C’est un chiffre choc : pas moins d’un tee-shirt en coton sur cinq vendus dans le monde proviendrait de la production des Ouïghours internés dans les camps de Chine, selon un regroupement de 180 ONG luttant pour les droits humains.
H&M, Zara, Lacoste, Nike, C&A, Adidas, Calvin Klein, Gap, Ikea… Ces marques et vingt-neuf autres ont été mises à l’index, jeudi 23 juillet, par une coalition d’ONG pour leurs liens avérés avec des entreprises sous-traitantes du textile qui utilisent la main‑d’œuvre gratuite des Ouïghour·es emprisonné·es par le gouvernement chinois.
Fruit d’un travail de recoupage des informations provenant de la presse ou d’ONG, long de plusieurs mois, le rapport de la « Coalition pour mettre un terme au travail forcé dans la région ouïghoure », regroupant 180 ONG qui luttent pour les droits humains, est accablant. 84 % du coton de la Chine, premier producteur au monde de cette fibre, provient de la région du Xinjiang, où vit la majorité de cette population musulmane. C’est aussi dans cette région que le pouvoir communiste emprisonne à tour de bras les Ouïghour·es, condamné·es sans procès aux travaux forcés. Conséquence, selon la coalition : « Environ un vêtement en coton sur cinq vendus dans le monde contient du coton et/ou du fil issu de la région ouïghoure. Il est quasiment certain que ces produits sont issus du travail forcé. »
Entre 1 million et 1,8 million de personnes appartenant aux minorités ethniques ouïghoures ou kazakhes seraient enfermées dans ces camps d’internement permettant « des détentions arbitraires de masse », selon les mots prononcés, le 21 juillet, par le ministre des Affaires étrangères français, Jean-Yves Le Drian. Les travaux forcés dans l’agriculture ou l’industrie textile seraient le lot de la plupart d’entre elles. « Le modèle économique de la fast fashion encourage cet esclavagisme, dénonce Nayla Ajaltouni, porte-parole du Collectif Éthique sur l’étiquette, qui fait partie de la coalition d’ONG. Il faut comprendre qu’aujourd’hui les procédés génocidaires de la Chine à l’encontre des Ouïghours se retrouvent dans les vêtements que nous portons. »
Dans un « appel à l’action » déterminé, la coalition « donne douze mois » aux marques de vêtements occidentales pour « cartographier » leurs sous-traitants une bonne fois pour toutes et se débarrasser de ceux dont les usines se trouveraient en Chine. « Certains Ouïghours sont envoyés dans des usines en dehors de la région du Xinjiang, mais ils y subissent les mêmes exactions, explique Nayla Ajaltouni. Nous ne voulons donc pas limiter l’engagement des multinationales au seul Xinjiang. » Et de faire remarquer que ces appels aux « boycotts de régions ou pays sont rares », le dernier étant survenu au plus fort de la répression de la junte au Myanmar, au début des années 2000 : en Chine, l’heure est particulièrement grave.
Le communiqué de ces ONG tombe au moment même où une recrudescence d’attention médiatique en France se porte sur le sort des Ouïghour·es. Le 19 juillet, un journaliste de la BBC confrontait l’ambassadeur de Chine en Grande-Bretagne à une vidéo parue sur YouTube en septembre et montrant des centaines de personnes présentées comme ouïghour·es, assises par terre, les yeux bandés, les mains liées, surveillées par des policiers. Le 21 juillet, Libération publiait le témoignage terrifiant d’une femme recrutée pour enseigner dans des « camps de rééducation » de la région, où les femmes font l’objet de viols collectifs des policiers. De quoi, enfin, bousculer le sentiment d’impunité de la Chine ? Pour toute réponse aux critiques de la diplomatie française, le pays a crié aux « mensonges ».