Le dernier rapport du Haut Conseil à l’égalité (HCE), publié ce lundi 23 janvier, dresse un bilan alarmant du sexisme en France.
Le sexisme ne recule pas en France. Bien au contraire. La situation actuelle est même « alarmante », estime le Haut Conseil à l’égalité (HCE) – chargé depuis 2019 de remettre au gouvernement un rapport annuel sur l’état du sexisme en France – dans son deuxième baromètre annuel sur le sexisme, rendu public ce lundi 23 janvier. Malgré des « avancées incontestables en matière de droits des femmes », le HCE constate que « certaines manifestations sexistes les plus violentes s’aggravent » notamment chez les jeunes générations.
Selon le rapport annuel – réalisé en ligne auprès de 2 500 hommes et femmes par l’institut Viavoice -, les clichés et les stéréotypes sexistes perdurent, et ce, « en dépit d’une sensibilité toujours plus grande aux inégalités depuis Me too ». En tout, 93 % des interrogé·es constatent ainsi des inégalités de traitement entre les hommes et les femmes. Le rapport pointe d’ailleurs que ces inégalités « semblent s’être creusées dans certaines sphères » de notre société. Par exemple, seul·es 53 % des Français·es considèrent que les femmes et les hommes sont traité·es de la même manière dans le cadre éducatif. Un score en baisse de neuf points par rapport au précédent baromètre publié en mars 2022.
En conséquence, ils·elles sont 82 % à souhaiter voir la prévention et la lutte contre le sexisme devenir l’un des sujets prioritaires dans l’agenda des pouvoirs publics, mais seulement 30 % à faire confiance au gouvernement pour répondre à cette problématique.
22 % des femmes de 18 à 24 ans disent avoir subi « un acte sexuel imposé ».
Pourtant, l’urgence est là, souligne le rapport du Haut Conseil à l’Égalité qui met en lumière les conséquences directes de ce sexisme. Du sexisme quotidien, dit « ordinaire », jusqu’à ses manifestations les plus violentes, le sexisme entre pleinement dans le continuum des violences faites aux femmes. Plus d’une Française sur trois a ainsi déjà vécu une situation de non-consentement, c’est-à-dire un rapport sexuel sous la contrainte (devant l’insistance d’un·e partenaire ou encore sous l’emprise d’alcool ou de drogue). En tout, 14 % des femmes interrogées disent avoir subi « un acte sexuel imposé », c'est-à-dire un viol ou une agression sexuelle. Un chiffre qui monte à 22 % chez les femmes de 18 à 24 ans.
Le rapport indique aussi que 12 % des femmes interrogées ont déjà eu un rapport sexuel non protégé devant l’insistance de leur partenaire. Un chiffre qui monte à 18 % chez les 25–34 ans. De plus, 7 % des femmes interrogées disent avoir déjà eu un rapport sexuel pendant lequel leur partenaire a retiré son préservatif sans leur accord. Elles sont aussi 7 % à déclarer avoir déjà subi des étreintes, des baisers de collègues ou d’hommes qu’elles ne connaissaient pas.
En ce qui concerne les violences conjugales, les chiffres du rapport sont là-aussi éloquents puisque 15 % des femmes interrogées affirment avoir déjà subi des coups portés par leur compagnon ou ex-compagnon. Ce chiffre monte à 20 % pour les femmes âgées entre 50 et 64 ans. Des violences conjugales en hausse puisque selon les chiffres du ministère de l'Intérieur, les services de sécurité français ont enregistré 208 000 victimes de violences commises par un·e conjoint·e ou un·e ex-conjoint·e en 2021, soit 21% de plus qu'en 2020.
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Et les hommes ? Selon le rapport, ces derniers ont bien du mal à se sentir concernés par le sexisme. Sept hommes interrogés sur dix considèrent que la société généralise en considérant que « les hommes sont tous sexistes » et quatre sur dix estiment d'ailleurs qu’on « s’acharne sur les hommes ».
Pire, 23 % d’entre eux pensent qu’« on en fait trop sur les agressions sexuelles » tandis que d’autres inversent la culpabilité. Ils sont ainsi 16 % à penser qu’une femme agressée sexuellement peut en partie être responsable de sa situation.
Concernant la vision des femmes et les clichés sexistes, la tendance est la même. Le rapport observe d’ailleurs un ancrage plus important de ces clichés masculinistes chez les hommes de moins de 35 ans. Seul un tiers des 15–34 ans considèrent comme problématique qu' « une femme cuisine tous les jours pour toute la famille », contre 40 % des plus de 65 ans. Autre exemple : 20 % des 25–34 ans considèrent que pour être respecté en tant qu’homme dans la société, il faut vanter ses exploits sexuels auprès de ses amis (contre 8 % en moyenne). Et 32 % d’entre eux considèrent que le barbecue est une affaire d’homme, soit quasiment 10 points de plus que la moyenne des hommes (23 %).
Pire, 23 % des hommes de 25 à 34 ans pensent qu’il faut parfois être violent pour se faire respecter contre 11 % en moyenne. Et seuls 78 % des 15–34 ans (soit un peu plus des trois-quarts) perçoivent un problème lorsqu'« un homme gifle sa conjointe », alors que les plus de 65 ans sont 97 % à s'en offusquer. Enfin, les plus jeunes sont moins choqués que leurs ainés par le fait qu'un homme insiste pour avoir un rapport sexuel avec sa conjointe.
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Dix recommandations
Afin d'en terminer avec le sexisme, le Haut Conseil à l'égalité propose une liste de dix recommandations. Il conseille ainsi fortement d'augmenter les moyens financiers et humains de la justice pour former les magistrat·es.
Le rapport propose également d'instaurer une obligation de résultats pour l’application de la loi sur l’éducation à la sexualité et à la vie affective dans les établissements scolaire, et ce, dans un délai de trois ans et de prévoir une sanction financière en cas de non-respect de cette obligation dans ce délai. Le conseil préconise aussi de rendre les formations contre le sexisme par les employeurs obligatoires, d'interdire la publicité pour les jouets genrés, mais aussi d'institutionnaliser une journée nationale de lutte contre le sexisme le 25 janvier.
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