Dominique Versini, adjointe à la maire de Paris chargée de la protection de l’enfance, prend acte « des conditions de vie indignes » après la diffusion dimanche de l'épisode de Zone interdite consacrée aux défaillances de la protection de l’enfance.
Dominique Versini se dit « bouleversée par les images » découvertes dans l’émission Zone interdite diffusée dimanche 16 octobre sur M6, consacrée aux défaillances de la protection de l’enfance. L’adjointe à la maire de Paris chargée de la protection de l’enfance et donc de l'Aide sociale à l'enfance (ASE) à Paris a publié un communiqué lundi 17 octobre pour prendre acte des graves dysfonctionnements illustrés dans le reportage intitulé « Familles, d’accueil, hôtels sociaux : le nouveau scandale des enfants placés ». Prostitution de mineures placées en foyer, adolescent·es livré·es à eux-mêmes dans des hôtels sociaux lugubres et placements en familles d’accueil sans vérifications… les images faisaient effectivement froid dans le dos.
Si pour l’élue, ces dernières ne doivent pas « occulter l’engagement et le dévouement de l’immense majorité des professionnels de l’aide sociale à l’enfance de Paris » auprès des 3 190 enfants qui lui sont confié·es, elle reconnaît des dysfonctionnements d'un système chancelant à l'échelle nationale, notamment dans la prise en charge hôtelière de ces mineur·es.
L’enquête du magazine de M6 s’est, en effet, penchée pendant plus d’un an sur le système opaque des placements d’enfants dans des hôtels sociaux. Pour cela, une des journalistes infiltré·es s’est faite embaucher comme éducatrice dans un hôtel social parisien. À l’intérieur, vivait à l’époque Camille, 15 ans. L'ASE place – faute de place en établissement et en famille d’accueil– des enfants comme Camille dans ces hôtels. Au total, selon la voix off du magazine, ce sont encore 10 000 mineur·es qui seraient logé·es dans ces établissements aux conditions bien souvent insalubres. « Encore », car la loi Taquet, adoptée par le Parlement en février dernier, interdit pourtant le placement des mineur·es dans ces hôtels. Dans un entretien à l'issue du reportage avec la présentatrice de Zone interdite, Ophélie Meunier, la secrétaire d’État à la Protection de l’enfance Charlotte Caubel affirmait que cette interdiction serait bientôt effective sur tout le territoire.
En attendant l’application totale de la loi, de nombreux jeunes vivent donc dans ces hôtels sociaux lugubres. Camille par exemple vivait, à l’époque du tournage de Zone interdite, depuis plus d’un an dans un hôtel touristique parisien en piteux état. Sur les images, la jeune fille semble être en réelle souffrance, elle ne va plus en cours et ne sort quasiment plus de sa chambre, dont l’unique fenêtre est obstruée par une armoire massive censée l’empêcher de sauter. La caméra de Zone interdite filme sa grande détresse psychologique, les crises de boulimie qui en découlent, l’impuissance des éducateur·trices chargé·es de la surveiller et surtout l’indifférence de sa référente ASE lors d’une de ses rares visites. L’un des éducateur·rices filmé·es en caméra caché parle même d’une « maltraitance institutionnelle ».
Comment l’ASE de Paris justifie-t-elle de laisser ces enfants vivre dans ces hôtels ? Dominique Versini, chargée de la protection de l’enfance à la ville de Paris depuis 2014, reconnaît « des conditions de vie indignes ». L’élue condamne d’ailleurs « avec fermeté » les comportements et les propos des éducateur·trices que l’on voit dans l’émission. Parmi eux, on se souvient de celui d’un éducateur qui plaque violemment Camille au sol et se justifie ensuite auprès de la journaliste infiltrée : « Ça pourrait être perçu comme de la maltraitance, mais moi, je sais que ce n’est pas de la maltraitance, de toute façon, elle a été maltraitée toute sa vie et aujourd’hui elle est irrécupérable. »
L’ASE en dernière ligne
En réaction, Dominique Versini a indiqué avoir convoqué lundi 17 octobre le directeur de l’agence d’intérim – à qui l’ASE délègue l’hébergement des enfants – de cet hôtel social « afin de tirer toutes les conséquences des images et de diligenter les procédures disciplinaires qui s’imposeront ». Elle indique également que la Ville de Paris se réserve le droit d’engager des poursuites judiciaires et qu’elle a d’ailleurs saisi la Procureure de la République « afin de lui adresser un signalement à l’encontre de tous les professionnels qui seront identifiés, quant aux violences révélées par le reportage ». Elle a également lancé une procédure disciplinaire à l’encontre de la référente de Camille et sanctionnera tout manquement avéré.
L’élue chargée de la protection de l’enfance reconnaît en outre que les établissements médico-sociaux adaptés aux besoins des enfants en souffrance psychologique comme Camille sont insuffisants sur le territoire parisien et national. Selon elle, l’ASE se retrouve en dernière ligne pour prendre en charge des enfants et des adolescent·es qui se heurtent à l’échec de toutes nos institutions, « l'hôtel et les éducateurs intérimaires devenant alors le dernier recours avec des prises en charge inadaptées et contraires à l’intérêt de l’enfant ».
« Aucun enfant ni adolescent ne peut être pris en charge à l’hôtel »
Pour pallier ces dysfonctionnements déjà bien documentés avant l'enquête de M6, Dominique Versini souligne avoir ouvert dix établissements « novateurs » depuis son arrivée à la protection de l’enfance en 2014. L’élue a aussi assuré avoir transformé en 2019 650 chambres d’hôtels en appartements partagés ou en accueils collectifs. Elle précise d’ailleurs que les consignes sont très claires depuis l’adoption de la loi Taquet en février 2022 : « Aucun enfant ni adolescent ne peut être pris en charge à l’hôtel y compris avec la présence d’éducateurs en intérim. »
L’adjointe chargée de la protection de l’enfance tient également à rappeler que Camille a quitté l’hôtel insalubre dans lequel elle se trouvait. Elle a rejoint une structure pérenne adaptée à sa situation psychologique depuis 16 mois et, selon Dominique Versini, a commencé à se projeter dans un projet d’avenir avec l’équipe de professionnel·les qui l’accompagne.
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