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Capture d'écran de la vidéo du sénateur Massimo Mallegni

Sexisme : en pleine cam­pagne élec­to­rale, un séna­teur ita­lien pro­pose un reve­nu pour les femmes au foyer

Dans un spot publi­ci­taire tel­le­ment pater­na­liste qu'on se demande si ce n'est pas un gigan­tesque troll, le séna­teur Massimo Mallegni pro­pose d'attribuer un reve­nu aux femmes au foyer si la coa­li­tion menée par la post-​fasciste Giorgia Meloni rem­porte les élec­tions légis­la­tives du 25 septembre.

A sa droite, une dame en jog­ging, four­bue et cer­née, s'échine sur un aspi­ra­teur. A sa gauche, une (fausse) femme enceinte apprê­tée à quatre épingles peau­fine le repas­sage d'une che­mise. Au milieu, le sémillant séna­teur Forza Italia (FI) Massimo Mallegni, che­mise entrou­verte sous cos­tar bleu, prend le spec­ta­teur à témoin : « S'occuper de sa famille sept jours sur sept, ce n'est pas un tra­vail ? A par­tir du 26 sep­tembre, si nous sommes au gou­ver­ne­ment, nous ferons voter une loi pour don­ner un reve­nu et une pen­sion à nos épouses et à nos mères. Souvenez-​vous en. » Les femmes au foyer cam­pées par les deux « actrices » qui pour­raient dif­fi­ci­le­ment pré­tendre à un prix d'interprétation sou­pirent alors d'aise et reprennent leurs acti­vi­tés ména­gères le sou­rire aux lèvres.

Un quart d'Italiennes sont au foyer

Membre de la coa­li­tion de droite qui s'est trou­vée comme cheffe de file pour les élec­tions légis­la­tives du 25 sep­tembre la post-​fasciste Giorgia Meloni, Massimo Mallegni se paie, avec cette vidéo publiée sur ses réseaux sociaux ce week-​end, un petit buzz sur le dos des femmes au foyer ita­liennes. N'y cher­chez pas de pré­ci­sion sur le mon­tant et encore moins sur le finan­ce­ment d'une telle aide. Vous n'y trou­ve­rez pas plus de consi­dé­ra­tion pour celles qui tra­vaillent puis enchaînent sur les tâches de la mai­son­née, dans ce que les socio­logues décrivent comme la « double jour­née ». Non, ce qui inté­resse Mallegni, c'est de se poser en homme aux petits soins pour les mamme, ces sacro-​saintes figures de l'Italie de tou­jours mais qui connaissent depuis des décen­nies le taux de fécon­di­té le plus bas d'Europe. Les Italiennes sont aus­si par­mi les femmes les moins actives de l'Union euro­péenne, avec, en 2016, 7,3 mil­lions d'entre elles se décla­rant au foyer, sur envi­ron 31 mil­lions de femmes que compte le pays (soit un quart de femmes au foyer).

Lire aus­si l Italie : Giorgia Meloni, la cheffe de file de l'extrême droite est favo­rite pour diri­ger le gouvernement

Autre hypo­thèse : Mallegni est par­fai­te­ment au cou­rant de la dimen­sion far­cesque de sa vidéo (à ce titre, le faux ventre de la dame qui repasse et se déforme quand elle se meut nous met la puce à l'oreille), qui sonne comme une pro­messe élec­to­rale sur­an­née et sexiste dans la bouche de cet élu de droite. D'ailleurs, lorsqu'une inter­naute com­mente avec sar­casme la vidéo en écri­vant « donc les femmes qui tra­vaillent en dehors de la mai­son et qui gèrent aus­si les tâches de la mai­son auront un double salaire, j'imagine. Excellente idée, mer­veilleuses années 50 », le séna­teur répond façon gros troll : « Très chère Benedetta, ce que tu dis est plein de bon sens. Je crois que les femmes ne sont pas aus­si libres qu'elles le devraient, qu'elles ne sont pas esti­mées comme elles le méritent et dans ce monde mas­cu­lin, elles doivent com­battre comme des lionnes pour obte­nir ce qui leur revient. Donner de la digni­té à celles qui res­tent à la mai­son par choix ou par néces­si­té doit être fait au plus vite. En paral­lèle, nous avons le devoir d'offrir à celles qui, en plus de leur mai­son et de leur famille ont aus­si un tra­vail en dehors, tous les acco­mo­de­ments pos­sibles pour qu'elles puissent le faire. […] Je vous embrasse. » Dans ce méli-​mélo intel­lec­tuel cen­sé être au ser­vice de la cause des femmes, une évi­dence n'est jamais abor­dée par Mallegni : le par­tage des tâches ména­gères avec le conjoint, qui, si on a bien com­pris le rai­son­ne­ment, ferait faire de sacrées éco­no­mies à l'Etat ver­sion coa­li­tion de Meloni.

Rémunérer le tra­vail domes­tique, un concept à l'origine féministe

Bien sûr, dans un contexte de cam­pagne élec­to­rale élec­tri­sée par la peur de l'accession au pou­voir d'une figure de l'extrême droite, la gauche n'a pas man­qué de réagir : « Malgré les efforts de [Giorgia] Meloni pour se mon­trer à la tête d'une coa­li­tion moderne, pour la droite, le modèle de la femme est celui de l'ange du foyer. C'est du n'importe quoi réac­tion­naire. Ridicules », s'agace par exemple sur Twitter la dépu­tée du Parti démo­crate (PD) Chiara Gribaudo. Pour autant, la ques­tion de la rému­né­ra­tion du tra­vail domes­tique a été un sujet débat­tu par les mili­tantes fémi­nistes dans les années 70. « Mais c’était moins une ques­tion d’argent qu’un objec­tif de recon­nais­sance sym­bo­lique et poli­tique. Il s’agissait de rendre visible tout le tra­vail pris en charge par les femmes et de déna­tu­ra­li­ser l’idée selon laquelle c’était une tâche “natu­relle”, répon­dant à l’instinct mater­nel », sou­li­gnait la socio­logue et direc­trice de recherches au CNRS Maud Simonet quand nous en avions débat­tu en 2019.

Lire aus­si l Faut-​il rému­né­rer le tra­vail domestique ?

Le pré­cé­dent gou­ver­ne­ment ita­lien, mené par Mario Draghi avait, lui, mis en place une sub­ven­tion pour les per­sonnes au foyer, à uti­li­ser pour des for­ma­tions en ligne, dans l'optique d'acquérir de nou­velles com­pé­tences… Et donc de les accom­pa­gner vers le mar­ché de l'emploi. Un tout autre état d'esprit.

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