Mardi, le tribunal administratif de Grenoble a annulé le schéma de cohérence territoriale (SCoT) de la vallée intra-alpine de Maurienne (Savoie) qui prévoyait notamment l’extension de domaines skiables. Pour les associations environnementales à l’origine du recours devant le tribunal, c’est « une victoire exceptionnelle ».
Un grand pas pour l’environnement. Initié en 2015 et approuvé par les élu·es depuis 2020, le schéma de cohérence territoriale (SCoT) du Pays de Maurienne (Savoie) visant à étendre des domaines skiables et à créer des liaisons inter-stations était très contesté par les associations environnementales qui avaient déposé plusieurs recours. Dans un arrêt rendu mardi 30 mai et rapporté par Libération, le tribunal administratif de Grenoble a tranché : « La délibération du 25 février 2020 par laquelle le comité syndical du syndicat pays de Maurienne a approuvé le schéma de cohérence territoriale du pays de Maurienne doit être annulée. »
En cause, pour sept des dix unités touristiques nouvelles (UTN) présentées dans le SCoT, des « erreurs d'appréciation » étaient présentes. Le tribunal a fait valoir la nécessaire prise en compte du changement climatique en montagne dans le développement touristique. Selon Libération, les juges soulignent, dans leur arrêt, les « atteintes graves » aux milieux naturels et aux espèces protégées dans des zones situées « à proximité immédiate du parc naturel national de la Vanoise ».
Iels fustigent aussi le constat porté par les collectivités montagnardes qui estiment que seule la construction de nouveaux lits permettrait de faire face à la baisse de la fréquentation des stations de ski. « Aucune réflexion particulière n’a été menée afin de réhabiliter les cœurs de stations dans l’enveloppe existante et gérer le problème récurrent des lits froids ou tièdes », peut-on lire dans l’arrêt d'après Libération. Les juges vont encore plus loin en sanctionnant « l’absence de maîtrise de l’étalement urbain sur des zones de montagne aux intérêts environnementaux et patrimoniaux importants » et « l’absence de solutions pérennes pour garantir l’effectivité de l’activité touristique et économique des stations dans la durée ».
En avril 2021, le tribunal administratif de Grenoble avait déjà partiellement suspendu le SCoT en référé, interrompant les projets de liaison inter-stations entre Albiez-Montrond & Les Karellis, et entre Valfréjus & Valmeinier, et d'extension du domaine skiable de Valloire, de Val-Cenis et d'Aussois. Et à l'été 2022, une des unités touristiques nouvelles (UTN) structurantes de ce SCoT, la liaison entre les stations de Valfréjus et Valmeinier, avait d'ores et déjà été abandonné.
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« Une victoire exceptionnelle »
Pour les associations environnementales à l’origine du recours, France Nature Environnment (FNE) Auvergne-Rhône-Alpes, FNE Savoie, Mountain Wilderness et Valloire Avenir et Nature, c’est « une victoire exceptionnelle. Jamais un SCot de montagne n’avait ainsi été retoqué par la justice. Tout va devoir être repensé », s'est félicité Vincent Neirinck, membre de Mountain Wilderness selon Libération.
Dans un communiqué commun, les associations environnementales insistent : ce projet de territoire « irrationnel » était « incompatible avec les enjeux du XXIe siècle » et se caractérisait par une forte « contradiction entre les objectifs annoncés et l’aspect tout à fait rétrograde des aménagements envisagés ». La Maurienne, estiment les associations, « mérite mieux pour son territoire qu’une fuite en avant et un projet totalement incompatible avec l’érosion du marché du ski, la réelle prise en compte des changements climatiques, la tension croissante sur la ressource en eau, la protection des paysages et de la biodiversité et les enjeux de renforcement de l’activité estivale. »
En revanche, cette décision judiciaire a soulevé les inquiétudes des élu·es des autres vallées qui souhaitaient poursuivre leurs aménagements. « Les projets de développement de nos stations vont malheureusement prendre beaucoup de retard », commente brièvement auprès de Libération Alexandre Maulin, président de Domaines skiables de France (DSF), la chambre professionnelle des exploitant·es de stations. Les élu·es de Maurienne n'ont eux et elles toujours pas réagi.
Avant que l'arrêt ne tombe, d'après Montagnes Magazine, les élu·es du territoire venaient de lancer une révision dudit SCoT, acceptant d'abandonner certaines des UTN. Désormais, le syndicat du Pays de Maurienne doit revoir sa copie. Les associations environnementales espèrent, quant à elles, que cette décision du tribunal administratif en Maurienne se répande dans les autres massifs où sont projetés des aménagements, comme en Oisans (Alpes françaises).
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