Crash du Malabar Princess : chasse aux tré­sors dans les glaciers

Le 3 novembre 1950, un avion de la compagnie Air India s’écrase au sommet du mont Blanc. Le Malabar Princess transportait quarante-huit personnes et – paraît-il – des lingots d’or. Un second crash, seize ans plus tard, au même endroit, continue d’alimenter la légende. Depuis, des passionné·es arpentent la montagne pour collecter les débris des deux engins.

plane crash wrecks glacier des bossons mont blanc massif chamonix haute savoie 1993 france. image shot 1993. exact date unknown
© Serge Moumart/Alamy Stock Photos - Jean-Baptiste D

Peut-être avez-vous vu le film Malabar Princess, sorti en 2004. à l’affiche : Jacques Villeret, Michèle Laroque et Claude Brasseur. Synopsis : au pied du mont Blanc, Tom, 8 ans, espère retrouver sa mère disparue cinq ans auparavant, en recherchant l’épave de l’avion indien qui s’est écrasé. Cette fiction inspirée de la réalité fait allusion au fameux trésor, mais laisse planer le mystère. Celui-ci commence le 3 novembre 1950 avec une tempête qui s’abat sur les Alpes. Le Malabar Princess est repéré pour la dernière fois à 25 kilomètres au nord-ouest de Grenoble, peu après 10 h 30. Quelques minutes plus tard, il percute le rocher de la Tournette à 4 677 mètres d’altitude. Parti de Bombay, il devait relier Londres. Il n’arrivera jamais à Genève pour son escale. 

Le 6 novembre, vingt-cinq guides de haute montagne ­s’approchent des lieux de l’accident pour tenter de sauver les éventuels rescapés, mais ils sont pris dans une avalanche qui coûte la vie à leur chef. Le préfet des Hautes-Alpes interdit alors toute nouvelle tentative de rejoindre l’épave. Ce qui n’empêche pas cinq secouristes de monter : ils constatent que les quarante passagers – des marins indiens de l’Indian Navy qui se rendaient à Londres – et les huit membres d’équipage ont été tués sur le coup. Ils décrivent une explosion violente avec un impact terrible sur les corps.

Le mystère s’épaissit seize ans plus tard. Le 24 janvier 1966, un Boeing 707 s’écrase à son tour sur le sommet du mont Blanc. Même compagnie, même endroit. Le Kangchenjunga effectuait la liaison Bombay-New York avec 117 passagers à son bord. Il n’y a aucun survivant. Cette fois, pas de tempête, mais plus probablement une erreur ­d’appréciation du pilote quant à la hauteur de la cime. 

Rumeurs et secrets gelés dans la glace

Très vite, une autre hypothèse émerge cependant. Un ­journal allemand affirme qu’un avion militaire italien, utilisé dans le cadre de manœuvres de l’Otan, a disparu des radars au même moment. Une expédition non autorisée, emmenée par l’alpiniste René Desmaison, redescend des pièces d’avion qui n’appartiendraient pas à un Boeing, accréditant la thèse de la collision. On apprend que le physicien Homi Jehangir Bhabha, qui s’apprêtait à doter l’Inde de la bombe atomique, figurait parmi les passagers. 

Des rumeurs commencent à circuler dans la vallée de Chamonix. Déjà, en 1950, il se murmurait que le Malabar Princess transportait des lingots d’or, une information jamais confirmée à ce jour. Mais après le crash du Kangchenjunga, un assureur britannique certifie publiquement que des pierres précieuses se trouvaient à bord. Toute une génération d’alpinistes se met à rêver de découvrir ce trésor enfoui au fond d’une crevasse.

Avec les années qui passent et les glaces qui fondent, la montagne commence à livrer ses secrets. Ces crashs auraient été oubliés si, régulièrement, le glacier des Bossons ne « recrachait » des débris : restes humains arrimés à leurs sièges, squelettes d’une escouade de singes en cage, morceaux de carlingue, chaussures, papiers d’identité, journaux d’époque, valises… En 1975, le guide de haute montagne Christian Mollier découvre le train d’atterrissage du Malabar Princess. Un des moteurs de l’épave réapparaît en 1989 à 1 900 mètres d’altitude, puis un deuxième en 2001, un peu plus bas. 

L’honnêteté d’un jeune Savoyard

Parmi les glaneurs alpins, Daniel Roche s’illustre par son acharnement. Dans la région, on le surnomme « la teigne des glaciers ». Depuis le début des années 1990, cet alpiniste lyonnais qui se présente comme « chasseur d’histoires » a récolté douze tonnes de débris en sillonnant sans relâche les versants français et italiens. Des pièces qu’il expose, revend ou rend aux familles quand c’est possible. Il s’est aussi donné une mission : prouver que le Kangchenjunga a été victime soit d’un attentat visant le « père » de la bombe nucléaire indienne, soit d’une bavure militaire maquillée en accident. 

De son côté, la journaliste Françoise Rey a enquêté ­pendant vingt-quatre ans sur cette double tragédie. En 1991, elle publie Crash au Mont-Blanc. Les fantômes du Malabar Princess1 , qui devient la référence sur les drames de 1950 et 1966 grâce à son minutieux travail de recoupement des témoignages. En 2015, elle revient avec Crashs au Mont-Blanc. La fin des secrets ?2, un titre dans lequel le point ­d’interrogation a toute son importance.

Concernant les trésors supposément transportés par les avions, une partie du mystère est levée le 9 septembre 2013. Un jeune alpiniste savoyard découvre une boîte métallique contenant des sachets de pierres précieuses. Honnête, il la remet à la gendarmerie de Bourg-Saint-Maurice (Savoie). À l’intérieur, une centaine d’émeraudes, de saphirs et de rubis pour un total de 132 grammes et une valeur estimée entre 130 000 et 246 000 euros. Conformément à la loi, le butin est conservé sous scellés durant cinq ans, le temps que les autorités essaient d’en retrouver les propriétaires. 

Le 9 septembre 2018, l’enquête n’ayant pas abouti, la moitié des bijoux a été remise à la commune de Chamonix, terrain de la trouvaille, et l’autre moitié à l’alpiniste qui les avait découverts. Un an plus tard, un mémorial pour les victimes des deux crashs d’Air India a été inauguré près du refuge du Nid d’Aigle, à 2 412 mètres d’altitude. Un hommage à tous ces fantômes qui continuent de planer au-dessus du mont Blanc.

  1. éd. Glénat, 2004 (réédition).[]
  2. éd. Glénat, 2015.[]
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