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© Tom Blackout / Unsplash

En Espagne, le pari pas si fou des pri­sons mixtes

Couloirs par­ta­gés, ate­liers de "décons­truc­tion de la mas­cu­li­ni­té", thé­ra­pies de groupe… L'Espagne expé­ri­mente depuis une ving­taine d'années la mixi­té car­cé­rale. Et depuis deux ans, le gou­ver­ne­ment de gauche de Pedro Sánchez encou­rage davan­tage l'administration péni­ten­tiaire à "déve­lop­per" ce type de modules mixtes.

En Espagne, non loin de La Corogne en Galice (nord-​ouest), la pri­son de Teixeiro est l'une des rares en Europe à dis­po­ser de quar­tiers tota­le­ment mixtes. Un dis­po­si­tif des­ti­né à favo­ri­ser la coha­bi­ta­tion entre hommes et femmes en vue de leur réin­ser­tion. Dans le quar­tier Nelson Mandela, 20 femmes et 35 hommes par­tagent un cou­loir, leurs cel­lules côte à côte et par­ti­cipent ensemble quo­ti­dien­ne­ment à des acti­vi­tés, des for­ma­tions, des thé­ra­pies de groupe et au tra­vail col­lec­tif. L'Espagne, consi­dé­ré en Europe comme une réfé­rence en matière de droits des femmes, expé­ri­mente depuis des décen­nies la mixi­té en milieu car­cé­ral. Encouragée par son pré­sident, Pedro Sánchez, l'administration péni­ten­tiaire du pays tra­vaille encore plus depuis deux ans au déve­lop­pe­ment de ce type de modules mixtes.

"Pourquoi la pri­son serait-​elle le seul endroit sans mixi­té ?", inter­roge Ambra, déte­nue du centre péni­ten­tiaire espa­gnol de Teixeiro, avant d'aller s'entraîner au foot avec des hommes. Seule femme sur le ter­rain de la pri­son, Ambra, qui pré­fère ne pas don­ner son nom de famille, fait jeu égal avec les 21 joueurs qui l'entourent. "Ça me paraît très bien de coha­bi­ter entre hommes et femmes parce que c'est comme ça, la vie dehors", pour­suit Ambra. Tou·tes volon­taires pour coha­bi­ter, les détenu·es sont sélectionné·es sur la base de leur com­por­te­ment. Les per­sonnes condam­nées pour vio­lences sexuelles sont exclues de ces ini­tia­tives de mixi­té. "Cela n'a pas de sens de pré­pa­rer la vie en liber­té, avec seule­ment la moi­tié de la popu­la­tion", explique Nadia Arias, direc­trice adjointe de la pri­son de Teixeiro, qui observe, dans les modules mixtes, une "nor­ma­li­sa­tion du vivre-​ensemble entre hommes et femmes". Au total, près de 925 hommes et 202 femmes coha­bitent actuel­le­ment dans vingt quar­tiers mixtes du pays. Une pro­por­tion de détenu·es qui reste encore très faible par rap­port à une popu­la­tion car­cé­rale d'environ 47 000 personnes.

Il n'empêche, Nadia Arias voit dans ce pari des oppor­tu­ni­tés, notam­ment de faire en sorte "que les femmes pri­vées de liber­té, en nombre bien moindre, puissent accé­der aux mêmes ser­vices" que les hommes, "de les rendre plus visibles" en pri­son, "de détec­ter leurs besoins". Parce que "les com­por­te­ments machistes se repro­duisent en pri­son comme en dehors", selon Ana Suarez, conseillère en inser­tion de la fon­da­tion Erguet inter­ve­nant au sein de l'établissement, la pri­son de Teixeiro va même jusqu'à pro­po­ser des ate­liers de "décons­truc­tion de la mas­cu­li­ni­té".

Ricardo, réci­di­viste pas­sé par les quar­tiers d'isolement, s'est vu pro­po­ser par l'administration de la pri­son d'intégrer le module mixte Nelson Mandela, dont il est deve­nu le réfé­rent. "Au début, j'étais un peu réti­cent car j'avais pas­sé beau­coup de temps en pri­son avec des hommes", raconte ce déte­nu de 47 ans qui n'aurait "jamais" pen­sé connaître un jour la mixi­té car­cé­rale. Selon lui, la mixi­té car­cé­rale n'est quand même "pas pour tout le monde". Dans les quar­tiers ne comp­tant que des hommes, "un mau­vais regard peut déclen­cher une bagarre, la sor­tie d'un cou­teau" et "le res­pect se gagne en défen­dant tes affaires", élabore-​t-​il. Alma est du même avis, et explique pour sa part que les femmes qui vivent dans un module mixte doivent de leur côté savoir "mettre une bar­rière" avec les hommes pour "se faire res­pec­ter".

Malgré ces obs­tacles, la direc­tion de la pri­son indique n'avoir déplo­ré "aucun inci­dent grave" dans les quar­tiers mixtes qui font face à une "forte demande" pour y accé­der. Dans le reste de l'Europe, la mixi­té car­cé­rale reste très limi­tée. En France, elle est auto­ri­sée depuis 2009, mais se can­tonne par exemple aux acti­vi­tés, sans zones d'hébergement mixtes. Le minis­tère fran­çais de la Justice a cepen­dant pour ambi­tion de pro­po­ser plus d'activités aux femmes, afin de favo­ri­ser leur réin­ser­tion pro­fes­sion­nelle. Il ne compte jusqu'ici pour ce faire que sur des acti­vi­tés en mixi­té, pro­po­sées actuel­le­ment dans 43 éta­blis­se­ments péni­ten­tiaires, sur les 54 dis­po­sant d'un quar­tier de femmes.

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