Le collectif "Où est mon cycle ?" a été reçu au Sénat mercredi 6 avril pour présenter des témoignages de patientes qui considèrent avoir pâti d'effets secondaires parfois très lourds liés aux vaccins contre le Covid-19.
Depuis qu'elle a reçu sa deuxième dose de vaccin contre le Covid il y a bientôt dix mois, Mélodie attend ses règles avec anxiété parce qu'elles lui font terriblement mal. « Dès l'arrivée des règles suivant ma vaccination, mon flux est devenu hémorragique et mes cycles ont été erratiques jusqu'à récemment, décrit-elle. Aujourd'hui, ils ont retrouvé de leur régularité, mais j'ai toujours aussi mal lors des saignements qui sont abondants. J'ai 36 ans, deux enfants et le sentiment de connaître mon corps : ce que je vis n'est pas normal. »
Ébéniste, la jeune femme a lancé sur Instagram le compte @ouestmoncycle, pour témoigner de ces symptômes qu'elle attribue à la vaccination contre le Covid-19. 11 000 followers et 1 000 témoignages de femmes plus tard, Où est mon cycle ? est devenu un collectif tellement incontournable sur le sujet des potentiels effets secondaires des vaccins anti-Covid qu'il a été reçu au Sénat le 6 avril, par l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques, qui réalise actuellement une étude sur le sujet.
L'ANSM ne reconnait pas le lien de cause à effet
Pour l'heure, les sénatrices en charge de ces travaux n'ont pas voulu s'exprimer sur le sujet. Fin mars, 152 308 signalements de pharmacovigilance, tout symptôme confondu, avaient été transmis à l'Agence de sécurité du médicament (ANSM) depuis le début de la campagne de vaccination en France. Si l'ANSM qualifie 25% de ces cas comme étant « graves » dans sa publication sur le Suivi des cas d'effets idésirables des vaccins Covid-19 mis en ligne fin mars, elle ne fait pas toujours le lien entre les différents vaccins et les tableaux cliniques qui lui sont remontés. Ainsi, en ce qui concerne les troubles menstruels déclarés, l'agence publique note que « les cas rapportés se manifestent principalement de deux manières : par des saignements anormaux (les métrorragies, ménorragies) et par des retards de règles et aménorrhées. Ces effets sont survenus aussi bien après la première injection, qu’après la deuxième injection. » Pour autant, elle insiste : « À ce jour, les données disponibles ne permettent pas de déterminer le lien direct entre le vaccin et la survenue de ces troubles du cycle menstruel. »
En janvier, une étude américaine avait, elle, conclu au lien entre ces dérèglements du cycle et la vaccination contre le Covid. Mais les scientifiques qui la signaient insistaient : ces effets secondaires sont bénins puisqu'en moyenne, ils représentent moins d’un jour de retard dans l’arrivée des règles et disparaissent avec le temps.
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Un discours rassurant à l'opposé de l'expérience de certaines femmes qui se sont rapprochées de Mélodie via Où est mon cycle ? et livrent un tableau très dégradé de leur état de santé. « Des jeunes filles de 20 ans sont en état de préménopause, assure la lanceuse d'alerte. Je suis même en contact avec la mère d'une ado de 13 ans qui n'a plus de règles depuis plusieurs mois et a développé une atrophie mammaire. » Sans pouvoir donner des chiffres sur le nombre précis de femmes ayant tel ou tel symptôme à ce stade, Mélodie évoque aussi des cas d'adénomyose (endométriose dans l'utérus) tellement douloureux et fulgurants (normalement, la maladie évolue plutôt lentement) que certaines ont dû se résoudre à une hystérectomie. Julie, une femme membre d'Où est mon cycle ? en témoigne ainsi dans un article de France 3 Bouches-du-Rhône publié début avril. « S’il y a quelque chose de commun à toutes ces histoires, observe Mélodie, c’est la rapidité des effets du vaccin – quelle que soit la dose -, dès le cycle suivant. »
Fausses couches
Alors que les autorités sanitaires recommandent fortement la vaccination pour les femmes enceintes (le Covid met en danger la santé du fœtus), Où est mon cycle ? dit recevoir de nombreux témoignages de femmes ayant vécu une fausse couche après leur vaccination. Pas de lien de cause à effet, insiste à ce stade l'ANSM, qui rappelle que la fausse couche est « un évènement relativement fréquent en population générale, de 12 à 20 % des grossesses selon les études ». L'agence publique le rappelle : « Les données actuelles ne permettent pas de conclure que ces événements sont liés au vaccin, d’autant que des facteurs de risques étaient associés dans plusieurs cas » remontés jusqu'à elle. Et souligne qu'en attendant les conclusions d'une étude spécifique sur les grossesses et la vaccination Covid qu'elle a lancée de son côté, « trois études récentes (Zauche & al., Kharbanda & al. et Magnus & al.) n’ont pas retrouvé de lien entre les fausses couches spontanées et les vaccins à ARN messager contre le Covid-19 ».
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Pas de quoi rassurer les femmes d'Où est mon cycle ?, d'autant qu'elles sont nombreuses à avoir le sentiment de ne pas être entendues par les professionnel·les de santé. « Me concernant, je n’ai pas réussi à aller voir ma gynéco car elle n’avait pas de rendez-vous disponible et mon médecin traitant n’a pas voulu signaler mon cas à la pharmacovigilance », raconte Mélodie, qui décrit un « effet de sororité » dans la communauté Où est mon cycle ?. Un espace d'échange où « on se sent moins seules et moins tristes » après avoir connu l'indifférence d'une partie du corps médical à leurs symptômes.
"Perçues comme des hystériques"
Après avoir témoigné au Parlement européen en janvier à l'invitation de l'Eurodéputée Rassemblement national opposée au pass sanitaire Véronique Joron (« Je suis apolitique, j’ai pris les espaces de parole qu’on m’offrait », précise Mélodie) et début avril au Sénat, la jeune femme explique attendre « qu’un comité scientifique indépendant se penche sur ces questions et que les médecins écoutent et respectent les femmes. » Car, pour les patientes, un sentiment domine : celui d'avoir dû briser un tabou en osant signaler de potentielles conséquences du vaccin anti-Covid sur leur santé. « Au début, on avait l'impression de déranger en en parlant. C'était comme si nous étions revenues au XIXème siècle, à être perçues comme des hystériques. Alors que ce qui m'intéresse personnellement, c'est que les femmes victimes de ces effets secondaires soit médicalement et psychologiquement prises en charge. »
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