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© Mathieu Stern / Unsplash

20 % des femmes bas­culent dans la pau­vre­té au moment du divorce, révèle la Fondation des femmes

Dans le cadre de sa qua­trième ana­lyse des fac­teurs de pré­ca­ri­té des femmes, publiée ce jeu­di, la Fondation des femmes s’est inté­res­sée au coût du divorce. Le couple hété­ro­sexuel est une véri­table “trappe à pau­vre­té” pour les femmes, affirme l’institut, où les inéga­li­tés se creusent tout au long du mariage.

“La pré­ca­ri­té en France a un visage : celui d’une mère iso­lée”, dénonce Anne-​Cécile Mailfert. La Fondation des femmes publie aujourd’hui sa qua­trième ana­lyse des fac­teurs de pré­ca­ri­té des femmes — en par­te­na­riat avec le Crédit muni­ci­pal de Paris – de son Observatoire de l’émancipation éco­no­mique des femmes. Rédigée par les expertes Lucile Peytavin et Hélène Gherbia, la note de cette année s’intéresse aux consé­quences de la sépa­ra­tion chez les femmes en couple hété­ro­sexuel. À l’heure où le gou­ver­ne­ment pro­met de se pen­cher sur la ques­tion des familles mono­pa­ren­tales (dont 82 % ont une femme à leur tête), la Fondation publie dans son ana­lyse un chiffre choc : 20 % des femmes bas­culent dans la pau­vre­té au moment du divorce, contre 8 % des hommes.

En France, selon l’Insee, près d’un mariage sur deux abou­tit à un divorce (dans 44 % des cas). Loin du jack­pot pécu­niaire sou­vent dépeint dans les repré­sen­ta­tions popu­laires, ce pro­ces­sus de sépa­ra­tion appau­vrit lour­de­ment les femmes, rat­tra­pées par une accu­mu­la­tion de coûts sus­ci­tés par le mariage. “Ce que la nou­velle note de l’Observatoire de l’émancipation éco­no­mique des femmes tend à éta­blir, c’est que s’émanciper d’un mariage ne libère pas des inéga­li­tés femmes-​hommes. Les femmes, après une sépa­ra­tion ou un divorce, conti­nuent de s’occuper des enfants et d’en payer le prix”, décrit Anne-​Cécile Mailfert, pré­si­dente de la Fondation des femmes, dans un communiqué. 

“Illusion d’égalité”

Au-​delà de faire état de l’étranglement finan­cier que repré­sente la sépa­ra­tion pour les mères, l’intérêt de ce rap­port est d’analyser les méca­nismes d’appauvrissement qui appa­raissent en amont, tout au long de la rela­tion de couple. Car “les inéga­li­tés éco­no­miques femmes/​hommes semblent explo­ser sou­dai­ne­ment au moment du divorce, mais c’est une illu­sion, met en garde Hélène Gherbi, coau­trice de la note. Elles n’apparaissent pas subi­te­ment dans le couple au moment de la sépa­ra­tion. Elles se construisent et se ren­forcent tout au long du mariage”.

Pour les autrices, ce phé­no­mène est dû à la “péna­li­té mater­nelle” – la charge paren­tale est inégale, 40 % des femmes “modi­fient leur acti­vi­té après une mater­ni­té” et voient leur reve­nu dimi­nuer –, les poli­tiques publiques patriar­cales (comme la conju­ga­li­sa­tion de l’impôt) qui ne se révèlent que très rare­ment avan­ta­geuses pour les femmes, ou encore la répar­ti­tion inégale des dépenses au sein du couple. La nature des dépenses tend par exemple à aug­men­ter le patri­moine des hommes (voi­tures, immo­bi­lier, etc.), tan­dis que les femmes inves­tissent dans des biens consom­mables pour le foyer (pro­duits d’hygiène, nour­ri­ture, etc.), dont il ne reste trace lors d’une sépa­ra­tion. Un “fonc­tion­ne­ment [qui] a un impact majeur sur l’enrichissement per­son­nel de chacun·e”, conclut l’ana­lyse.

170 euros, la moyenne des pen­sions alimentaires

Autant de fac­teurs qui creusent le fos­sé d’inégalité au sein du couple et pré­ca­risent les femmes en cas de sépa­ra­tion. Le divorce se révèle ain­si une “épreuve éco­no­mique pour les femmes”. La pro­cé­dure en elle-​même peut lais­ser les femmes lésées, dans la mesure où “en pri­vi­lé­giant le règle­ment amiable et paci­fié des sépa­ra­tions, les poli­tiques actuelles com­pliquent la prise en compte des asy­mé­tries et des rap­ports de force conju­gaux”, écrit dans cette note la socio­logue Émilie Biland-​Curinier. Certains arran­ge­ments peuvent notam­ment être accep­tés par les femmes sous la contrainte dans les cas de vio­lences conju­gales, où se jouent des vio­lences éco­no­miques et/​ou liées à la parentalité. 

Lire aus­si I “Tu n’es rien, tu n’as rien, tout est à moi” : les vio­lences éco­no­miques conju­gales sortent peu à peu de l’ombre

La paren­ta­li­té, enfin, appa­raît comme l’épicentre des inéga­li­tés femmes-​hommes en cas de sépa­ra­tion. “Avant ou après le divorce, où sont les pères ?” inter­roge la note. Déjà peu enclins à par­ta­ger l’impact éco­no­mique de la charge paren­tale en couple (seuls 6 % des pères réduisent ou arrêtent leur acti­vi­té à l’arrivée d’un enfant), les pères accusent éga­le­ment très peu le coup finan­cier des enfants en cas de sépa­ra­tion. “Après un divorce, la rési­dence prin­ci­pale des enfants est en grande majo­ri­té [75 %] fixée chez la mère”, révèle l’analyse, et les contri­bu­tions ali­men­taires (ver­sées dans 97 % des cas par le père) – qui doivent “per­mettre au parent qui a la garde des enfants de sub­ve­nir à leurs besoins et leur édu­ca­tion” – res­tent impayées pour 30 à 40 % des foyers. Le mon­tant moyen de cette contri­bu­tion s’élève par ailleurs à 170 euros men­suels par enfant, “ce qui est lar­ge­ment insuf­fi­sant au regard de ce que coûte l’entretien d’un enfant”, dénonce dans cette ana­lyse la Collective des mères iso­lées.

La Fondation des femmes décrit le mariage hété­ro­sexuel comme “un sys­tème à deux vitesses”, qui “per­met aux hommes de ren­for­cer leur sécu­ri­sa­tion éco­no­mique” et péna­lise les femmes – sur­tout les mères –, “fra­gi­li­sées éco­no­mi­que­ment par le mariage”. Sous cou­vert “de la pra­tique du 50/​50 dans la répar­ti­tion des dépenses”, qui néglige le prin­cipe d’équité en fonc­tion des salaires, sou­vent plus bas pour les femmes, le mariage crée un fos­sé invi­sible d’inégalités révé­lées en cas de sépa­ra­tion. “Le mariage appau­vrit les femmes : il est essen­tiel pour elles de bien choi­sir leur régime matri­mo­nial et leur pro­cé­dure de divorce pour anti­ci­per et atté­nuer ses effets néga­tifs sur leurs reve­nus”, recom­mande Lucile Peytavin, coau­trice de cette ana­lyse. Il s’agit d’entrer dans une union en toute connais­sance de cause, donc, de pro­té­ger ses arrières, mais aus­si d’exiger davan­tage : avec cette note, la Fondation des femmes réclame ain­si “des poli­tiques publiques ambi­tieuses pour le pou­voir éco­no­mique des mères isolées”.

Lire aus­si I Impôts et pres­ta­tions sociales : pour­quoi la poli­tique « fami­lia­liste » de l'État fran­çais crée des injus­tices finan­cières pour les femmes

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