Trois ONG et huit personnes issues du monde entier ont déposé plainte, mardi à Paris, contre le géant pétrolier français TotalEnergies, ses dirigeant·es et actionnaires, accusé·es d'homicide involontaire ou d'atteintes à la biodiversité.
Encore des ennuis judiciaires pour TotalEnergies mais cette fois-ci, la charge est salée : c'est carrément pour "homicide involontaire" que huit personnes ont porté plainte contre la multinationale ce mardi 21 mai. Les plaignant·es, accompagné·es par les ONG Bloom, Alliance Santé Planétaire et Nuestro Futuro, veulent mettre en cause pénalement le groupe pétrolier et ses plus haut·es représentant·es "pour leur contribution au changement climatique et son impact fatal sur les vies humaines et non humaines", d'après un dossier de presse transmis à l'Agence France-Presse (AFP).
Trois jours avant l'assemblée générale annuelle de TotalEnergies, prévue vendredi 24 mai après-midi à La Défense, leur plainte simple a été déposée mardi matin au tribunal judiciaire de Paris, qui comporte un pôle santé publique et environnement. Contacté par l'AFP, TotalEnergies n'a pas répondu dans l'immédiat.
Cette procédure vise les actionnaires de TotalEnergies, comme le groupe BlackRock et la banque centrale de Norvège Norges Bank, le conseil d'administration du groupe pétrolier, son PDG, Patrick Pouyanné, "dans le but de faire reconnaître les conséquences meurtrières de leurs décisions, de leur entêtement à voter des projets fossiles qui menacent la stabilité du climat et, donc, de l'ensemble du vivant", a déclaré, lors d'une conférence de presse, Claire Nouvian, directrice-fondatrice de l'ONG Bloom, spécialisée sur les océans, qui coordonne et finance l'action pénale.
Dans le détail, le document de près de 100 pages, fruit d'un travail de "deux ans", vise deux autres délits : mise en danger d'autrui ou abstention de combattre un sinistre. "On attend du procureur qu'il analyse cette plainte et qu'il ouvre une enquête préliminaire à tout le moins, voire qu'il saisisse directement un juge d'instruction pour que des investigations soient menées et des responsabilités dégagées", a annoncé Me François Lafforgue, qui représente les plaignant·es. "Nous espérons que les juges vont sauver le monde, tout simplement", a affirmé en souriant Claire Nouvian.
La plainte est cosignée par huit personnes présentées comme des survivant·es et victimes du changement climatique venant de France, du Pakistan, de Grèce, de Belgique, du Zimbabwe, d'Australie et des Philippines, qui ont été affecté·es par de récents cataclysmes, comme les inondations dévastatrices au Pakistan en 2022, la tempête Alex en France en 2020 ou le cyclone Idai au Zimbabwe.
En Belgique, l'un d'entre eux, Benjamin Van Bunderen Robberechts, aujourd'hui âgé de 17 ans, a "risqué sa vie" en vain à l'été 2021 pour sauver son amie Rosa, alors âgée de 15 ans et morte sous ses yeux, emportée par les inondations record dans le nord de l'Europe. Présent mardi à Paris, celui qui est désormais militant de l'environnement a annoncé "être là pour demander justice" contre celles et ceux "qui choisissent le profit plutôt que les vies humaines et le climat".
“Climatosceptique”
Dans un dossier de presse, les plaignant·es affirment que "TotalEnergies est conscient de l'impact de ses activités depuis au moins 1971", mais a depuis "suivi une ligne climatosceptique afin de (…) protéger ses investissements croissants dans les énergies fossiles". En l'occurrence, le pétrole et le gaz, dont les rejets issus de leur combustion réchauffent les températures de la planète. Les plaignant·es rappellent des déclarations de Patrick Pouyanné en août, disant "assumer" son "pilier hydrocarbure", au vu de la demande : "Je respecte l'avis des scientifiques, le problème, c'est qu'il y a la vie réelle."
Pourquoi ne viser que TotalEnergies ? Le groupe "est l'un des premiers" visés, mais d'autres procédures "sont en cours d'élaboration" ailleurs concernant ses concurrents, a assuré Hadrien Goux, chargé de campagne énergies fossiles à Bloom.
Outre cette procédure, TotalEnergies est sous le coup de plusieurs actions judiciaires, au pénal ou au civil, à Paris ou à Nanterre notamment, pour certaines rejetées, concernant des sujets climatiques, environnementaux et sociaux. Cela va des accusations de "climaticide" à celles de "greenwashing", en passant par les atteintes aux droits humains.
Le groupe, dont les émissions de gaz à effet de serre directes et indirectes représentent environ 1% des émissions mondiales selon les plaignant·es, assure viser la neutralité carbone en 2050, l'une des conditions, d'après les expert·es du climat, pour tenir l'objectif le plus exigeant de l'accord de Paris 2015 de rester sous la barre de 1,5 °C. Mais ses méthodes de comptabilité de ses émissions en la matière sont contestées par les militant·es écologistes.
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