© Amnesty PolandKarolina Jackowska
© Karolina Jackowska / Amnesty Pologne

“Une menace immense” : l’inquiétude de l’icône de la lutte pro-​IVG avant les élec­tions en Pologne

Justyna Wydrzynska, figure de la lutte pour le droit à l’avortement, s’alarme d’un pos­sible nou­veau suc­cès du par­ti natio­na­liste Droit et Justice (PiS).

“C’est vrai­ment dif­fi­cile de pré­dire ce qu’il va se pas­ser dimanche” lors des élec­tions légis­la­tives, un scru­tin qui s’annonce ser­ré et qui est jugé cru­cial pour l’avenir de la démo­cra­tie dans le pays par nombre d’observateur·rices, estime Justyna Wydrzynska, lors d’une inter­view à l’AFP mar­di à Paris. “Mais si Droit et Justice (PiS) et la Confédération (extrême droite) obtiennent [de nou­veau, ndlr] des sièges au sein du Parlement polo­nais, cela fera peser une menace immense sur les droits des femmes, les droits LGBTQIA+ et sur tout autre droit pro­gres­siste”, ajoute la mili­tante de 49 ans au t‑shirt noir siglé “Abortion is nor­mal” (“L’avortement est nor­mal”). 
Justyna Wydrzynska sait de quoi elle parle. En mars der­nier, cette mère de trois enfants a éco­pé d’une peine de huit mois de tra­vaux d’intérêt géné­ral pour avoir aidé une femme à avor­ter – une condam­na­tion sans pré­cé­dent pour une défen­seure du droit à l’avortement en Europe, selon Amnesty International. La fon­da­trice du col­lec­tif Abortion Dream Team, qui conseille et accom­pagne les femmes sou­hai­tant avor­ter, se voit repro­cher par la jus­tice d’avoir envoyé des pilules abor­tives en 2020 à une femme qui se trou­vait dans sa dou­zième semaine de gros­sesse et qui avait été empê­chée de se rendre dans une cli­nique spé­cia­li­sée en Allemagne par son mari violent. Ce der­nier a pré­ve­nu la police qui a confis­qué les pilules et ouvert une enquête. La femme a fait une fausse couche par la suite.

Lire aus­si I Pologne : pour la pre­mière fois, une acti­viste condam­née par la jus­tice après avoir aidé une femme à avorter


Dans la fou­lée de sa condam­na­tion, Justyna Wydrzynska reçoit le sou­tien de l’ONU, de plu­sieurs eurodéputé·es et d’ONG. Amnesty International dénonce “un pré­cé­dent dan­ge­reux en Pologne [qui] donne un aper­çu effrayant des consé­quences de ces lois res­tric­tives.” Déjà consi­dé­rée comme l’une des plus res­tric­tives en Europe, la loi polo­naise sur l’avortement a été encore dur­cie en 2020. Le Conseil consti­tu­tion­nel se range alors aux côtés du gou­ver­ne­ment en décré­tant que les IVG sont incons­ti­tu­tion­nelles, même en cas de mal­for­ma­tion grave du fœtus. À pré­sent, l’avortement n’est auto­ri­sé dans le pays qu’en cas de viol et d’inceste, ou si la vie ou la san­té de la mère est en danger. 

“Nous n’avons aucune inten­tion d’arrêter nos activités”

Sept mois après une condam­na­tion “injuste” dont elle a fait appel, Justyna Wydrzynska assure qu’elle ne plie­ra pas, quel que soit le résul­tat dans les urnes comme au tri­bu­nal. En moins d’un an, l’énergique qua­dra­gé­naire, tom­bée dans le mili­tan­tisme après avoir elle-​même avor­té en 2006, est deve­nue le visage des droits des femmes en Pologne et de la défense inlas­sable du droit à l’IVG. Après la France, elle est atten­due dans les pro­chains jours et pro­chaines semaines en Suède, en Suisse, en Espagne et en Corée du Sud. Si un pays comme la Pologne a pu condam­ner une per­sonne pour avoir aidé une femme à avor­ter, “cela peut arri­ver dans n’importe quel autre pays”, souligne-​t-​elle, saluant le pro­jet, en France, de sanc­tua­ri­ser dans la Constitution le droit à l’IVG – un pro­jet réaf­fir­mé par Emmanuel Macron début octobre, mais sans échéance pré­cise. 
Depuis sa condam­na­tion, Justyna Wydrzynska conti­nue de se battre sur le ter­rain au sein du col­lec­tif Avortement sans fron­tières, qui est venu en aide en 2022 à 48 000 femmes en Pologne, en leur four­nis­sant infor­ma­tions, pilules abor­tives ou du sou­tien pour aller avor­ter à l’étranger. Le col­lec­tif peut comp­ter sur une opi­nion publique qui se pro­nonce de plus en plus désor­mais en faveur d’une libé­ra­li­sa­tion de la loi sur l’avortement. Selon un son­dage réa­li­sé en mars der­nier, 83,7 % des Polonais·es s’y disent ain­si favo­rables. Seules 11,5 % des per­sonnes inter­ro­gées vou­draient main­te­nir le sta­tut légal actuel. “L’opinion nous sou­tient”, se félicite-​t-​elle. Et de pré­ve­nir : “Nous n’avons aucune inten­tion d’arrêter nos acti­vi­tés juste parce que le gou­ver­ne­ment veut nous pour­suivre, nous sanc­tion­ner ou nous museler.”

Lire aus­si I La Pologne conti­nue de res­treindre l’accès à l’IVG en ins­tau­rant un "registre numé­rique de grossesses"

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