Le décret promis en 2022 sur la composition des protections périodiques menstruelles entre enfin en vigueur ce lundi. Un pas vers une meilleure transparence des fabricants qui montre toutefois ses limites pour les associations féministes.
Ceci n’est pas un poisson d’avril. Le décret sur la composition des protections hygiéniques et les risques liés à leur utilisation, annoncé en 2022 par le ministre de la Santé d’alors, Olivier Véran, entre en vigueur ce lundi. Il vise a priori à obliger les fabricants à une meilleure transparence. La liste de composants, les possibles effets indésirables ainsi que les modalités et précautions d’utilisation devront ainsi être affichés en langue française sur les emballages.
Compte tenu de la méconnaissance des dangers que représentent certains produits menstruels, le décret est une première avancée saluée par les associations de consommatrices. Une personne menstruée utilise entre 6 000 et 13 000 produits de protection intime jetables durant sa vie. Et plus de 2,8 milliards sont vendus chaque année, selon les données Circana. Les associations féministes les chiffrent même à plus de 4 milliards par an. Une “intoxication collective” pour Anne-Cécile Mailfert, la présidente de la Fondation des femmes, dans sa chronique au micro de France inter vendredi dernier.
Glyphosate, chlore, phtalates, Pifas (substances per- et polyfluoroalkylées) et autres substances chimiques entrant dans la fabrication de ces protections peuvent avoir de lourdes conséquences sanitaires, allant de l’allergie au syndrome de choc toxique menstruel. En 2016, l’Agence nationale de sécurité sanitaire et alimentaire nationale (Anses) avait publié un rapport, révisé en 2018, qui révélait la liste de ces composants dangereux. “Avant cela, personne ne nous l’avait dit”, précise Anne-Cécile Mailfert. Depuis 2020, La Fondation des femmes, Règles élémentaires et le collectif Georgette Sand exigent une réglementation spécifique qui est selon elle “loin d’être gagnée”.
Un décret "déceptif"
Les trois associations féministes ont publié, lundi 18 mars, un communiqué de presse intitulé “Promulgation du décret ‘transparence’ des produits périodiques : on peut aller plus loin”. Elles pointent trois limites majeures qui viennent relativiser l’importance du décret.
Tout d'abord, l’exhaustivité des informations ne sera pas requise. Les composants affichés seront uniquement les “substances ajoutées intentionnellement” aux produits par les fabricants. “Cela exclut les substances ajoutées non intentionnellement, lors des processus de blanchiment ou de fabrication par exemple, qui sont les étapes où l’intégration de substances toxiques peut se faire”, précise le communiqué. En outre, les informations ne seront pas pour autant lisibles. Les consommatrices pourront lire “coton bio, même s’il ne s’agit que d’une infime partie du composant”, déplore Anne-Cécile Mailfert. Les composants dits textiles, notamment des produits réutilisables, seront également épargnés de cette nouvelle réglementation, “ne permettant pas une information homogène pour les consommateurs et consommatrices”, dénonce le communiqué.
Il reste difficile de mesurer les conséquences réelles de ces produits sur la santé des consommatrices. “Rien n’a été prouvé car rien n’a été recherché”, fustige la présidente de la Fondation des femmes. Certes, le taux de présence de ces substance ne dépassera pas le seuil autorisé pour une utilisation cutanée. Or, “quand on parle de vagin, on parle de muqueuse”, membrane particulièrement sujette à l'absorption des molécules, précise Anne-Cécile Mailfert. Elle ajoute que la hausse des “cancers féminins” et de “l’endométriose” devrait interroger et mériterait “d’investiguer”.
Les militantes féministes réunies dans ces organisations appellent donc à se “mobiliser” pour exiger une meilleure réglementation et une véritable transparence afin de “de réellement informer les femmes sur l’impact des composants de produits périodiques sur leur santé, mais aussi d’aller vers la production et la commercialisation de produits plus sains”.