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© Julian Hochgesang

Pédocriminalité : Stop, un outil de pré­ven­tion aux moyens limités

Stop, une ligne télé­pho­nique essen­tielle pour la pré­ven­tion et l’orientation des per­sonnes atti­rées sexuel­le­ment par les enfants, se trouve confron­tée à un manque de moyens criant. En 2023, seule­ment 20 % des 2 300 appels ont pu être sui­vis d’une “éva­lua­tion complète”.

“Est-​ce que vous pour­riez pas­ser à l’acte ?” Nathalie Canale tient son télé­phone d’une main et, de l’autre, retrans­crit le témoi­gnage d’un étu­diant, âgé de 19 ans, en train de lui racon­ter ano­ny­me­ment son atti­rance sexuelle pour les gar­çons de moins de 11 ans.

Quelques heures par semaine, la psy­cho­logue répond sur la ligne Stop – Service télé­pho­nique d’orientation et de pré­ven­tion – dédiée aux per­sonnes atti­rées sexuel­le­ment par les mineur·es, dis­po­si­tif en manque de moyens humains et finan­ciers, trois ans après sa créa­tion. Depuis son bureau de Toulouse, elle écoute et conseille pen­dant une demi-​heure l’étudiant angois­sé, qui avoue avoir déjà consul­té des sites pédo­por­no­gra­phiques et craint d’aller plus loin. Une séance que l’AFP a pu suivre à dis­tance. “C’est un pro­fil pré­coce […], la psy­cho­thé­ra­pie sera une bonne chose pour lui, il a besoin d’être ras­su­ré et de com­prendre ce qui peut se jouer au niveau de sa sexua­li­té”, décrypte la psy­cho­logue, après avoir adres­sé l’étudiant à une autre spécialiste.

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Éviter les "pas­sages à l'acte"

Lancé en février 2021 avec le sou­tien du gou­ver­ne­ment, ce pro­gramme de pré­ven­tion stagne, avec pour 2024 une enve­loppe de 35 000 euros, de quoi finan­cer une cam­pagne de publi­ci­té à peine plus impor­tante que la pré­cé­dente. À titre de com­pa­rai­son, les vio­lences sexuelles faites aux mineur·es coûtent 10 mil­liards d’euros par an, en rai­son de la mobi­li­sa­tion de la police et de la jus­tice et des effets sur la san­té des vic­times, selon la Commission indé­pen­dante sur l’inceste et les vio­lences sexuelles faites aux enfants (Ciivise), qui pré­co­nise le ren­for­ce­ment de cette ligne télé­pho­nique. La Ciivise sou­ligne que les appelant·es ne consti­tuent pas une menace immé­diate, mais que la “pos­si­bi­li­té don­née à des per­sonnes plus éloi­gnées du pas­sage à l’acte d’entrer dans une démarche de prise en charge doit être sou­te­nue dans un objec­tif de pré­ven­tion”.

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Alors que 160 000 enfants sont vic­times chaque année d’abus sexuels, selon cette com­mis­sion, “on a pu orien­ter les per­sonnes vers des soins, donc évi­ter des pas­sages à l’acte”, sou­ligne Anne-​Hélène Moncany. La pré­si­dente de la fédé­ra­tion des CRIAVS, ces centres rat­ta­chés aux hôpi­taux qui coor­donnent le dis­po­si­tif Stop, sou­ligne l’avancée qu’avait consti­tuée la créa­tion de cette ligne : “C’était très com­pli­qué de faire entendre qu’il fal­lait inter­ve­nir auprès des per­sonnes pédo­philes […] Ça a été une vraie victoire.”

"Chez tous les médecins"

Faute de com­mu­ni­ca­tion très régu­lière, le dis­po­si­tif est moins sol­li­ci­té qu’en 2021, quand envi­ron quatre-​vingts appels pou­vaient affluer chaque semaine, selon elle. Autre limite au déve­lop­pe­ment du ser­vice : il ne dis­pose d’aucun·e salarié·e à temps plein. Plusieurs professionnel·les des CRIAVS se relaient pour faire fonc­tion­ner le pro­jet, à rai­son de quelques heures chacun·e. “C’est une mis­sion qui se rajoute aux autres, on essaie de caler ça dans l’emploi du temps […] ça peut être frus­trant”, confirme la psy­cho­logue Nathalie Canale, deux jours par semaine au CRIAVS de Toulouse, à côté de son acti­vi­té en milieu psychiatrique.

Création d'une mes­sa­ge­rie en ligne, ana­lyse appro­fon­die du pro­fil des appelant·es, spot télé… Plusieurs pro­jets sont res­tés au point mort. Au grand dam d’Anne Clerc, de l’association Face à l’inceste, qui salue un dis­po­si­tif “remar­quable”. Elle réclame “des cam­pagnes qui per­mettent de faire connaître Stop, qu’il soit affi­ché dans les salles d’attente chez tous les médecins”.

Au Royaume-​Uni, une ligne télé­pho­nique simi­laire est active depuis 2002. Et en Allemagne, 5 mil­lions d’euros par an sont consa­crés au trai­te­ment des troubles liés à une atti­rance sexuelle pour les enfants, selon Isabel Schilg, char­gée de ce sujet à l’Hôpital de la Charité, à Berlin.

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