La commission des Affaires sociales de l’Assemblée a rejeté, ce mercredi, une proposition de loi visant à instaurer un congé menstruel en France. Un revers qui intervient un an jour pour jour après que la mairie de Saint-Ouen-sur-Seine (Seine-Saint-Denis) est devenue la première ville à instaurer un tel congé pour ses employées souffrant d’endométriose ou de règles douloureuses.
Le simulateur de règles a malheureusement échoué à convaincre les parlementaires. Ce mercredi 27 mars, la commission des Affaires sociales a rejeté, avec seize voix pour et seize voix contre, la proposition de loi des député·es EELV Sébastien Peytavie et Marie-Charlotte Garin visant à instaurer un congé menstruel en France.
Un revers qui intervient un an jour pour jour après que la mairie de Saint-Ouen-sur-Seine (Seine-Saint-Denis) est devenue la première ville à instaurer un tel congé pour toutes ses employées souffrant d’endométriose ou de règles douloureuses. Une décision prise par Karim Bouamrane, son maire PS, à la suite de plusieurs échanges avec des associations féministes locales, qui ont révélé le vide juridique existant dans l’Hexagone.
“En tant que maire et responsable d’une administration de deux mille personnes, avec plus de 60% de femmes, il me semblait plus que nécessaire de réadapter l’arsenal juridique en ma possession pour mettre en place un congé menstruel, explique l’élu à Causette. À la fois pour des raisons politiques, mais aussi économiques, de santé publique et de justice sociale. Près de la moitié des femmes souffrent de règles douloureuses et 10 % d’endométriose. On ne peut pas accepter, dans un pays comme le nôtre, qu’elles pâtissent en silence au travail. L’Espagne a été le premier pays d’Europe à adopter une loi en ce sens l’année dernière.”
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“Je respire”
Aujourd’hui, quarante agentes de la mairie de Saint-Ouen-sur-Seine bénéficient de ce congé menstruel. Il suffit de demander un rendez-vous avec un·e docteur·e de la médecine du travail, qui, après un entretien avec l’employée, va essayer de mettre en place la meilleure solution pour elle. Il en existe quatre : deux jours d’absence sans retenue de salaire par mois, deux jours mensuels de télétravail, un aménagement du poste de travail (achat d’un siège plus confortable, possibilité de travailler debout…) et un aménagement des horaires. Tout est, par ailleurs, anonymisé : personne, au sein de la mairie, ne connaît les raisons de l’absence ou du télétravail.
Rose, 45 ans, souffre d’endométriose depuis une douzaine d’années. Sous traitement, ressentant des douleurs moins importantes qu’au moment du diagnostic de sa maladie, elle n’a pas jugé nécessaire d’user du congé menstruel à son arrivée au sein de l’Hôtel de Ville, en septembre dernier. Au bout de quelques mois, les souffrances réapparaissent néanmoins pour cette cheffe de projet stratégie et contenus. Deux jours mensuels de télétravail lui sont alors accordés, avant un bilan dans six mois pour ajuster ou poursuivre cette solution. “Avant, je devais tout le temps me justifier auprès de mes supérieurs, donner des exemples pour qu’on comprenne la violence de l’endométriose, parfois entrer en débat avec un collègue pour expliquer en quoi les douleurs que je ressentais impactaient mes capacités de travail… Il m’arrivait de prendre un arrêt maladie, avec des jours de carence et donc une perte de revenus. Maintenant, je respire un peu plus. J’ai l’impression que l’on m’a enlevé une charge mentale, que je peux me concentrer sur ma santé”, souligne Rose auprès de Causette.
Dédiaboliser les règles
Karim Bouamrane estime que la mise en place du congé menstruel au sein de la Ville “a fait l’effet d’une bombe” et a participé à une meilleure prise en compte de l’endométriose : “On a réussi à dédiaboliser le mot ‘règles’, à les placer au centre des discussions, à leur enlever un caractère stigmatisant ou honteux.”
L’initiative du maire a essaimé au sein de plusieurs villes françaises, comme à Lyon (Rhône), Arras (Pas-de-Calais) ou Abbeville (Somme). Le conseil départemental de la Seine-Saint-Denis l’a aussi adopté pour ses employées. À partir de septembre, la métropole de Strasbourg (Bas-Rhin) souhaite même aller plus loin avec “un congé de santé gynécologique”, prenant en compte non seulement les syndromes prémenstruels, mais aussi l’ensemble des pathologies gynécologiques, comme la ménopause, rapporte 20 Minutes.
Après son rejet en commission, la proposition de loi visant à instaurer un congé menstruel doit être examinée le 4 avril en séance à l’Assemblée nationale. En cas de nouvelle défaite, Karim Bouamrane a pris les devants : il a récemment écrit à Emmanuel Macron pour lui demander d’agir. “On est la France : liberté, égalité, fraternité et… sororité.”