Vers une réforme de la fiscalité des pensions alimentaires ? À l’heure où l’exécutif promet de se pencher sur la question des familles monoparentales, cette idée refait surface sous l’impulsion, notamment, de la gauche et des féministes qui dénoncent depuis des années une “double peine” pour les femmes.
“Le système actuel est patriarcal : on offre une niche fiscale aux hommes aux dépens des femmes”, estime le député socialiste Philippe Brun, à l’origine, avec la députée LFI Sarah Legrain, d’un projet de proposition de loi transpartisane sur les familles monoparentales qui prévoit une révision de cette fiscalisation.
Mise en place après un divorce ou une séparation, la pension alimentaire est une contribution financière versée par l’un des parents à l’autre pour participer aux frais liés à “l’entretien et à l’éducation de l’enfant” (nourriture, vêtements, transport, frais de logement, loisirs, cantine…). Considérée comme un transfert de revenus, cette pension est ajoutée aux ressources du parent ayant la garde de l’enfant à titre principal – et à l’inverse déduite des ressources de l’autre parent – pour le calcul de l’impôt sur le revenu. Elle est également prise en compte dans les barèmes des prestations sociales (RSA, prime d’activité, prestations familiales et aides au logement).
"Double peine"
Une “hérésie” aux yeux de la gauche et des associations féministes, qui bataillent depuis des années pour une remise à plat de cette fiscalité se faitant, selon elles, aux dépens des femmes, qui représentent une majorité écrasante – plus de 90 % – des quelque 900 000 parents percevant une pension alimentaire chaque année.
“Pour les femmes qui perçoivent la pension alimentaire, c’est la double peine”, pointe l’ONG Oxfam dans son Manifeste fiscal, juste, vert et féministe, publié chaque année. “Elles doivent non seulement intégrer les montants perçus dans leur revenu imposable, et donc payer plus d’impôts, alors qu’il ne s’agit pas de leur revenu, mais d’une participation de l’ex-conjoint destiné à l’éducation de leur enfant. Mais elles peuvent aussi, par ce biais, perdre le bénéfice de certaines prestations sociales”, alerte l’ONG.
Dans un rapport publié en 2021, le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA) recensait, lui, des “incohérences” et des “ruptures d’égalité” entre parents séparé·es découlant du système fiscal actuel. Il préconisait, entre autres, de ne plus prendre en compte la pension alimentaire, qu’elle soit reçue ou versée, dans les barèmes des prestations sociales ou dans le revenu imposable.
"Mères défavorisées"
En 2022, cette idée de remise à plat fiscale, jusque-là portée par la gauche, figure dans le programme de Valérie Pécresse (Les Républicains), candidate à l’élection présidentielle. La proposition de loi, que compte déposer au printemps le groupe transpartisan chapeauté par Philippe Brun et Sarah Legrain, prévoit de défiscaliser la pension alimentaire pour le parent qui la reçoit, dans la limite de 4 000 euros par enfant, avec un plafond à 12 000 euros par an.
Le texte préconise également de ne plus prendre en compte le montant de la pension alimentaire dans le calcul des revenus ouvrant droit à des prestations et aides sociales. Ce dernier point est crucial, insiste émilie Biland-Curinier, professeure des universités en sociologie à Sciences Po Paris et spécialiste des dispositifs de paiement des pensions alimentaires. La non-prise en compte de la pension alimentaire dans l’impôt sur le revenu “bénéficierait principalement aux femmes des classes moyennes et supérieures, cela ne changerait rien à la situation des mères défavorisées, qui ne sont pas imposables”, relève-t-elle.
Ajouter la question des aides sociales permettrait donc de pallier ce manque, ajoute-t-elle, et de battre en brèche au passage l’argument avancé par certains pères qui disent à la mère de leur enfant “Je ne vais pas te verser une pension alimentaire, sinon ça va diminuer tes prestations sociales”.