Maltraitances, humiliations, intimidations… dans un rapport publié mercredi, le rapporteur spécial des Nations unies sur les défenseur·euses de l’environnement, Michael Forst, s’inquiète de “la tendance généralisée et croissante à réprimer et à criminaliser les manifestations et la désobéissance civile environnementales” en Europe.
Michael Forst, rapporteur spécial des Nations unies sur les défenseur·euses de l’environnement, exprime dans un nouveau rapport publié ce mercredi ses craintes quant à la répression croissante “des manifestations et de la désobéissance civile environnementales”. Un phénomène constaté dans plusieurs pays européens et qui constitue d’après Forst “une menace majeure pour les droits humains et la démocratie”.
Le rapporteur spécial de l’ONU a collecté pendant plus d’un an des informations dans les pays européens signataires de la convention d’Aarhus sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement. Il estime aujourd’hui dans ce rapport synthétique que “l’urgence environnementale à laquelle nous sommes collectivement confrontés et que les scientifiques documentent depuis des décennies ne peut être traitée si ceux qui tirent la sonnette d’alarme et exigent des mesures sont criminalisés pour cette raison”.
"Éco-terrorisme"
En France, la dissolution du collectif écologiste des Soulèvements de la Terre annoncée en juin dernier par Gérald Darmanin – avant d’être annulée par le Conseil d’État en octobre – et la qualification par le ministre de l’Intérieur de ces actions d’“écoterrorisme” illustrent, selon ce rapport, la criminalisation croissante des mouvements environnementaux. Le rapporteur de l’ONU constate ainsi que “dans de nombreux pays, il semble qu’il soit devenu acceptable de comparer les manifestations perturbatrices, telles que les blocages routiers ou l’occupation d’un site de construction, au crime organisé, au terrorisme, à la violence et au meurtre de civils”. Le 22 février dernier, Michael Forst était d’ailleurs présent sur le chantier de la controversée autoroute A69 avec les militant·es écologistes opposé·es à ce projet qui rencontrent sur place un déploiement massif des forces de police.
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Répression abusive
En France, mais aussi en Allemagne, au Royaume-Uni, en Italie, en Espagne ou encore en Pologne, Michael Forst constate ainsi une “réponse disproportionnée” des États face aux mobilisations écologistes pacifiques de désobéissance civile qui tendent de plus en plus à engendrer une perturbation de l’espace public. Il souligne aussi “de nombreux rapports faisant état d’interventions policières brutales et abusives”. Outre le harcèlement subi par de nombreux·euses manifestant·es (contrôles d’identité abusifs, arrestations et amendes), Forst rappelle qu’en “France, en Pologne et en Espagne, des policiers ont frappé des manifestants pacifiques, y compris des manifestants tombés à terre”. Dans plusieurs pays, ces faits de maltraitance se poursuivent ensuite en garde à vue, où les défenseur·euses de l’environnement sont également intimidé·es, voire humilié·es, selon ce rapport.
Les procédures judiciaires intentées contre des militant·es écologistes se durcissent et peuvent désormais mener à des peines sévères. Cette répression de la part des tribunaux “envoie un signal très alarmant quant à l’état de l’espace civique et à la libre jouissance des droits humains fondamentaux”, estime Michael Forst. Le 8 septembre dernier, neuf militant·es et représentant·es syndicaux·ales ont été jugé·es pour avoir maintenu deux rassemblements interdits contre les mégabassines de Sainte-Soline (Deux-Sèvres).