La plaignante accuse le ministre d’avoir tenté de la violer lors d’une fête organisée chez lui à Paris en 2010.
Une enquête préliminaire pour tentative de viol a été ouverte, mardi 28 juin, après la plainte déposée lundi contre le ministre des Solidarités, Damien Abad, a annoncé hier le parquet de Paris, sollicité par l’AFP. La plaignante – une élue centriste qui avait témoigné sous le prénom d’emprunt de Laëtitia dans Mediapart mi-juin – accuse le ministre d’avoir tenté de la violer lors d’une fête organisée chez lui à Paris, début 2010.
« Aujourd’hui, je ne peux plus me taire. Si je parle, c’est pour que ça s’arrête, qu’il ne puisse pas recommencer », avait déclaré Laëtitia à Mediapart en juin. « C’est un très bon signal pour les victimes. Ma cliente a foi en la justice », a déclaré, mercredi, l’avocate de la plaignante, Me Raphaële Bialkiewicz, au sujet de l’ouverture de l’enquête dont les investigations ont été confiées à la brigade de répression de la délinquance contre la personne (BRDP).
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« L’ouverture d’une enquête préliminaire est une non-information puisque chacun sait que toute plainte enregistrée, fût-elle infondée, prescrite et fermement contestée, est systématiquement suivie de l’ouverture d’une enquête préliminaire », ont réagi, de leur côté, les deux avocat·es de Damien Abad, Benoît Chabert et Jacqueline Laffont. « Damien Abad prend donc acte de cette suite logique et pourra rapidement démontrer son innocence », ont-il et elle ajouté. Lundi, le ministre avait à nouveau contesté les accusations de tentative de viol et annoncé déposer à son tour une plainte pour dénonciation calomnieuse à l’encontre de Laëtitia.
Tentative de viol
Les faits remonteraient au premier semestre de l’année 2010. À l’époque, Laëtitia était présidente, dans son département, du mouvement de jeunesse du Nouveau Centre, dont Damien Abad, député européen, était le président national. Ce soir-là, Damien Abad organise donc une fête chez lui, à Paris, au cours de laquelle il « offre un verre » à la femme. Verre au fond duquel elle voit « quelque chose », précise-t-elle dans l’enquête journalistique. Méfiante, elle recrache immédiatement sa gorgée dans les toilettes.
C’est alors que, selon son récit, Damien Abad l’aurait attendu derrière la porte, l’aurait « poussée dans une pièce en face », puis aurait tenté de la contraindre à une fellation. « J’avais peur, j’étais sidérée. Je me suis débattue, je l’ai frappé dans le ventre », raconte-t-elle auprès du média d’investigation, précisant avoir finalement pu « se défaire » de son agresseur présumé et sortir de la pièce grâce à l’irruption d’un convive. Les faits rapportés par Laëtitia ont par la suite été « étayés par les témoignages de huit personnes, à qui elle s’est confiée ou qui ont pu être témoins de certains éléments de son récit », et que Mediapart affirme avoir contactées.
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Deux autres femmes accusent, elles aussi, Damien Abad de violences sexuelles. Leurs témoignages ont été publiés par Mediapart fin mai. Une publication faite au lendemain de la nomination d’Abad au poste de ministre des Solidarités, de l’Autonomie et des Personnes handicapées, en dépit du signalement de ces témoignages, adressé à LREM et LR, par l’Observatoire des violences sexistes et sexuelles en politique.
La première, « Margaux » (prénom d’emprunt), affirme avoir été violée par Damien Abad en 2011. Elle a déposé plainte à deux reprises. Plaintes qui ont été classées sans suite en 2012, puis en 2017, d’abord pour « carence de la plaignante », puis « faute d’infraction suffisamment caractérisée ».
Pour la deuxième, « Chloé » (prénom d’emprunt également), qui a dénoncé des faits qui se seraient déroulés lors d’une soirée à l’automne 2010, le parquet de Paris a annoncé fin mai qu’il n’ouvrait pas d’enquête « en l’état », faute « d'éléments permettant d’identifier la victime des faits dénoncés ». Son témoignage avait en effet été transmis à la justice sous une forme anonymisée.
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L’ouverture de cette enquête préliminaire relance une fois de plus la polémique quant au maintien de Damien Abad au sein du gouvernement d’Elisabeth Borne. Les appels à la démission du ministre se sont en effet multipliés dans les rangs de l’opposition et des associations féministes depuis ces révélations.
À quelques jours du deuxième tour des législatives, la Première ministre bottait ainsi en touche lorsqu’une jeune femme l’interrogeait sur la présence de D. Abad au sein de son gouvernement : « En tant que Première ministre, je le dis aussi en tant que femme, je les invite à déposer plainte parce que c’est important que la justice puisse dire les faits. » Voilà donc qui est fait.
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