Dans son rapport annuel, le Haut Conseil à l’égalité estime que ces trois espaces sont des “incubateurs” du sexisme qui “perdure”, voire s’aggrave, notamment chez les jeunes hommes.
“Le sexisme commence à la maison, continue à l’école et explose en ligne”, a déclaré la présidente du Haut Conseil à l’égalité (HCE), Sylvie Pierre-Brossolette, à l’AFP. L’instance indépendante chargée de conseiller le gouvernement publie, ce lundi 22 janvier, son rapport annuel, intitulé “S’attaquer aux racines du sexisme”. À quelques jours de la première Journée nationale contre le sexisme, jeudi – annoncée l’année dernière par le président Emmanuel Macron –, cette étude souligne que le sexisme “perdure” au sein des sphères privées comme publiques et appelle particulièrement à réguler les stéréotypes sur le Web.
Un pas en avant deux pas en arrière
Neuf femmes sur dix déclarent avoir personnellement subi une situation sexiste, selon une enquête réalisée en novembre 2023 par Viavoice pour le HCE auprès d’un échantillon représentatif de 3 500 personnes de 15 ans et plus. 70 % d’entre elles estiment ne pas avoir reçu le même traitement que leurs frères dans la vie de famille et 38 % ont vécu une inégalité de traitement à l’école.
Autre enseignement de l'étude, certains stéréotypes sexistes émanent parfois davantage des jeunes que de leurs aîné·es. Ainsi, 28% des hommes de 25–34 ans considèrent ainsi que "les hommes sont davantage faits pour être patrons", bien plus que les hommes d'autres classes d'âge (9% des 50–64 ans). 59% des 25–34 ans pensent par ailleurs qu'il n'est "plus possible de séduire une fille sans être vu comme sexiste" ou 52% qu'on "s'acharne sur les hommes".
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“Plus l’engagement en faveur des femmes s’exprime dans le débat public, plus la résistance s’organise. Les réflexes masculinistes et comportements machistes s’ancrent en particulier chez les jeunes hommes adultes, pendant que l’assignation des femmes à la sphère domestique regagne du terrain”, déplore le HCE. Ce dernier s’inquiète notamment des tendances #TradWife (femme traditionnelle) et #StayAtHomeGirlfriend (petite amie au foyer) sur TikTok, où des vidéos montrent le quotidien presque dystopique – fait d’intérieurs impeccables et de petits plats maisons – de jeunes femmes sans travail et sans enfants, dévouées à leur compagnon.
“Les racines du mal”
Selon le HCE, les stéréotypes persistent parce que le “virus du sexisme” est “inoculé dès le plus jeune âge dans les trois incubateurs les plus puissants de la société : la famille, l’école et le numérique”. Ainsi, seulement 3 % des hommes interrogés ont reçu dans leur enfance des poupées et 4 % des femmes, des jouets voiture. “L’école reproduit ces schémas, avec des conséquences directes sur l’orientation : 74 % des femmes n’ont jamais envisagé de carrière scientifique ou technique”, poursuit Sylvie Pierre-Brossolette. Quant au numérique, le HCE pointe notamment “les vidéos pornographiques” qui “diffusent des contenus misogynes d’une rare violence que deux tiers des hommes de 25–34 ans disent imiter dans leurs relations sexuelles”.
Les violences sexuelles restent donc à un niveau “alarmant”, d’après le HCE : 37 % des femmes interrogées disent avoir subi au moins une “situation de non consentement” (et même la moitié des 25–34 ans) au cours de leurs vies. La présidente de l’organisme ajoute que “cela rend la lutte contre le sexisme encore plus nécessaire et urgente. On ne peut lutter contre les violences sans s’attaquer aux racines du mal, sinon c’est le tonneau des Danaïdes”.
Reconnaître le sexisme
Pour lutter contre le sexisme ambiant, le HCE préconise de “réguler l’espace numérique”, réseaux sociaux compris. Il recommande ainsi de contraindre par la loi les plateformes à autoévaluer – sous l’égide de l’Arcom – le degré de stéréotypes et de sexisme de leurs contenus les plus vus, de la même façon que pour les chaînes de télévision. Une proposition qu’avaient acceptée en principe les patrons français de Meta et de Google.
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Le HCE recommande également d'inciter juges et citoyen·nes à s'approprier le délit du sexisme, qui existe dans les textes, mais que l'instance recommande de simplifier. Jeudi, plusieurs événements sont organisés par les milieux féministes à l'occasion de la première journée nationale du sexisme : un "Sexisme TV show", parodie de chaîne télévisée du collectif Ensemble contre le sexisme, ou encore un spot du HCE pour "faire du sexisme une histoire ancienne", diffusé à la télévision comme sur les réseaux sociaux.