L’Assemblée nationale a voté jeudi à l’unanimité des mesures contre la fast fashion, avec une interdiction de la publicité pour la vente de vêtements à prix cassés inondant le marché et un “malus” environnemental renforcé pour les rendre moins attractifs.
Le groupe Horizons – l’une des trois composantes de la majorité présidentielle – présentait à l’Assemblée, ce jeudi, dans le cadre de sa journée réservée au Palais Bourbon, une proposition de loi visant à freiner la fast fashion. Le texte a été voté à l’unanimité par l’instance nationale et devra désormais être examiné par le Sénat. Cette loi, si elle est adoptée, ferait de la France “le premier pays au monde à légiférer pour limiter les dérives de l’ultra fast fashion”, a salué dans l’hémicycle le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu.
Dans un contexte de baisse du pouvoir d’achat, la saturation du marché par des vêtements peu coûteux, constamment renouvelés et massivement importés, a ébranlé le secteur, où les fermetures de magasins et les redressements judiciaires se multiplient. Porté par la députée Horizons Anne-Cécile Violland, ce texte prévoit notamment une interdiction de la publicité pour la vente de vêtements à prix cassés inondant le marché et un “malus” environnemental renforcé pour les rendre moins attractifs. “L’industrie textile est la plus polluante, elle représente 10 % des émissions de gaz à effet de serre”, a souligné la députée, mentionnant aussi la pollution des eaux. Les pratiques de production intensive poussées à leur paroxysme par l’emblématique entreprise chinoise Shein et ses “7 200 nouveaux modèles de vêtements par jour” en moyenne sont également visées.
Jusqu’à 10 euros de pénalité
La proposition de loi donne une définition de la fast fashion, avec des critères basés sur les volumes produits et la vitesse de renouvellement des collections. Elle renvoie cependant à des décrets pour fixer des seuils chiffrés. La mesure principale est le renforcement du système de “bonus-malus” dans le secteur textile, pour tenir compte des “coûts environnementaux” d’une production excessive. La pénalité serait liée à “l’affichage environnemental” des produits – soit le fait de permettre aux consommateur·rices d’en connaître l’empreinte écologique –, faute de l’existence d’une autre méthode de notation des produits actuellement. Les entreprises concernées auraient ainsi l’obligation de sensibiliser les consommateur·rices “à l’impact environnemental” de leurs produits.
Le montant de cette pénalité, à fixer par décret, pourrait atteindre progressivement jusqu’à 10 euros par produit en 2030, avec un plafond de 50 % du prix de vente. Un amendement a prévu des paliers pour atteindre ces 10 euros, notamment un premier à 5 euros en 2025. “Il ne s’agit pas d’une taxe”, a insisté Anne-Cécile Violland, les contributions devant être redistribuées en faveur des producteur·rices de vêtements durables, dans l’objectif que leurs prix baissent.
Le diable s'habille en décrets
L’autre mesure phare est l’“interdiction de la publicité pour les produits et entreprises” relevant de la définition de la fast fashion, coutumières d’un marketing agressif. Cette disposition était soutenue par tous les groupes, sauf Les Républicains (LR). “Si vous interdisez la publicité sur le textile, en particulier la mode, vous n’avez plus de mode”, a estimé le député LR Antoine Vermorel-Marques.
Insoumis, écologistes et socialistes ont par ailleurs plaidé en vain pour fixer des pénalités minimales et des quotas d’importation, ainsi que pour imposer des critères de respect des droits sociaux dans l’industrie textile. Ils ont aussi échoué à faire figurer dans la loi les seuils chiffrés définissant la “mode express”, comme le demandait aussi LR. “Le diable est dans les décrets”, s’est inquiétée la députée LFI Alma Dufour, craignant que le ministère de l’Économie réduise l’ambition du texte par la voie réglementaire. Elle a en revanche salué un amendement gouvernemental permettant d’intégrer les plateformes de vente en ligne (“marketplaces”).
Pour Shein, ce texte “pénalise de manière disproportionnée les consommateurs les plus attentifs aux coûts”. Selon une porte-parole, le nombre de références “n’est pas un indicateur pertinent” pour définir la fast fashion, plutôt liée selon la marque à l’ampleur des invendus. L’Alliance du commerce, qui fédère des grands magasins, a quant à elle exprimé des réserves sur le fait de baser le “malus” sur “l’affichage environnemental”. Son directeur général, Yohann Petiot a déclaré craindre que le texte “rate sa cible” en impactant des entreprises nationales plutôt que “l’ultra fast fashion”.
La coalition d’ONG Stop Fast Fashion avait en effet appelé les parlementaires à prévoir des seuils permettant de “ne pas pénaliser uniquement Shein ou Temu”, estimant que “des marques comme Zara, Primark, H&M ou Action” doivent aussi être visées. Dans le cas des trois premières enseignes citées, s’ajoute par ailleurs à l’impact environnemental une responsabilité humaine et éthique. Zara, Primark, H&M apparaissent en effet toujours dans la liste noire des marques qui font usage du travail forcé de la communauté ouïghoure en Chine pour fabriquer leurs vêtements.
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