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© Alexandr Podvalny / Unsplash

Face aux ber­ceaux vides dans ses crèches, Bordeaux sort les grands moyens pour recru­ter du personnel

Comme partout en France, la ville de Bordeaux fait face à une pénurie de personnel dans ses crèches, l’obligeant à refuser l’accueil d’une centaine d’enfants. Pour la deuxième fois, la municipalité lance une campagne de recrutement, bien que les conditions de travail n’attirent pas foule.

“Et si c’était vous ?” : confrontée à une pénurie de personnel dans la petite enfance, la mairie de Bordeaux lance, pour la deuxième fois en quelques mois, une vaste campagne de recrutement, avec des affiches qui tapissent les rues de la ville.

Auxiliaires de puériculture, éducateur·rices de jeunes enfants, mais aussi cuisinier·ères ou psychomotricien·nes… Tous les profils sont recherchés, fait savoir la municipalité écologiste, qui communique également sur Facebook, LinkedIn, X et Instagram. “À la rentrée 2023, on comptait environ soixante-dix postes vacants dans les crèches municipales, et donc une centaine de berceaux gelés”, explique à l’AFP Fannie Le Boulanger, adjointe à la petite enfance à la mairie.

À Caudéran, quartier résidentiel de l’ouest de la ville, la municipalité écologiste a effectué des travaux dans une crèche pour passer de vingt à quarante berceaux, “mais elle tourne aujourd’hui à trente berceaux”, faute de personnel, déplore l’élue. Une “énorme frustration” pour la mairie, mais surtout pour les familles qui peinent à trouver un mode de garde pour leurs enfants. La métropole girondine, qui a attiré ces dix dernières années plus de 100 000 nouveaux·elles habitant·es, n’est pas un cas isolé, puisqu’il manque environ 10 000 professionnel·les en France, selon le Syndicat national des professionnel·les de la petite enfance.

“Très peu de reconnaissance”

élodie Saint Germain dirige la crèche municipale Carreire, à Bordeaux, depuis deux ans. Pour 40 berceaux, elle devrait avoir une équipe d’une quinzaine de personnes. “Entre les arrêts de travail longs, très difficiles à remplacer, et le petit absentéisme, il nous manque aujourd’hui deux personnes, parfois jusqu’à quatre”, dit-elle. “Ça nous arrive donc de travailler à flux tendu, de fermer ponctuellement une section ou de réduire les horaires d’ouverture”, déplore-t-elle, expliquant que même si cette situation met en difficulté l’organisation des parents, “c’est le bien-être de l’enfant qui prime toujours”.

Pour elle, les métiers de la petite enfance ne sont plus attractifs à cause notamment des contraintes horaires pour des salarié·es vivant souvent loin, en raison de la hausse des loyers, et d'une rémunération "plutôt basse". Une auxiliaire de puériculture en CDD a un salaire, sans prime, à peine au-dessus du Smic.

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Elodie Saint Germain évoque aussi le manque de flexibilité et l'importante fatigue physique et psychologique que ces métiers engendrent. Elle salue l'initiative de la mairie "mais pour résoudre le problème de fond, il faut que ça vienne de plus haut, avec de véritables augmentations des grilles de salaires". "Un métier avec beaucoup de contraintes et très peu de reconnaissance", résume-t-elle.

"Ils rebroussent chemin"

Et pourtant, la coordinatrice pédagogique du CAP Accompagnant éducatif petite enfance (AEPE) au lycée technologique et professionnel de Bel Orme, à Bordeaux, Aude Adolphi, reçoit tous les ans des candidat·es “très motivés” pour ces métiers. “Mais ils rebroussent vite chemin faute d’avoir trouvé une alternance, alors que les structures se disent en pénurie”, regrette-t-elle. “L’année dernière, on a eu une trentaine de candidats et seuls quatre ont réussi à trouver un apprentissage, cinq ont accepté de faire des stages non rémunérés et les autres ont abandonné”, dit-elle.

Ce cumul de difficultés tend un secteur où la pyramide des âges est très vieillissante avec des départs à la retraite difficiles à remplacer. À Bordeaux, un tiers des professionnel·les dans les crèches collectives ont plus de 50 ans. “Il y a eu pendant des années un énorme manque d’anticipation des besoins du secteur. Il faut que le gouvernement en fasse aujourd’hui une priorité nationale, car c’est aussi l’emploi des femmes en général qui est en jeu”, lance Fannie Le Boulanger. Avec sa campagne de recrutement, “la ville de Bordeaux a décidé de visibiliser ce sujet, qui est au cœur de la vie de famille”, poursuit-elle, sans espérer faire de miracles.

Car la mairie refuse autant que possible d’embaucher du personnel non diplômé, comme le permet, depuis le 31 août 2022, un arrêté ministériel qui officialise les dérogations accordées “à titre exceptionnel” aux établissements en forte pénurie. La première campagne d’octobre avait débouché sur dix-huit recrutements pour quarante-trois candidatures.

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