La condamnation fin mars de trois hommes à des peines allant jusqu’à deux ans de prison ferme pour des viols répétés sur une petite fille de onze avait suscité l’indignation et la colère dans le pays. Leur procès en appel doit débuter ce jeudi 6 avril.
Beaucoup attendent une condamnation plus lourde. Les trois hommes, condamnés fin mars à des peines allant jusqu'a deux ans ferme pour avoir violé à répétition une fillette de onze ans, sont de retour ce jeudi 6 avril devant la justice marocaine. Le ministère public ayant fait appel de la décision rendue le 20 mars dernier par le tribunal de Rabat, ils sont à nouveau jugés par la chambre criminelle de la cour d’appel de Rabat à partir d’aujourd’hui. Un second procès qui soulève beaucoup d’espoir, après un verdict jugé bien trop faible. Une manifestation avait d’ailleurs lieu hier devant la cour d’appel de Rabat à l’initiative du Printemps de la dignité, un collectif d’associations marocaines de défense des droits humains, rapporte Le Monde. « Non aux viols des fillettes », ont scandé une soixantaine de protestataires, en majorité des femmes, qui ont fustigé « la honte de l’enfance violée ».
Les trois hommes sont accusés d’avoir violé pendant des mois en 2021 Sanaa, une petite fille originaire de Tiflet, une ville située au nord-ouest du Maroc entre Rabat et Meknès, rapporte Libération. Les trois hommes vivant dans son voisinage l'ont menacée de tuer sa famille si elle parlait. C’est la grossesse de Sanaa, dont elle s’est rendu compte presque au terme, engendrée par les multiples viols, qui a mis un terme aux violences sexuelles, déclenché les poursuites en justice et permis l’arrestation des coupables. Quinze jours après, Sanaa accouchait d’un petit garçon. Le principal violeur et géniteur de l’enfant a été identifié par des analyses ADN. Poursuivi pour « détournement de mineure » et « attentat à la pudeur sur mineure avec violence », ce dernier a écopé fin mars d’une peine de deux ans de prison et de 30.000 dirhams d’amende (environ 3 000 euros), indique Libération. Les deux autres ont été condamnés à 18 mois d’emprisonnement dont 6 avec sursis et 20.000 dirhams d’amende.
Profonde indignation
Le verdict du procès a suscité l’indignation, la colère et l’écœurement chez les associations marocaines de défense des droits humains. Le 28 mars, la sociologue féministe Soumaya Naamane Guessous publie ainsi une lettre ouverte au ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi, sur le site d’information marocain Le360 intitulée « Deux ans de prison pour les violeurs d’une fillette de 11 ans ou l’insoutenable légèreté de la justice ». Elle notamment rappelé que « le viol est lourdement pénalisé au Maroc ». « Selon le Code pénal, si le viol a été commis sur une mineure de moins de 18 ans, la peine est la réclusion de 10 à 20 ans, s’il y a eu défloration la réclusion est de 10 à 20 ans, on est bien loin des deux ans prononcés par le tribunal », déplore-t-elle ajoutant que ces viols ont eu lieu collectivement et de manière répétée, « ce qui devrait alourdir les peines ».
Comment expliquer alors ce verdict ? Le prononcé du jugement, révélé par le site d’information marocain Medias24, indique que les juges ont accordé des circonstances atténuantes aux prévenus, en les justifiant par les « conditions sociales de chacun d’entre eux et à l’absence d’antécédents judiciaires » ajoutant que « la peine prévue légalement est sévère au regard des faits incriminés ».
Interrogé par Medias24, l’avocat bénévole de la famille de Sanaa, Me Mohamed Oulkhouir – qui est aussi vice-président de l’Institut national de solidarité avec les femmes en détresse (Insaf) – considère que les faits devraient être requalifiés en « viol ». « Il est difficile de qualifier cela comme attentat à la pudeur sachant qu'il y a trois personnes accusées de viol en réunion et qu’un test ADN a démontré que l’un d’eux était le père de l’enfant », a‑t-il déclaré ajoutant qu’ « on parle de viol d’une mineure de 11 ans pendant plusieurs mois par plusieurs adultes en réunion. La peine octroyée est très légère. Nous ne sommes pas en matière correctionnelle mais criminelle. L’enjeu doit être la réclusion de 10 ans, au minimum ».
La consternation est telle qu’elle a conduit le ministre de la Justice à réagir. Dans une déclaration faite samedi à la presse, Abdellatif Ouahbi s’est dit lui-aussi « choqué » par ce verdict et a fait savoir que le ministère public avait fait appel du jugement, indique Medias24.
Soutien financier
Au-delà d’avoir bénévolement mis leur avocat à disposition de la famille de Sanaa, l’INSAF a pris en charge la petite fille. Elle sera soutenue financièrement jusqu’à son autonomie. Désormais scolarisée dans un internat à Casablanca, Sanaa revient dans sa famille uniquement le week-end pour s’occuper de son fils, indique Soumaya Naamane Guessous dans sa lettre ouverte.
De son côté, l’anthropologue et écrivaine marocaine Yasmine Chami a déposé dimanche une pétition sur le site Change.org exigeant la réouverture du procès et la mise en place d’un observatoire indépendant dont la mission serait de « signaler tous les manquements de la justice dans les verdicts concernant les violences faites aux femmes et aux enfants ». La pétition a récolté pour l’heure plus de 34.000 signatures.