’affichage envi­ron­ne­men­tal”. Son direc­teur géné­ral, Yohann Petiot a décla­ré craindre que le texte “rate sa cible” en impac­tant des entre­prises natio­nales plu­tôt que “l’ultra fast fashion”.

La coa­li­tion d’ONG Stop Fast Fashion avait en effet appe­lé les par­le­men­taires à pré­voir des seuils per­met­tant de “ne pas péna­li­ser uni­que­ment Shein ou Temu”, esti­mant que “des marques comme Zara, Primark, H&M ou Action” doivent aus­si être visées. Dans le cas des trois pre­mières enseignes citées, s’ajoute par ailleurs à l’impact envi­ron­ne­men­tal une res­pon­sa­bi­li­té humaine et éthique. Zara, Primark, H&M appa­raissent en effet tou­jours dans la liste noire des marques qui font usage du tra­vail for­cé de la com­mu­nau­té ouï­ghoure en Chine pour fabri­quer leurs vête­ments.

Lire aus­si I La fast fashion a un nou­veau fran­gin infer­nal : "Shop Cider"

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