Accusant la multinationale d’être la cause des dommages climatiques subis par son exploitation agroécologique, Hugues Falys, agriculteur installé dans le Hainaut, assigne en justice TotalEnergies. Une première en Belgique.
Grêle en 2016, puis vagues de chaleur et sècheresse tous les deux ans depuis 2018 : pour Hugues Falys, agriculteur écologique installé dans la province belge de Hainaut, frontalière de la France, il devient très difficile d’élever son bétail et de lui procurer suffisamment de fourrage. “Le dérèglement climatique a des effets très concrets pour moi : pertes de rendements, surcroît de travail et un stress quand il faut composer avec un calendrier cultural déboussolé”, dénonce le paysan dans un communiqué de presse. Considérant que TotalEnergies, premier raffineur et distributeur de pétrole de Belgique, compte parmi les premiers responsables de la situation, Hugues Falys l’assigne en justice, ce mercredi 13 mars, devant le tribunal de l’entreprise de Tournai.
“Notre métier est intimement lié au climat. Ces dernières années, le dérèglement climatique nous cause des dommages importants et nous plonge dans de grandes incertitudes concernant l’avenir”, constate, dans le communiqué publié par Greenpeace Belgique, celui qui devient ainsi le premier citoyen à poursuivre une multinationale devant la justice belge pour un contentieux climatique. Trois associations belges – Fian (qui défend le droit à l’alimentation), Greenpeace et la Ligue des droits humains – accompagnent en effet cette action en responsabilité civile, qu’elles surnomment déjà “the farmer case”, lui offrant un site dédié. “Un paysan défie un géant des énergies fossiles”, claironne la home page, sur laquelle on trouve aussi ce chiffre édifiant : “Huit agriculteur·rices sur dix en Wallonie rencontrent des difficultés en raison de la crise climatique.”
Pour les défenseur·eures du climat, cibler la multinationale pétrolière est le plus pertinent. “TotalEnergies est une des entreprises qui émet le plus de gaz à effet de serre au monde”, soulignent les associations partenaires de ce qui s’annonce être une épopée judiciaire soutenue par le cabinet d’avocat·es Progress Lawyers Network. Les ONG rappellent également que des publications scientifiques ont démontré que TotalEnergies était au courant, depuis les années 1970, de l’impact négatif de sa production pour le climat et avait enterré les informations. “Par son action, Hugues demande à la justice que TotalEnergies répare les dommages dont il a été victime et participe financièrement à la transition, poursuivent les ONG. Il demande également à la justice de contraindre la multinationale à sortir des énergies fossiles afin d’éviter des dégâts futurs.”
Multiplication des procédures contre Total
Selon le site consacré au combat de Falys, on comptait en 2022 pas moins de deux mille affaires judiciaires pour lutter contre le dérèglement climatique. TotalEnergies est en passe, pour sa part, de devenir une habituée des prétoires : d’une part, des procédures sont en cours sur le continent africain contre le méga-projet d’oléoduc en Afrique de l’Est de l’entreprise qui arrose ses actionnaires de bénéfices toujours plus larges. D’autre part, en France cette fois, TotalEnergies fait face à une procédure pour “inaction climatique” intentée par des associations. En juillet, l’action collective avait été jugée irrecevable par le tribunal de Paris. Mais la coalition d’ONG a fait appel et est en attente de la décision de la cour d’appel de Paris.
En Afrique ou en Europe, la bataille du pot de fer contre le pot de terre est un long chemin, mais pas forcément vain. Toutes ces initiatives ont pour modèle la condamnation de Shell en 2021 aux Pays-Bas, quand un tribunal avait exigé du groupe une accélération de son plan de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre.
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