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© Aki-Pekka Sinikoski

L'association Itawa forme les gardes d'enfants à domi­cile à limi­ter l'utilisation de polluants

Les perturbateurs endocriniens (bisphénols, phtalates, parabènes…) sont très nocifs pour la santé des tout-petits. Depuis 2018, l’association Itawa forme les gardes d’enfants à domicile pour prévenir l’exposition à ces substances.

Quand il a fallu qu’elle achète un matelas pour le lit de son bébé, Alexandra Lorenzo, en pro du marketing, a fait des recherches. « J’ai découvert qu’il existait des matelas faits en matière synthétique issue de la pétrochimie et d’autres fabriqués à partir de fibres naturelles. Je me suis alors demandé ce qui était sain pour mon bébé. » Elle a ensuite décliné sa réflexion sur tous les articles de puériculture dont on s’équipe à l’arrivée d’un nouveau-né. C’est à partir de ces questions que la future maman « tire un fil ».

Au bout, elle trouve une pelote énorme : la santé environnementale et son lot de parabènes, pesticides, bisphénols et autres perturbateurs endocriniens, présents partout dans nos produits du quotidien et pourtant mauvais pour la santé. En particulier, « les études scientifiques montrent avec certitude que l’exposition ou non à des polluants durant les mille premiers jours de l’enfant (de sa vie in utero jusqu’à ses 2 ans environ) a un impact sur la santé de l’adulte qu’il deviendra », souligne Nicolas Herbreteau, de l’agence régionale de santé (ARS) Île-de-France. Alexandra Lorenzo est étonnée et même en colère devant la profusion de ces informations. Comment se fait-il qu’elles ne soient pas arrivées jusqu’à elle ? Et surtout qu’« elles ne fassent pas les gros titres ».

Son enfant naît. Et avec lui, un autre projet : celui de transmettre ces messages de prévention le plus largement possible. En 2018, la jeune femme tourne la page de sa première vie professionnelle pour lancer l’asso­ciation Itawa. Son idée : former des gardes d’enfants à domicile à la mise en place d’un environnement sain pour les tout-petits, avec le moins de polluants environnementaux possible. Cette ­formation baptisée « Les nounous écolos » s’adresse à toutes les assistantes maternelles exerçant à leur domicile et aux auxiliaires parentales, qui travaillent au domicile de l’enfant. La formation, que la fondatrice veut gratuite pour les travailleuses, n’est dispensée pour l’instant qu’en Île-de-France, grâce au financement de l’ARS francilienne, dans le cadre de son plan régional santé-environnement (PRSE). « Les nounous travaillent en permanence avec les jeunes enfants. Elles peuvent donc agir directement auprès d’eux et leurs familles. En plus, cela a un intérêt pour elles-mêmes et leur entourage », ­argumente Nicolas Herbreteau, chargé du pilotage de ce PRSE.

Théorie et pratique

La formation Itawa se déroule sur deux jours. Alexandra Lorenzo, elle-même formée en santé environnementale, explique les notions de base, parfois complexes, « sans appauvrir le contenu » ni omettre les termes techniques, la question des lobbys, la réglementation, les labels… Puis tout l’environnement des enfants est passé au crible : alimentation, hygiène, jouets, entretien écologique du logement. Comme il est « impossible d’agir sur tous les facteurs environnementaux, l’idée est de travailler là où l’enfant passe le plus de temps. C’est-à-dire son lit, quand il est nourrisson, et le domicile. C’est pourquoi la qualité de l’air intérieur est essentielle », explique-t-elle. Il est question de théorie donc. Mais aussi de pratique. « Une fois, Alexandra est venue avec un chariot rempli de produits », se rappelle Rosalie Gbei, qui a suivi la formation en janvier 2020. « Faire, voir et toucher les produits, décrypter les étiquettes permet de passer à l’action », commente la fondatrice de l’association. De son côté, Naziha Guenana évoque les ateliers de fabrication de liniments ou de produits d’entretien de la maison : « On apprend des gestes simples du quotidien pour la santé et le bien-être des enfants. » Quant à leur mise en application, elle est « facile et peu coûteuse ».

Des compétences recherchées

Elle-même a rapidement mis en place, fin 2019, ces gestes écolos chez ses nouveaux·elles employeur·euses, qui ont « tout de suite accepté » les changements préconisés. Exit les biberons en plastique, remplacés par ceux en verre. Le choix du modèle d’autocuiseur-mixeur des purées pour bébé se porte sur celui en Inox. La chambre des enfants est aérée plusieurs fois par jour pour renouveler l’air. Les lingettes pour nettoyer la peau des enfants sont bannies…

Chez elle aussi, Naziha Guenana importe bon nombre de nouveaux comportements. Elle ne jure plus que par le savon noir, le bicarbonate de soude et le vinaigre blanc. Même chose pour Rosalie Gbei. « La formation m’a boostée pour faire plus attention à la nature, notre santé et celle des enfants », résume-t-elle. Deuxième effet kiss cool : bien que non validées par un diplôme ou une certification, ces compétences supplémentaires représentent un « atout » dans leur CV, assurent les deux nounous. Ces connaissances en santé environnementale sont peu répandues et de plus en plus de parents se préoccupent de cette question. Aussi, la formation leur permet de « se démarquer et de gagner en employabilité, souligne Alexandra Lorenzo. Et cela les valorise, sachant que les nounous n’ont pas toujours une bonne image. »

Comme Naziha et Rosalie, un peu plus de 90 nounous ont été formées par Itawa en 2019. Le potentiel est encore important quand on sait que la France compte environ 400 000 assistantes maternelles et plus de 100 000 auxiliaires parentales. Tout l’enjeu consiste donc à toucher ce public, hors des radars de la formation continue, par ailleurs peu disponible en dehors des week-ends pour se former. Autre défi : trouver les subventions auprès d’autres ARS ou de la branche professionnelle pour financer la prise en charge de la formation. Et donc former une véritable brigade de nounous écolos.

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