Vendredi soir, la Cour Suprême des États-Unis a décidé de maintenir l’accès la pilule abortive, suspendant les restrictions des tribunaux inférieurs sur la mifépristone et offrant un répit aux défenseur·ses du droit à l’avortement.
Tard dans la soirée de vendredi 21 avril, la Cour Suprême des États-Unis a décidé de maintenir temporairement l’accès à la pilule abortive mifépristone, utilisée pour plus de la moitié des Interruptions volontaires de grossesse (IVG) dans le pays. La haute juridiction a ainsi suspendu les restrictions décidées par les tribunaux inférieurs et a offert un répit temporaire aux défenseur·ses du droit à l’avortement. Seuls deux juges conservateurs de la Cour Suprême, Clarence Thomas et Samuel Alito, ont fait savoir leur désaccord avec la décision prise à la majorité des neuf juges, précise Le Monde.
La décision de la Cour suprême, qui est majoritairement conservatrice, signifie notamment que les Américaines vont pouvoir continuer à recevoir par voie postale la mifépristone, dans les États où l’IVG reste légal, pendant que les recours continueront d'être examinés, ce qui pourrait durer des mois. La plus haute juridiction des Etats-Unis avait d’abord prévu de se prononcer, mercredi, sur le sort de la pilule abortive dans le pays, mais elle avait repoussé de deux jours sa décision, prolongeant ainsi temporairement l’accès au cachet.
Le président américain, Joe Biden, a promis de continuer à se battre contre les « attaques politiques visant la santé des femmes », après la décision de la Cour Suprême vendredi, rapporte Le Monde. « Les enjeux ne pourraient pas être plus importants pour les femmes à travers l’Amérique », a ajouté Joe Biden dans un communiqué, selon le quotidien.
Une série judiciaire
Il s’agit de l’intervention la plus importante de la Cour Suprême sur la question de l’avortement depuis qu’elle a annulé la garantie constitutionnelle à l’IVG en juin 2022. Cette dernière avait été saisie, la semaine passée par l'administration de Joe Biden après que des décisions de justice contradictoires, concernant l'accès sur tout le territoire à la mifépristone, ont été prises.
La série judiciaire a commencé le 7 avril dernier lorsqu'un juge texan ultraconservateur, Matthew Kacsmaryk, avait ordonné l’annulation de l’autorisation de mise sur le marché de la mifépristone. En dépit du consensus scientifique, il avait estimé que la mifépristone présentait des risques pour la santé des femmes. Matthew Kacsmaryk, nommé par l'ancien président Donald Trump, avait prévu un délai d'une semaine avant que sa décision ne s'applique, afin de laisser le temps au gouvernement fédéral de faire appel. Dans la foulée, l’administration du président démocrate Joe Biden avait demandé à une cour d’appel de la Nouvelle-Orléans d’intervenir pour bloquer l’arrêt « extraordinaire et sans précédent » du juge Matthew Kacsmaryk, « en attendant l’examen de fond » du dossier.
Vendredi dernier, la cour d'appel de La Nouvelle-Orléans avait décidé de maintenir l’autorisation de mise sur le marché de la pilule abortive, avec des règles plus strictes qu'auparavant. Son jugement revenait à interdire l’envoi par la poste de la mifépristone et à retourner à une utilisation limitée à sept semaines de grossesse, au lieu de dix. Le gouvernement fédéral avait alors saisi en catastrophe la Cour suprême. Cette dernière a temporairement maintenu vendredi l’accès à la pilule abortive, en suspendant la décision de la cour d’appel de La Nouvelle-Orléans afin d’avoir plus de temps pour examiner le dossier, détaille Le Monde.
Un accès à l'avortement toujours restreint
L’organisation de planning familial Planned Parenthood a jugé qu’il s’agissait d’une « bonne nouvelle », selon Sud Ouest, mais que « les faits restent les mêmes : l’accès à la mifépristone n’aurait jamais dû être menacé en premier lieu ». Cette décision « n’efface pas le chaos, la confusion et la peur que cette affaire cherchait à susciter », a abondé Elisa Wells, fondatrice du réseau Plan C d’information sur les pilules abortives, toujours d'après le quotidien. « Et même si la mifépristone peut rester sur le marché pour l’instant, l’accès à l’avortement est toujours sévèrement et injustement restreint dans de nombreux États », a‑t-elle ajouté dans un communiqué, indique Sud Ouest.
L’un des groupes conservateurs et anti-IVG à l’origine de l’affaire, Alliance Defending Freedom, a au contraire dit que la FDA devait « rendre des comptes pour les dégâts qu’elle a causés ». Ces dernier·ères ont notamment écrit, d'après Sud Ouest, « notre affaire, qui cherche à faire passer la santé des femmes avant la politique, continue devant les tribunaux inférieurs ». La bataille judiciaire va donc se poursuivre. La prochaine étape sera une audience devant une cour d’appel fédérale de la Nouvelle-Orléans, en Louisiane, le 17 mai, indique le quotidien.
Une aide du Canada
La pilule abortive n’est déjà plus disponible officiellement dans une quinzaine d’États américains ayant récemment interdit l’avortement, où des voies détournées pour y avoir recours se sont développées. L’impact de restrictions ou d’une interdiction de cette pilule concernerait donc en premier lieu les États où l’avortement reste légal, pour beaucoup démocrates. Même au Canada, l’affaire a provoqué l’inquiétude. La ministre canadienne de la Famille, Karina Gould, a réaffirmé que son pays entendait aider les Américaines si nécessaire, selon le quotidien.
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