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Documentaire l Un "por­trait alter­na­tif" de Gisèle Halimi

La pla­te­forme vidéo BrutX met en ligne ce 30 décembre un joli docu­men­taire dévoi­lant les bles­sures et la part d'ombre de l'avocate deve­nue une icône féministe.

« Oui, j'ai connu des échecs. […] A l'âge de vingt ans, je crois que je me serais sui­ci­dée. » Ces mots dou­lou­reux de Gisèle Halimi en ouver­ture de Gisèle annoncent la cou­leur. Dans ce docu­men­taire dis­po­nible ce jeu­di sur BrutX, les réa­li­sa­teurs Sara Kheladi et Vincent Buchy s'attachent à lever le voile sur la femme der­rière l'icône qu'est aujourd'hui l'avocate qui s'est bat­tue pour les droits des opprimé·es, du colo­nia­lisme tout d'abord, du patriar­cat par la suite. 

Décédée en juillet 2020, Gisèle Halimi est plus que jamais un modèle d'inspiration dans les luttes fémi­nistes. Des mili­tantes demandent d'ailleurs sa pan­théo­ni­sa­tion, pour l'heure refu­sée par Emmanuel Macron, en rai­son de sa défense des membres du Front de libé­ra­tion natio­nale (FLN) lors de la guerre d'indépendance de l'Algérie. Le pré­sident de la République a opté pour un simple hom­mage natio­nal, pré­vu en jan­vier 2022 aux Invalides. En inter­vie­want Djamila Boupacha, la jeune femme qui fut tor­tu­rée par l'armée fran­çaise pour une ten­ta­tive d'attentat et défen­due par Gisèle Halimi, ce docu­men­taire rap­pelle com­ment le per­son­nage divise encore aujourd'hui.

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Une grande dame pas tou­jours sorore

Aux yeux des fémi­nistes et des gens de gauche pour­tant, « le per­son­nage est trans­pa­rent, irré­pro­chable », observe l'historienne Sophie Bessis dans Gisèle. C'est « la per­sonne » qui est « plus com­pli­quée ». On découvre alors, grâce aux sou­ve­nirs de ses amies et de son ancienne assis­tante Violaine Lucas, une Gisèle Halimi par­fois arro­gante et sou­vent peu amène. A celle-​ci qui, après une réunion fémi­niste, lui glis­sa qu'elle avait par­lé très sèche­ment à une autre femme, Gisèle Halimi rétorque : « Nous ne sommes pas égales. Si vous avez de l'ambition, vous ne recom­men­ce­rez pas. » En fait, Gisèle dévoile une per­son­na­li­té ambi­va­lente, qui s'est arra­chée à sa condi­tion de femme pauvre et par­ti­cu­liè­re­ment décon­si­dé­rée dans son milieu et s'est bat­tue avec les codes de son époque. Une grande dame louée pour son rôle his­to­rique dans la bataille pour la léga­li­sa­tion de l'avortement mais qui s'est par­fois com­por­tée comme une girl­boss dans son com­bat politique.

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C'est cette huma­ni­té impar­faite que cherche à com­prendre la jour­na­liste Sara Kheladi. En retra­çant depuis l'origine ses bles­sures – enfant, la petite Gisèle mène une grève de la faim pour pro­tes­ter contre l'organisation patriar­cale de sa famille juive tuni­sienne qui exige d'elle une mul­ti­tude de tâches ména­gères dont sont dis­pen­sés ses frères -, la jeune femme brosse un por­trait intime qui n'atténue pas la puis­sance de l'icône mais au contraire la sou­ligne en pré­sen­tant ses failles. Avant de por­ter le nom d'Halimi, Gisèle, née Taïeb, s'est appe­lée un temps Zemmour. Mais ce pre­mier mari du nom de Raymond Zemmour, magis­trat qui lui per­met à 18 ans de par­tir étu­dier à Paris est rayé de l'histoire offi­cielle de Gisèle. « Une icône, ça se construit », remarque la mère de Sara Kheladi, psy­chiatre tuni­sienne qui raconte à sa fille com­ment la figure d'Halimi a ins­pi­ré ses propres enga­ge­ments féministes.

L'intelligence de Gisèle est de don­ner à voir les nuances humaines d'une héroïne. L'énigmatique amorce du docu­men­taire sur la facette sombre de Gisèle Halimi et son déses­poir l'ayant conduite à envi­sa­ger le sui­cide sera expli­quée par la suite. Entre Raymond Zemmour et Paul Halimi, une amou­rette estu­dan­tine oblige la jeune Gisèle à un avor­te­ment que la vio­lence ver­bale d'un méde­cin lui fera payer. On com­prend mieux, dès lors, pour­quoi Gisèle Halimi mit toute son huma­ni­té et son talent d'oratrice pour défendre Marie-​Claire et sa mère lors de l'historique pro­cès de Bobigny.

Lire aus­si l Gisèle Halimi : tout le monde lui dit « merci »

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