3 questions à Béatrice Coscas-Williams, avocate de victime d’agressions sexuelles et docteure en droit comparé.
Causette : Quelles sont les chances pour qu’une enquête soit ouverte en France dans l’affaire Epstein ?
Béatrice Coscas-Williams : Il faudrait que plusieurs victimes françaises se déclarent et, pour accélérer le processus, qu’elles se constituent en association, comme dans l’affaire Barbarin. Puisque Jeffrey Epstein est mort, la procédure ne pourra pas porter sur les agressions sexuelles. Les victimes devront attaquer ceux qui ont « facilité » les actes, comme en est accusé Jean-Luc Brunel. Mais, si les États-Unis font une demande d’extradition, les accusés pourraient être jugés là-bas, avec l’aide de la France.
Les victimes de crimes sexuels sont-elles traitées à égalité en France et aux états-Unis ?
B. C.-W. : Aux États-Unis – système accusatoire –, les victimes ne peuvent pas intervenir. Une fois qu’elles ont déposé plainte, c’est l’État qui attaque pour elles. Elles ne sont que des « témoins privilégiés ». En France – système inquisitoire –, elles ont un accès privilégié à l’enquête et peuvent s’exprimer pendant le procès. Mais il faut davantage de preuves que dans le droit américain pour condamner un agresseur, car la notion de consentement n’est pas aussi favorable aux victimes.
Que peut-on espérer du Children Victim Act, qui vient de lever la prescription sur les crimes sexuels pendant un an dans l’État de New York ?
B. C.-W. : C’est, à mon sens, une expérience pilote pour inspirer d’autres États. L’idée est de libérer la parole – de très nombreuses personnes ont déjà porté plainte – et d’observer les retombées : combien d’affaires ça provoque, combien ça coûte et est-ce que cela noie le système judiciaire. L’imprescriptibilité des crimes sexuels existe au Royaume-Uni et une loi a été votée cette année en Afrique du Sud, mais les effets sont encore difficiles à jauger.