En ce 5 mai, journée internationale des sages-femmes, le Conseil national de l’Ordre des sages-femmes dresse un tableau noir de la profession, qui n'attire plus et alerte sur les conséquences sur la santé des femmes.
Après avoir interpellé les candidat·es durant la campagne présidentielle, c’est l’attention de celles et ceux qui comptent se présenter aux législatives que l’Ordre des sages-femmes souhaite attirer en cette journée internationale des sages-femmes. Cette frange du personnel soignant – qui s’occupe, en plus des accouchements, du suivi des grossesses, du post-partum, de la contraception, de la vaccination, des consultations gynécologiques de prévention, de la pratique des IVG médicamenteuses… – se porte particulièrement mal. À la suite à une grande enquête lancée en juin 2020, le Conseil de l'Ordre des sages-femmes a dévoilé que, sur les 24 000 sages-femmes françaises, des femmes pour l’immense majorité, plus de la moitié pense à quitter la profession, 44% se déclarent en burn-out et 87% jugent le statut actuel dans la fonction publique inadapté. Une situation qui n’est pas prête de s’enrayer au vu des chiffres côté étudiant·es : 70% d’entre eux·elles disent présenter des symptômes dépressifs et plus d'un quart, 27%, envisagent de mettre fin à leurs études.
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La colère de la profession gronde depuis des années et a pris une tournure virulente sous le quinquennat d'Emmanuel Macron. En septembre 2020, après une première vague de Covid ayant essoré l'hôpital public, le ministre Olivier Véran « oublie » d'inviter les représentant·es des sages-femmes au Ségur de la Santé. Un affront pour la profession, très marquée par l'attitude du ministère. Depuis, les sages-femmes tentent de faire revaloriser leur statut. Selon le code de la santé publique, les sages-femmes exercent une profession médicale, à l’instar des dentistes ou des médecins. Pourtant, selon le classification INSEE et quand elles sont recrutées à l’hôpital, elles se retrouvent assimilées aux professions paramédicales.
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Répercussions en cascade
Au-delà des conséquences individuelles, la précarité de la profession et la pénurie de sages-femmes dans les maternité qu'elle engendre se répercutent sur la santé de toutes les Français·es ainsi que celle de leurs nourrissons. D'après un sondage IFOP pour le Conseil de l'Ordre des sages-femmes datant de septembre 2021, le nombre de femmes ayant contracté des IST a augmenté de 10% ces dix dernières années, faute de prévention efficace, une femme sur six n'a pas de suivi gynécologique et 25% des écoles n'ont pas de programme d'éducation à la sexualité. Pis encore, comme le note l'Ordre des sages-femmes, « alors que la santé des femmes est souvent circonscrite à la reproduction, les politiques de périnatalité de notre pays sont insuffisantes et obsolètes. Les derniers états généraux de la naissance se sont tenus en 2006 et la Commission nationale de la naissance et de la santé de l’enfant […] n’est plus active depuis 2016. » Dès lors, « les indicateurs en périnatalité de la France stagnent ou se dégradent », comme en témoigne une étude publiée dans The Lancet début mars 2022 sur la hausse de la mortalité infantile en France.
Pour toutes ces raisons, l’Ordre des sages-femmes demande aux politiques de s’engager pour cinq mesures phares : faire de la santé des femmes une priorité de la prochaine mandature, adapter le système de santé aux attentes de la société, améliorer le suivi des femmes et des couples, faire évoluer la profession pour répondre aux enjeux de santé publique et revaloriser la profession et renforcer son attractivité. Sept associations de sages-femmes se sont également réunies pour partager, le 7 mars 2022, le Livre Blanc de la profession, Et si on parlait d’elles, qui propose lui aussi des pistes d'amélioration.
En 2016, avant les précédentes élections, l’Ordre des sage femmes demandait déjà une meilleure reconnaissance de leur profession. En vain, selon Caroline Combot, secrétaire générale de l’Organisation nationale des syndicats de sages-femmes (ONSSF), qui déclare début avril à Marie Claire : « On appelle au secours désespérément depuis des années, et nos appels restent sans réponse. En 5 ans de mandature, par exemple, nous n’aurons pas rencontré la ou le Ministre de la Santé… On ne nous propose des rendez-vous qu’avec les conseillers, qui changent souvent. »
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