Le collectif baptisé « Tapis rouge, colère noire », composé de cinéastes et de technicien·nes du cinéma, a collé dimanche 21 mai une dizaine de messages sur la Croisette pour dénoncer plusieurs polémiques liées au Festival de Cannes, notamment la présence des films de Maïwenn et de Catherine Corsini.
« J’accuse l’homme, j’emmerde l’artiste », « Patriarcannes », « Cinéma sexiste, riposte féministe » ou encore « Est-ce que la Palme justifie les moyens ? ». Ces messages ont été collés sur les murs des bâtiments de la Croisette de Cannes, aux abords du tapis rouge et des célèbres marches du palais des festivals, dimanche 21 mai à l’aube. À l’initiative de cette action, le collectif créé pour l’occasion et baptisé « Tapis rouge colère noire », qui se dit être composé de cinéastes et de technicien·nes du cinéma.
Dans un communiqué publié hier sur leur compte Instagram, le collectif explique avoir choisi de s'inscrire « dans la lignée des colleuses » féministes en utilisant leur méthode – des lettres noires sur fond blanc collées dans l'espace public sur des feuilles A4 – pour dénoncer les polémiques liées à la 76e édition du Festival de Cannes qui a commencé mardi dernier et se poursuit jusqu’au 27 mai prochain.
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Selon Libération et Les Inrockuptibles, qui ont pu assister aux collages, cette action est née dans l’esprit du collectif il y a deux semaines. « Nous, cinéastes et technicien·nes du cinéma, refusons la complicité du Festival envers les agresseur·euses et les harceleur·euses sexuel·les, physiques et moraux », expliquent ainsi les membres dans le communiqué. « La sélection officielle choisit la complaisance, le déni et la banalisation de la violence », dénonce-t-ils·elles précisant que leur lutte « s’inscrit dans un combat plus grand : celui contre le patriarcat ».
Le collage « Votre violence nous Depp », fait ainsi référence à la programmation du film Jeanne du Barry de Maïwenn en ouverture du festival, qui signe le retour de l’acteur américain Johnny Depp, boycotté par Hollywood depuis les accusations de violences conjugales envers son ex-épouse, l’actrice Amber Heard. Tandis que le message « Équipe opprimée, film nominé » fait référence à la réalisatrice française Catherine Corsini, accusée de multiples abus – notamment de harcèlement moral – sur le tournage de son film Le Retour, en compétition pour la Palme d’or. « Cette violence est brandie comme une composante inévitable du processus artistique et justifiée par le mythe du génie. Non, tout n’est pas excusable au nom de l’art », condamne le collectif Tapis rouge, colère noire.
Dans leur communiqué, les membres se déclarent également « solidaires des différentes prises de position qui ont éclos ces dernières semaines : les tribunes d’Adèle Haenel [ l'actrice a adressé une lettre à Télérama dans laquelle elle explique les raisons de son arrêt du cinéma, ndlr] et du collectif d’actrices et d’acteurs, ainsi que les communiqués du Spiac [Syndicat des Professionnel·les des Industries de l'Audiovisuel et du Cinéma, ndlr] et du collectif 50/50 ».
Au lendemain de l'annonce, le 24 avril dernier, de la sélection du film de Catherine Corsini par la direction du Festival, le Conseil national du Spiac condamnait dans un communiqué cette décision : « Faire le choix de sélectionner ce film envoie de fait un message très clair : les violences morales sexistes et sexuelles ne sont pas un sujet pour le Festival de Cannes. Celles ou ceux qui les dénoncent n’ont pas voix au chapitre de la sacro-sainte création ». Le même jour, le collectif 50/50, qui oeuvre pour la parité, l'égalité et la diversité dans le cinéma et l'audiovisuel, a également manifesté, dans un communiqué publié sur les réseaux sociaux, sa consternation suite à la présence du film de Catherine Corsini qui est la preuve manifeste que « le festival de Cannes, en 2023, n’a pas opéré de transformation suffisante pour prendre en considération le sujet des violences morales, sexistes et sexuelles ».
De leur côté, le collectif Tapis rouge, colère noire assure dans son communiqué que « les grands films peuvent être faits autrement, dans des conditions de travail justes, sans souffrance, sans humiliation ni domination ». Selon Libération, d’autres actions du collectif sont à venir d’ici la clôture du Festival qui aura lieu ce samedi.
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