Le juge des référés a suspendu ce mardi l'arrêté préfectoral autorisant le début des travaux pour la construction d'une retenue collinaire sur la commune de La Clusaz, actuellement occupée par des zadistes.
C'est une victoire pour les associations de protection de l'environnement, vent debout contre la création d'une retenue d'eau à La Clusaz (Haute-Savoie) pour fournir en neige artificielle les pistes de cette station de ski chic. Ce 25 octobre, dans une ordonnance prise en référé, le tribunal administratif de Grenoble suspend l'arrêté préfectoral autorisant le début des travaux au moyen d'une dérogation à la protection des espèces protégées.
« L’intérêt public qui découle de la réalisation d’une retenue collinaire essentiellement destinée à assurer l’enneigement artificiel de la station est insuffisant à remettre en cause l’urgence qui tient à la préservation du milieu naturel et des espèces qu’il abrite, avec des conséquences qui ne seraient pas réversibles, au moins à moyen terme », cingle le juge des référés Christian Sogno dans son ordonnance. En d'autres termes, il donne raison aux associations France Nature Environnement Auvergne-Rhône-Alpes (FNE AuRA), France Nature
Environnement Haute-Savoie (FNE Haute-Savoie), Nouvelle Montagne, Mountain Wilderness France et la Ligue de Protection des Oiseaux Rhône-Alpes, qui avaient émis une requête devant le tribunal le 29 septembre pour demander la suspension des travaux.
Les assos indemnisées
Ces associations se mobilisaient depuis le vote du conseil muncipal permettant la création d'une retenue d'eau de 148.000 mètres cubes sur le plateau de Beauregard en février. Prévu pour alimenter les habitant·es de la commune en eau potable, irriguer les activités agricoles et produire de la neige de culture ce lac artificiel menaçait de destruction, selon les associations, huit hectares d'un espace protégé Natura 2000. Situé en moyenne montagne à 1.500 mètres d'altitude, l'espace pourrait par ailleurs ne plus être enneigé d'ici dix ans en raison du réchauffement climatique, plaidaient-elles.
Le juge des référés ordonne également la condamnation de l’Etat « à verser aux
associations requérantes une somme globale de 1 200 euros au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ». Plus de 60 000 personnes ont signé sur Change.org la pétition Destruction d'espèces protégées à La Clusaz : sauvons Beauregard pour s'opposer au projet.
La mobilisation est montée d'un cran depuis le 24 septembre, date à laquelle des défenseur.euses de l'environnement ont décidé d'occuper l'emplacement du projet. Objectif : protéger la zone humide et en préserver son écosystème. La première Zone à défendre (ZAD) jamais créée en altitude dans les Alpes françaises affiche la banderole « Retenue collinaire : tout schuss dans le mur » à son entrée. Rapidement bâptisé Cluzad, cet espace de résistance a été visité ce week-end par la députée écologiste Sandrine Rousseau. Vraiment merci à vous qui vous mobilisez, partout, pour rendre ce monde un poil moins crétin et cupide, avait-elle applaudi dans un tweet le 23 octobre. Avant, ce mardi, de féliciter à nouveau les zadistes.
Menaces d'un élu municipal
Le contexte d'occupation du site est, selon le juge des référés, une raison supplémentaire pour avoir fait statuer la justice en urgence : « La circonstance que le site est actuellement occupé par des opposants au projet ne saurait être invoquée pour dénier l’urgence [nécessaire à un jugement en référé] dans la mesure où ceux-ci sont susceptibles d’être expulsés par les forces de l’ordre à brève échéance sur ordre du ministre de l’intérieur. » Pour la municipalité et la préfecture, il s'agit d'un sérieux revers judiciaire. En effet, le juge des référés explique qu'« en l’état de l’instruction, […] l’absence de raison impérative d’intérêt public majeur permettant de déroger à l’interdiction de destruction des espèces protégées posée par l’article L. 411–1 du code de l'environnement est propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l’arrêté [préfectoral] attaqué. »
Depuis plusieurs jours, la tension entre pro-lac artificiel et militant·es environnementaux n'en finissait pas de monter. Preuve en est de cette menace « J'espère que tu vas te prendre un coup de fusil dans la tête ! » qui aurait été lancée par un conseiller municipal de La Clusaz. La preuve vidéo serait, d'après Paris Match, entre les mains de la gendarmerie et plusieurs mains courantes ont été déposées à la suite de cette menace.