Ici, ni clichés ni tabous. Religions, identités queers, séropositivité, règles, représentation des sexualités maghrébines au cinéma, transmasculinité… Voilà trois ans que Jamal anime Jins, podcast plein de finesse sur l’amour et la sexualité des personnes arabes et/ou musulmanes. Causette l’a rencontré.
Causette : Dites-nous tout : c’est quoi, Jins ?
Jamal : C’est le premier podcast qui parle de sexualité, de genre, de féminisme et d’amour pour les personnes arabes et/ou musulmanes, de France et d’ailleurs. Jins, ça veut dire “sexe” en arabe, mais pas que : c’est aussi la sexualité, le genre… Et c’est la même racine étymologique que jinsia, qui signifie nationalité. Donc ça parle beaucoup d’identités.
Pourquoi préciser à chaque fois “pour les personnes arabes et/ou musulmanes” ?
Jamal : C’était très important pour moi de mettre l’accent sur le “et/ou”, puisque l’arabité et l’islamité, ce sont évidemment deux identités différentes. On peut être arabe et musulman, arabe et chrétien, arabe et juif, arabe et apostat, athée… De la même façon qu’on est copte d’Égypte ou maronite du Liban, on peut être juif séfarade ou mizrahi. On peut être amazigh, donc non arabe, avoir des religions syncrétiques… Et on peut aussi être perçu comme une personne noire ou n’être pas directement perçu comme une personne racisée, alors qu’on est musulman ou musulmane. Donc c’était important pour moi de pouvoir être à l’intersection de toutes ces identités-là, tout en ayant un contexte culturel très fort.
Qu’est-ce qui vous a décidé à lancer Jins, en 2021 ?
Jamal : Il y avait une volonté très forte de parler enfin des sujets et des identités dont on ne parlait jamais, ou peu et mal, surtout dans les médias mainstream. D’avoir un nouveau point de vue sur ces identités-là. Et le déclic, c’est l’ensemble des choses que j’ai vécues, qui m’ont amené à ces questionnements, à lire plus de cinq cents ouvrages sur ces questions sociologiques, anthropologiques, psychologiques, sexologiques du monde arabe et/ou musulman. D’avoir réussi aussi à replonger dans ma spiritualité à moi, c’est-à-dire replonger dans l’islam avec lequel j’ai grandi pour m’en détacher et pour y revenir à ma façon. C’est aussi, évidemment, avec toutes les choses que j’ai vécues en matière de racisme. Comprendre que j’étais arabe en arrivant en France, ça a été aussi un déclic. Et puis c’était aussi comprendre comment on pouvait éviter les messages grossophobes à la télé, comment on pouvait être tout autant anti-islamophobie qu’anti-antisémitisme, etc. Pour moi, toutes ces questions étaient extrêmement importantes à aborder d’un point de vue nuancé et sans qu’aucune identité ne soit laissée de côté.
Les questions liées aux vécus queers et LGBTIA+ occupent une place majeure dans votre podcast. Pourquoi ce prisme ?
Jamal : Il est important pour moi de parler des identités queers, LGBTQIA+ dans les contextes de la religion, dans les contextes arabes ou, plus généralement, dans les contextes des personnes qui sont racisées ou qui sont spirituelles. Tout simplement parce qu’à chaque fois qu’on associe les deux dans une même phrase, il y a un moment de choc, de recul. C’est quelque chose qui semble antithétique, oxymorique, qu’on n’arrive pas[…]