Les libraires des Parleuses à Nice et la journaliste Hélène Devynck ont conjointement saisi la justice mardi pour faire annuler la décision qui a autorisé l'opération de police administrative ayant mené à la censure de collages féministes lors de la visite de Gérald Darmanin.
Contre-attaque judiciaire. Après que des collages féministes sur l'affaire Sophie Patterson-Spatz, apposés sur les murs et la devanture de la librairie Les Parleuses à Nice, ont été dissimulés par des policier·ères à l'aide d'un large drap noir vendredi, lors de la venue de Gérald Darmanin, la résistance s'organise. Les libraires des Parleuses et la journaliste accusant de viol PPDA Hélène Devynck ont conjointement saisi la justice, afin de faire reconnaître l’« illégalité » de la censure de la vitrine, rapportent Médiapart et Libération.
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Ce dernier a pu consulter le « recours en annulation » de quinze pages, déposé au tribunal administratif de Nice. Il vise le maire de Nice Christian Estrosi et le ministère de l’Intérieur, à même selon le recours, d’ordonner une telle mesure. Il concerne les décisions administratives ayant mené à l’entrave de l’accès à la librairie, et à la pose d’un drap noir sur ses vitrines « en vue de cacher les collages militants placés à l’intérieur ainsi que les exemplaires du livre Impunité dont il était fait la promotion ». Livre signé par Hélène Devynck, et retraçant l'omerta sur l'affaire PPDA.
Lorraine Questiaux, l'avocate des libraires, estime également dans ce document, selon Mediapart, que cela a porté atteinte, d’une part, « à l’exercice de la liberté d’expression [de la librairie] en censurant les messages figurant en vitrine », et, d’autre part, « à l’exercice de sa liberté de commerce, puisque l’opération de police s’est soldée par une fermeture forcée de l’établissement durant plusieurs heures ».
« Pas digne d’une démocratie »
Selon l’avocate, à travers cette opération, « les forces de l’ordre ont été détournées de leur mission d’intérêt général à des fins privées », dans le but d’« étouffer l'affaire judiciaire personnelle » de Gérald Darmanin, a‑t-elle affirmé à Mediapart. En juillet dernier, le locataire de Beauvau a bénéficié d'un non-lieu après une plainte pour viol déposée par Sophie Patterson-Spatz en 2017 pour des faits remontant à 2009. La cour d'appel de Paris examinait mardi l'appel de cette dernière, mais la décision a été mise en délibérée à la date du 24 janvier, a appris Causette auprès de son avocate, Elodie Tuaillon-Hibon.
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Sur la vitrine et les murs attenants, on pouvait notamment lire : « Qui sème l’impunité récolte la colère », « Victimes, on vous croit. Violeurs, on vous voit » ou « Sophie, on te croit ». Outre l’annulation de la décision, des excuses publiques aux requérantes de la part du maire de Nice et du ministre de l'Intérieur sont également demandées. Plusieurs associations féministes et de défense des droits humains envisagent, par ailleurs, selon Libération de se joindre à leur action judiciaire. « Ce qu’il s’est passé n’est pas digne d’une démocratie, sauf à considérer que les femmes n’ont plus le droit de parler. Quand on en est à contrôler les librairies, on est plus dans un Etat de droit », conclut Hélène Devynck.