Examinée hier lors de la journée d’initiative parlementaire du groupe Écologiste, la proposition de loi présentée par le députe Julien Bayou qui visait à interdire les vols en jets privés n’a pas pu aller à son terme. Les groupes parlementaires de l'opposition ont voté la suppression de son article phare.
Peu avant minuit, ce jeudi 6 avril, la proposition de loi visant à interdire les vols en jets privés, portée par les député·es EELV Julien Bayou et Christine Arrighi, a été rejetée par l’Assemblée nationale. Lors de sa présentation à la journée d'initiative parlementaire du groupe Écologiste, le groupe de la majorité, Les Républicains et le Rassemblement National se sont alliés pour voter un amendement de suppression de l’article 1 de la proposition de loi, rapporte LCP. Ce dernier contenait la disposition phare de la loi, soit interdire les vols en jets privés de moins de soixante passager·ères « au départ, à destination ou à l’intérieur du territoire métropolitain français ».
Le député Julien Bayou avait déclaré, dans l'Assemblée, en préambule de la défense de sa proposition de loi, « contrairement à ce que j'ai entendu, je ne souhaite pas punir les plus riches, je souhaite juste les ramener sur terre ». Une intention qualifiée d' « idéologique » par les bancs de la majorité, qui ont été rejoints par la droite de l'hémicycle rapporte La Chaîne Parlementaire.
Lors de la défense de son texte Julien Bayou a aussi voulu insister sur « les inégalités dans la transition écologique ». Chiffres à l'appui : « Un Français ou une Française émet en moyenne 10 tonnes de CO2 par an, mais c'est en fait 5 tonnes pour les classes populaires, et 8000 tonnes pour les ultra-riches », a‑t-il notamment indiqué.
Favoriser l’aviation verte
Si le ministre chargé des Transports, Clément Beaune, a reconnu lors des débats qu’il fallait « réguler l'aviation en général, et l'aviation d'affaires en particulier », il a, en revanche, soutenu la méthode de la taxation indiquant que ce n'était « pas un tabou » pour le gouvernement, a détaillé LCP. Le ministre a notamment argumenté en faveur de la taxe sur les réacteurs de l'aviation privée, prévue dans le projet de loi finances pour 2023, tout en évoquant le prochain budget l’Etat dont une partie sera consacrée à la hausse des modalités de l’éco-contribution à l'aviation commerciale privée, selon aef info.
Dans sa plaidoirie, le ministre a également utilisé les arguments en faveur de la recherche et de l’innovation dans l’industrie aéronautique. Il a notamment évoqué l’avion du futur, dont les gaz à effet de serre seraient limités, voire neutralisés. « L'aviation verte, ce n'est pas un oxymore » a‑t-il déclaré dans l'Assemblée nationale, d'après LCP.
Un rejet économique
Les Républicains se sont, elles et eux, rallié•es à la majorité fustigeant un texte néfaste pour la filière aéronautique et l'économie nationale. « Interdire brutalement les jets, ce serait se priver d'un outil de développement économique […] Ce serait aussi plonger toute une filière industrielle dans l'impasse », a aussi considéré Nicolas Ray, député Les Républicains. Alexandra Masson, députée Rassemblement national, a quant à elle dénoncé une proposition de loi « idéologique », qui induirait « des conséquences dramatiques pour de grandes entreprises françaises », rapport la chaîne publique.
« Derrière cette question, il y a le poids économique d'un secteur qui représente en France plus de 100.000 emplois directs ou indirects », a enfin fait valoir David Taupiac du groupe parlementaire Libertés, indépendants, outre-mer et territoires (LIOT). « Faire de l'interdiction des jets privés un sujet phare de la lutte contre le réchauffement climatique, c'est leur donner une importance qu'ils n'ont pas », a ajouté l'élu du Gers, toujours d'après LCP.
La règle voulant que les journées d’initiatives parlementaires des groupes de l'Assemblée s'achèvent à minuit, l’examen du texte n’a pas pu aller à son terme. Un détail alors qu'une majorité de l’hémicycle avait d'ores-et-déjà vidé la proposition de loi de son sens. Julien Bayou y voit « une faute lourde ». Pour lui, les député·es de l'opposition n'ont « rien retenu des gilets jaunes qui disaient "on veut bien agir pour le climat, mais simplement si tout le monde cotise" ».
L'échec de la niche parlemantaire
Mais le rejet de l'interdiction des vols en jets privés n'est pas le seul échec qu'a essuyé le groupe Écologiste ce jeudi. Interdiction de la chasse le dimanche, prime alimentaire, interdiction des additifs nitrés, accès au RSA dès 18 ans : les écologistes ont pris des revers en série lors de leur journée d'initiative parlementaire à l'Assemblée. Les mesures de blocage des prix alimentaires, ainsi que la « prime alimentaire mensuelle de 50 euros » ont été rejetées par l'hémicycle à 138 voix contre 121. Seule la proposition de loi pour améliorer l’indemnisation des particulier·es victimes du phénomène de retrait-gonflement des sols a été adoptée avec 115 voix contre 9, malgré les critiques du gouvernement et des député·es du camp présidentiel.
À lire aussi I Engagements environnementaux d’Air France : du retard au décollage ?