À l’occasion de la Journée nationale de lutte contre le harcèlement scolaire qui se déroule ce 10 novembre, la Fondation Apprentis d’Auteuil et l’association Marion La Main Tendue alertent sur un phénomène qui continue de faire des ravages dans les établissements.
La Journée nationale de lutte contre le harcèlement scolaire fête ses sept ans ce 10 novembre. Une mobilisation nécessaire, les violences à l’école continuant de faire des ravages dans les établissements. Elles touchent un million de jeunes français·es par an, rappelait d’ailleurs Emmanuel Macron la veille de la rentrée scolaire. L’enquête, publiée mi-octobre par la Fondation Apprentis d’Auteuil, en partenariat avec OpinionWay, présente les choses autrement : 77 % des jeunes interrogé·es déclarent avoir subi des violences au sein de l’école. Soit près de huit jeunes sur dix.
Les résultats de cette enquête, menée en août auprès de 1 500 jeunes âgé·es de 15 ans à 20 ans ainsi que de 1 000 parents, sont édifiants. Ils montrent des violences aux formes multiples. 64 % des répondant·es affirment avoir subi des violences verbales au sein de l’école. 44 % des violences psychologiques et 38 % des violences physiques. Les résultats de l’enquête pointent aussi des violences répétées dans l’enceinte de l’école : 26 % des jeunes déclarent avoir subi du harcèlement moral et 15 % des violences physiques répétées. Enfin, 14 % des interrogé·es affirment avoir subi du sexisme, du harcèlement sexuel ou des violences sexuelles.
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Le harcèlement scolaire serait d’ailleurs un phénomène en augmentation, selon l’association Marion La Main Tendue qui lutte contre les violences à l’école. « En 2022, on a dû faire face à une très forte augmentation des demandes d’accompagnement dans toute la France », alerte l’association dans un communiqué publié ce 9 novembre.
Des violences dès le plus jeune âge…
Pour 71 % des répondant·es, la période du collège est celle où se concentrent principalement ces violences. Mais l’enquête montre que ces faits interviennent aussi dès le plus jeune âge. Ils·elles sont ainsi 30 % à déclarer avoir été victimes de violences « dès la primaire, voire même la maternelle » pour 6 % d’entre elles·eux. Près des trois-quarts estiment que l’école est un lieu propice à l’expression des violences.
Pour la Fondation Apprentis d’Auteuil, les causes des violences subies à l’école sont multiples, « à la fois sociales et structurelles » : effet de groupe, mauvaises fréquentations ou encore contexte familial compliqué pour les auteur·trices. Selon l'enquête, le harcèlement scolaire prospère sur la négligence de l’institution « par manque de moyens ou de formation des personnels ». 83 % des répondant·es estiment que les réseaux sociaux contribuent à véhiculer et à renforcer la violence en milieu scolaire.
… aux conséquences dévastatrices
Et quid des conséquences pour ceux·celles qui en sont victimes ? 81 % des jeunes interrogé·es estiment qu’il s’agit « d’expériences traumatisantes » qui nuisent à la confiance en soi (46 %), accentuent les décrochages et les phobies scolaires (27 %) et causent des effets néfastes sur la santé mentale et physique (22 %). 26 % des jeunes interrogé·es affirment même avoir déjà eu des pensées suicidaires.
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Selon l’enquête d’Apprentis d’Auteuil, une victime de harcèlement scolaire sur cinq a passé ces violences sous silence. 34 % des interrogé·es affirment avoir déjà été témoins, à plusieurs reprises, de violences au sein de leur établissement. Et 56 % disent avoir vu des vidéos ou des photos humiliant des camarades sur des téléphones portables. Des violences passées sous silence là-aussi : ils·elles sont 28 % à déclarer ne pas les avoir dénoncés auprès d’un adulte.
L’enquête s’est aussi penchée sur la différence de perception du harcèlement scolaire entre les parents et les enfants. 78 % des parents pensent que leurs enfants se confiraient à eux·elles, si ils·elles se font harceler à l’école alors que seulement 54 % disent l’avoir déjà fait.
Enrayer les violences scolaires
L’enquête met en lumière l’importance du rôle que jouent la sensibilisation et l’information sur les questions de violences à l’école. Près d’un·e jeune sur deux (48 %) ne se sent pas suffisamment informé·e là-dessus. Aujourd’hui, des dispositifs existent pourtant pour lutter contre le harcèlement scolaire comme les médiateur·trices qui sont chargé·es, au sein des établissements, de faire le lien avec et entre les élèves et de recueillir la parole des victimes et des témoins. Le gouvernement expérimente aussi le développement du programme pHARe depuis le début de la rentrée 2022, qui vise à former une communauté protectrice autour des élèves, à rédiger un protocole de prise en charge dans l'établissement, mais aussi à consacrer dix heures d’apprentissage par an, du CP à la 3ème, à la prévention du harcèlement.
Des moyens toujours « insuffisants pour agir efficacement », selon Nora Tirane Fraisse, fondatrice de l’association Marion La Main Tendue, créée à la suite du suicide de sa fille Marion en 2013, victime de harcèlement. « Nous sommes à un tournant majeur de la lutte, il faut agir plus vite et plus fort, soutient Nora Tirane Fraisse dans un communiqué. La parole se libère, et c’est une bonne chose, mais les moyens pour prendre en charge le harcèlement scolaire sont en baisse. Sur le terrain, les enfants, les enseignants, les personnels de cantine, les médiateurs et les éducateurs se mobilisent, mais manquent de dotations pour mener à bien ce combat quotidien. Dédier 30 centimes par élève et par an, soit 4 millions d’euros, permettrait de déclencher un grand plan national. »
Pour enrayer le harcèlement et les violences dans le milieu scolaire, l’association Marion La Main Tendue milite pour une meilleure formation des enseignant·es ainsi que la création d’outils pédagogiques et d’une application dédiée à disposition des élèves. Pour Nora Tirane Fraisse, la lutte contre le harcèlement scolaire doit s’inscrire dans une « démarche globale et systémique qui englobe l’ensemble des ministères ». De son côté, le ministre de l’Éducation, Pap Ndiaye, a assuré lundi 7 novembre que la lutte contre le harcèlement scolaire est « une priorité » pour le gouvernement. « Pour 2023, nous avons également prévu des moyens budgétaires en hausse pour accompagner la généralisation du programme pHARe », a‑t-il poursuivi, sans donner pour l'heure, plus de précisions.
Le cyber-harcèlement touche plus d’un jeune sur deux
Le harcèlement s'éprouve aussi en ligne. Selon une étude publiée par l’association e‑Enfance mardi 8 novembre, 60% des 18 à 25 ans ont déjà été harcelés sur Internet. Parmi les victimes, 49 % ont déjà pensé au suicide. L’étude, réalisée auprès de 1 209 jeunes, montre des conséquences lourdes : insomnies (69 %), troubles de l’appétit, désespoir, comportement addictifs (51 %).
Vous êtes victimes ou témoins de harcèlement scolaire ? Vous pouvez joindre le 3020, un numéro anonyme et gratuit d’écoute et de prise en charge, accessible du lundi au vendredi, de 9h à 20h et de 9h à 18h le samedi.
Vous êtes victimes de cyberharcèlement ? Vous pouvez joindre le 3018, un numéro gratuit et anonyme, accessible du lundi au samedi de 9h à 20h. Le 3018 peut également obtenir le retrait de contenus illicites en ligne.