La contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, Dominique Simonnot, s'était auto-saisie du sujet des opérations du maintien de l'ordre dans le cadre de la mobilisation contre la réforme des retraites. Dans un rapport, elle dénonce entre autres « une instrumentalisation des gardes à vue à des fins répressives ».
Ambiance entre le premier flic de France et Dominique Simonnot, qui occupe le poste de contrôleuse générale des lieux de privation de liberté. Dans un courrier qu'il lui a adressé mardi 2 mai, Gérald Darmanin affirme que la contrôleuse « excède ses compétences, notamment lorsqu’elle dénonce “une instrumentalisation des mesures de garde à vue à des fins répressives” ». Cette lettre, des plus sèches, est une réponse au courrier que Dominique Simonnot a envoyé au ministre de l'Intérieur mi-avril pour l'alerter quant à des « atteintes graves aux droits fondamentaux » des gardé·es à vue dans le cadre des opérations de maintien de l'ordre dans le cadre de la mobilisation contre la réforme des retraites.
"Banalisation de l'enfermement"
La contrôleuse des lieux de privation de liberté s'était donné pour mission fin mars de visiter avec ses équipes neuf commissariats parisiens afin de s'entretenir avec des personnes « interpelées à Paris dans le cadre ou en marge des manifestations du 23 mars contre la réforme des retraites ». En parallèle, les contrôleur·euses ont aussi interrogé des personnes gardées à vue à l'occasion de précédentes manifestations. Bilan : l'instance relève un « nombre important de procédures conduites en méconnaissance des normes et des principes qui régissent la procédure de garde à vue, voire, dans certaines situations, en violation des textes applicables ».
Si les personnes interpelées qualifient dans l'ensemble « d'adaptée » l'attitude des policier·ères qui gèrent les gardes à vue, la « quasi-totalité » d'entre elles imputent par contre des « comportements inappropriés » aux agent·es interpellateur·rices. Au menu de ces dysfonctionnements : « des interpellations violentes », « des fouilles systématiques en sous-vêtements », « des conditions d'hygiène indignes », « des espaces individuels insuffisants en cellule collective » ou encore « des irrégularités dans les fiches d'interpellation ».
Sur ce dernier point, le rapport dénonce en effet « l'indigence des éléments permettant de caractériser l'infraction ou la tentative d'infraction en cause » et appuie son jugement à l'aide d'un chiffre : « 80% des procédures sont classées sans suite une fois opéré le contrôle de l'autorité judiciaire ». La contrôleuse poursuit : « Les instructions données par la préfecture de police et le parquet de Paris, notamment, de même que le taux de classement sans suite des procédures, révèlent en effet un recours massif, à titre préventif, à la privation de liberté à des fins de maintien de l'ordre public. » Une « approche préventive qui n'est prévue par aucun texte de droit français » et une « banalisation de l'enfermement », tance l'instance.
« Cette approche du maintien de l'ordre révèle ainsi non seulement une instrumentalisation des mesures de garde à vue à des fin répressives », conclut, sévère, la contrôleuse. Interrogée par franceinfo mercredi 3 mai sur la réponse tout aussi fraîche du ministre de l'Intérieur, Dominique Simonnot a commenté : « C’est de bonne guerre après tout. […] Mais c’est quoi notre travail sinon d’aller vérifier sur place que les droits des gens sont respectés, on est exactement dans notre rôle ? » Cette passe d'arme intervient au lendemain d'une interpellation de la France de la part du conseil des droits de l'homme de l'ONU au sujet des efforts à mener par notre pays pour lutter contre les violences policières et les discriminations raciales.
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