Des manifestant.es contre les mutilations génitales féminines devant l'Assemblée nationale à Banjul, le 18 mars 2024. @ MUHAMADOU BITTAYE / AFP
Des manifestant.es contre les mutilations génitales féminines devant l'Assemblée nationale à Banjul, le 18 mars 2024. @ MUHAMADOU BITTAYE / AFP

Gambie : un nou­veau pro­jet de loi remet en cause l’interdiction de l’excision

La Gambie va-​t-​elle être le pre­mier pays au monde à réta­blir le droit d’exciser ses filles ? Un pro­jet de loi inquié­tant, dépo­sé par le dépu­té Almameh Gibba, a été exa­mi­né lun­di au Parlement. La ques­tion divise le pays et pour­rait remettre en cause d’autres droits humains, selon les ONG. 

Les député·es gambien·es ont pro­gres­sé, lun­di, dans l’examen d’un texte contro­ver­sé visant à lever l’interdiction des muti­la­tions géni­tales fémi­nines (MGF) en le sou­met­tant à une com­mis­sion par­le­men­taire. Perpétrées au nom de la tra­di­tion, comme rite de pas­sage de l’état de fille à femme, les MGF ont de graves consé­quences phy­siques et psy­cho­lo­giques pour celles qui subissent ces actes d’une vio­lence inouïe. 

En 2015, l’ancien dic­ta­teur gam­bien Yahya Jammeh avait inter­dit les MGF, esti­mant qu’elles étaient dépas­sées et ne consti­tuaient pas une exi­gence de l’islam. Le Parlement avait ensuite adop­té la pre­mière loi inter­di­sant spé­ci­fi­que­ment cette pra­tique, qui est désor­mais pas­sible d’une peine pou­vant aller jusqu’à trois ans d’emprisonnement.

Une vic­toire pour le droit des filles gam­biennes à dis­po­ser de leur corps qui n’a pas duré. Début mars, le dépu­té Almaneh Gibba a pré­sen­té un texte qui revient sur cette déci­sion, jugeant que “l’interdiction de l’excision est une vio­la­tion directe du droit des citoyens à pra­ti­quer leur culture et leur reli­gion”. Devant ses col­lègues, il annonce alors ce pro­jet de loi, “visant à pré­ser­ver les prin­cipes reli­gieux et à sau­ve­gar­der les normes et les valeurs cultu­relles”. Les député·es ont ren­voyé, lun­di, le texte à une com­mis­sion par­le­men­taire qui va l’examiner pour au moins trois mois avant d’être à nou­veau débat­tu. Quarante-​deux ont voté pour et quatre contre. 

Cette ques­tion ne fait pas consen­sus au sein de la popu­la­tion et divise ce pays d’Afrique de l’Ouest, à majo­ri­té musul­mane, depuis des mois. Des cen­taines de per­sonnes pour ou contre le pro­jet se sont ras­sem­blées pour pro­tes­ter devant le Parlement. Les militant·es pro-​MGF étaient plus nombreux·euses que les partisan·nes du sta­tu quo.

Lire aus­si l “La loi fran­çaise est insuf­fi­sante” : une péti­tion pour récla­mer la cri­mi­na­li­sa­tion ren­for­cée des muti­la­tions géni­tales féminines

Un "dan­ge­reux pré­cé­dent" pour les droits des femmes

Du côté des militant·es et ONG de défense des droits de l'homme, cette légis­la­tion annu­le­rait des années de pro­grès et risque de nuire au bilan du pays en matière de droits de l'homme. "Il y a un risque inhé­rent que ce ne soit que la pre­mière étape et que cela conduise au recul d'autres droits tels que la loi sur le mariage des enfants… et pas seule­ment en Gambie mais dans l'ensemble de la région" ouest-​africaine, s'inquiète Divya Srinivasan, de l'ONG de défense des droits des femmes Equality Now.

Soixante-​seize pour cent des Gambiennes âgées de 15 à 49 ans ont subi des MGF, selon un rap­port publié en 2021 par l’Unicef. Elles peuvent entraî­ner de graves pro­blèmes de san­té, notam­ment des infec­tions, des hémor­ra­gies, la sté­ri­li­té et des com­pli­ca­tions lors de l’accouchement, en cau­sant par­fois des trau­ma­tismes, ou la mort. 

"Le corps des filles leur appar­tient. Les muti­la­tions géni­tales fémi­nines les privent de l'autonomie de leur corps et leur causent des dom­mages irré­ver­sibles", a indi­qué le bureau de l'ONU en Gambie sur X avant le débat. Le bureau des droits de l'homme de l'ONU a deman­dé le retrait du pro­jet de loi, tan­dis qu'Amnesty International a décla­ré qu'il crée­rait un "dan­ge­reux pré­cé­dent" pour les droits des femmes.

Lire aus­si l Au pro­cès pour exci­sion aux assises du Mans, l'incompréhension de la mère condamnée

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