Les rou­tières sont sym­pas : Toupinette, la route en rose

Les rou­tières sont sym­pas (2⁄5). Tout a com­men­cé un soir de jan­vier 2019, quand le jour­na­liste Jean-​Claude Raspiengeas s’est ren­du pour un repor­tage à L’Escale-Village, le plus grand res­to rou­tier de France. De là naî­tra un an d’enquête. Et au bout du che­min, un livre : Routiers. En exclu­si­vi­té pour Causette, Jean-​Claude Raspiengeas a repris la plume pour nous emme­ner à la ren­contre de cinq rou­tières, cinq femmes de tem­pé­ra­ment qui, une chose est sûre, n’ont pas choi­si leur métier par erreur. 

annick niquet
© Serge Picard 

Facebook, 18 mars 2020, quatre heures du matin. « Quand tout ça ne sera plus qu’un mau­vais sou­ve­nir, j’espère que vous vous sou­vien­drez que pen­dant que vous étiez confi­nés, des hommes et des femmes ont conti­nué jour et nuit à rou­ler au volant de leurs poids lourds (oui, vous savez, ces assas­sins de la route, ces pol­lueurs, ceux que vous refu­sez de voir tra­ver­ser vos villes et vil­lages car ils vous gênent) afin que vous puis­siez conti­nuer à ne man­quer de rien mal­gré tout !!! » Sur la route, la pre­mière nuit du confi­ne­ment géné­ral, Annick Niquet, sur­nom­mée « Toupinette », laisse écla­ter sa rage sur les réseaux sociaux. 

Les rou­tiers sont trai­tés comme des pes­ti­fé­rés, reje­tés de par­tout. Ils appro­vi­sionnent en biens essen­tiels, de pre­mière néces­si­té, un pays qui flanche, mais n’ont droit ni aux sani­taires, ni aux par­kings, ni aux aires d’auto­route, ni aux res­tau­rants. La situa­tion est encore plus cruelle pour les femmes. 

“C’est magni­fique un 44 tonnes

La crise du Covid-​19 lais­se­ra des traces. À l’amertume habi­tuelle de se sen­tir par­tout mépri­sés, les rou­tiers ont mani­fes­té colère, puis révolte d’être trai­tés de la sorte. Les femmes, qui pâtissent déjà, en temps nor­mal, de ne pas dis­po­ser de sani­taires adap­tés, ont beau­coup souf­fert de cette mise en qua­ran­taine sur les lieux de char­ge­ment et de déchar­ge­ment. Tandis qu’ils et elles pre­naient des risques pour accom­plir cette « mis­sion » de ravi­tailler le pays, alors au bord de l’effondrement. 

Et pour­tant… « J’adore conduire. C’est magni­fique un 44 tonnes ! » Comment Toupinette aurait-​elle pu échap­per à son des­tin ? Fille de gara­giste, admi­ra­tive de son père quand il était au volant de son Dodge, reli­quat de l’armée amé­ri­caine. Mais il est mort jeune. Annick cher­chait à se conso­ler en écou­tant sur RTL Les Routiers sont sym­pas, de Max Meynier, pour y retrou­ver les échos d’un monde per­du et y entendre « les élans d’une vraie soli­da­ri­té ». D’abord, mariée à un rou­tier qui l’empêchait de pas­ser son per­mis poids lourd, divor­cée et rema­riée avec un autre, Thierry, sur­nom­mé « Cambouis », qui l’a ini­tiée aux rudi­ments de la conduite en camion, Annick Niquet roule essen­tiel­le­ment entre Paris et Le Havre, son tra­jet le plus régu­lier, avec les conte­neurs qu’elle charge dans le port. Elle fut l’une des pre­mières femmes à y péné­trer au volant d’un poids lourd.

Elle tracte un Volvo FH 500 ruti­lant, tout de rose déco­ré, des jantes à la cou­chette. Sur le pare-​brise, son sur­nom, « Toupinette », défile, en rose fluo sur une enseigne lumi­neuse grâce à laquelle les rou­tiers et les rou­tières se recon­naissent (lire page 39). 

Dans sa cabine, un réchaud, un fri­go avec des vic­tuailles pour parer toute éven­tua­li­té, des gamelles, du linge. Et une cafe­tière. Soumise en per­ma­nence à des horaires déca­lés, elle y déjeune ou dîne (un bien grand mot), le plus sou­vent « pour gagner du temps et ren­trer plus vite », chez elle, près d’Yvetot, en Seine-Maritime.

Mère et belle-​mère de cinq enfants (« Je me demande par­fois com­ment j’ai pu gérer tout ça… », soupire-​t-​elle), grand-​mère de six petits-​enfants, qui ne démarre jamais sans avoir pris soin d’ajouter une touche légère de maquillage pour accen­tuer l’éclat de son regard, elle passe beau­coup d’heures à attendre sur les quais ou dans les entre­pôts. « Pour tuer le temps avant de reprendre la route, je lis, je tri­cote, je papote au télé­phone avec ma famille et mes copines. Je fais des mots croi­sés. Je poste des mes­sages sur nos réseaux sociaux. » 

Toupinette ne craint pas de dire : « J’aime la route. Je ne m’en lasse pas. Assister au lever du soleil m’émerveille. Aucune jour­née n’est sem­blable à une autre. »


Les rou­tières sont sym­pas, une série en cinq épisodes

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