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Capture écran instagram Aya Nakamura

Aya Nakamura inter­prète Édith Piaf aux JO : les réacs en syncope

Pressentie pour chan­ter lors de la céré­mo­nie d’ouverture des Jeux olym­piques, le 26 juillet pro­chain, Aya Nakamura est, une nou­velle fois, la cible d’attaques fleu­rant la miso­gy­noir, décom­plexées ou à peine mas­quées. Avec, cette fois, la confor­table pos­ture de se réfu­gier der­rière un oppor­tun (et faux) nou­veau totem de pure­té en la per­sonne d’Édith Piaf.

C’est l’artiste fran­çaise la plus écou­tée dans le monde aujourd’hui. La seule, à vrai dire, qui a actuel­le­ment la sta­ture inter­na­tio­nale adap­tée à une céré­mo­nie fes­tive conçue non pas pour plaire à nos petits nom­brils stric­to sen­su, mais cen­sée faire vibrer au-​delà de nos fron­tières et ambian­cer la pla­nète entière rivée sur son petit écran le 26 juillet pro­chain. Faire d’Aya Nakamura la tête d’affiche de la céré­mo­nie d’ouverture des Jeux olym­piques, c’est donc le choix le plus malin, alors que les Daft Punk – qui pou­vaient poten­tiel­le­ment riva­li­ser même si cela aurait eu un léger goût de réchauf­fé – ont été appro­chés pour se refor­mer pour l’occasion et ont décliné. 

La pro­gram­ma­tion d’Aya Nakamura a été super­vi­sée par un Emmanuel Macron qui tient à gar­der la main sur ce moment d’importance pour le soft power fran­çais, à en croire L’Express. L’hebdomadaire a révé­lé, la semaine pas­sée, que le pré­sident de la République avait reçu la queen du R’n’B et qu’il et elle se seraient mis d’accord sur l’interprétation d’un titre d’Édith Piaf. Là encore, un choix malin : cou­plée à ce qu’il faut de charge émo­tion­nelle et nos­tal­gique d’un temps où le rayon­ne­ment fran­çais s’exerçait à coup de chan­sons à voix et à texte, l’évidence cultu­relle de l’époque – une autrice-​compositrice-​interprète renou­ve­lant la langue et sus­ci­tant l’adoration du public – a de quoi rendre le rendez-​vous mon­dial hyper sexy. Et pour­tant, l’information aura sur­tout réac­ti­vé les pas­sions tristes d’une par­tie de la France raciste, sexiste et réac­tion­naire tou­jours plus bruyante sur les réseaux sociaux comme sur les chaînes d’info en continu.

Certes, Aya Nakamura peut heu­reu­se­ment comp­ter sur de nom­breux sou­tiens, comme celui de Sandrine Rousseau, par­ta­geant sur X sa “fier­té” de voir notre Beyoncé natio­nale lea­der la céré­mo­nie d’ouverture des JO. Mais il faut s’imaginer la vio­lence des insultes racistes qui la ciblent – et les consé­quences sur sa san­té men­tale — à chaque fois que l’artiste sur­git dans l’actualité. “Retourne dans ta forêt” ; “Pauvre petite négresse” ; “Votre Yaya (plus Malienne que Française) fut sûre­ment choi­sie en tant que repré­sen­tante de l’élégance et du raf­fi­ne­ment à la fran­çaise. Les racailles applau­dissent une racaille, rien de sur­pre­nant”, a‑t-​on pu lire sur X. À la télé­vi­sion, les dis­cours sont plus poli­cés, mais convergent vers la même idée : Aya Nakamura ne méri­te­rait pas de repré­sen­ter artis­ti­que­ment la France, et sur­tout pas pour chan­ter du Piaf, s’étranglent les commentateur·rices réacs.

On a ain­si pu entendre sur BFM-​TV Olivier Vial, direc­teur du CERU, un sombre “labo­ra­toire des idées uni­ver­si­taires” et lui-​même “en charge du pro­gramme sur les nou­velles radi­ca­li­tés” que seraient “wokisme, anti­spé­cisme, décrois­sance, éco­sa­bo­tage” se deman­der tout haut : “La ques­tion c’est : est-​ce qu’elle mérite vrai­ment encore plus de lumière ?” Et de se réfu­gier der­rière de bien confor­tables, et sur­tout bien illu­soires, valeurs fémi­nistes pour dis­qua­li­fier Aya Nakamura, dont les textes de chan­son ne seraient pas for­cé­ment “très posi­tifs sur le droit des femmes”. Contrairement à ce que croit connaitre ce mon­sieur du fémi­nisme, Aya Nakamura l'est à sa façon badass qui fait et dit ce qu'elle veut et par ailleurs, on doute fort qu’Olivier Vial eut goû­té que la céré­mo­nie d’ouverture ait accueilli les artistes fémi­nistes (et très woke) Mathilde ou Pomme.

Misogynoir et syl­lo­gisme Patrick Bruel (????)

Son voi­sin de table, le jour­na­liste sur RMC et écri­vain Frédéric Hemel, ren­ché­rit, fai­sant mine de ne pas com­prendre que les réac­tions épi­der­miques à l’existence même d’Aya Nakamura depuis ses débuts exhalent un relent de miso­gy­noir, ce terme décri­vant une dis­cri­mi­na­tion au croi­se­ment de la miso­gy­nie et du racisme tou­chant spé­ci­fi­que­ment les femmes noires : “Si on n’est pas d’accord avec le fait que Aya Nakamura chante [du Piaf] aux JO c’est parce qu’on [est] raciste. Alors, excusez-​moi, on ne va pas me trai­ter d’antisémite parce que je trouve que Patrick Bruel a com­mis un crime hor­rible quand il a chan­té Barbara !” Au-​delà du syl­lo­gisme dou­teux, le com­men­taire est là encore édi­fiant : les contempteur·rices d’Aya Nakamura sont en train de trans­for­mer Piaf en une figure patri­mo­niale intou­chable, la trans­for­mant en un totem répu­bli­cain ou en une blanche colombe qu’elle n’a jamais été.

Le tour de force est gros­sier. Issue d’un milieu pauvre et cos­mo­po­lite (elle était d’ascendance kabyle par ses grands-​parents), qua­si illet­trée, accro à l’alcool et aux drogues, par­fois vul­gaire, soup­çon­née de col­la­bo­ra­tion avec l’Allemand et ayant dû, selon ses confi­dences, se pros­ti­tuer pour payer l’enterrement de sa fille, la titi pari­sienne Édith Piaf se retrouve béa­ti­fiée oppor­tu­né­ment par celles et ceux qui l’auraient conspuée de son vivant. Mais, contrai­re­ment à Aya Nakamura, Piaf a l’heur d’être blanche et de ne pas être née à Bamako.

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