Tandis que l'Inde et le Pakistan connaissent un épisode de canicule mortelle (avoisinant les 50°) dans une grande partie de leurs territoires, trois questions à Yamina Saheb, économiste et ingénieure, coautrice du volume 3 du rapport du Giec.
Causette : Si l’humanité échoue à inverser la courbe des émissions de CO2 « d’ici trois ans », comme le préconise le rapport, est-on foutu·es ?
Yamina Saheb : Cela rendra l’action beaucoup plus chère et compliquée. Les émissions de CO2 doivent absolument commencer à baisser à partir de 2025 pour se tenir à + 1,5 °C de réchauffement. Notre rapport parle des solutions pour y parvenir et non des conséquences si l’on n’agit pas. Mais il s’agirait de cascades de phénomènes : inondations, pluies torrentielles, agriculture perturbée, épisodes de gel – comme cette année –, pénuries de nourriture, canicules…
Quelle est la priorité ? La transition énergétique, urbaine, le transport, l’agriculture, la finance ?
Y. S. : Il faudrait tout décarboner ! La réduction des émissions passe par l’efficacité des équipements et la sobriété. Jusqu’ici, on a surtout travaillé sur l’efficacité. Sur le plan énergétique, elle a permis de diminuer les émissions de CO2 d’environ 49 % entre 2009 et 2019. Mais comme on n’a pas restreint l’activité, les émissions du secteur énergie ont augmenté de 52 % ! Cela doit passer par des politiques publiques permettant des modes de vie durables : des villes moins étalées, accessibles en transports en commun. Cela a des effets positifs sur la santé.
Avez-vous foi dans le courage politique des dirigeant·es ?
Y. S. : La crise du Covid m’a redonné confiance. J’ai toujours pensé que s’il y avait une volonté urgente, la décision serait prise. La pandémie m’a donné raison. Qui aurait pensé qu’on pourrait confiner des sociétés aussi libérales que les nôtres ? La question à laquelle je n’ai pas de réponse, c’est comment provoquer la décision de la part des chefs et cheffes d’État ? La politique en ce moment a tendance à nous assommer.