L'ONU-Eau et l'Unesco ont publié un rapport, ce mardi, à la veille de l'ouverture d'une conférence historique de l'ONU à New York, alertant d’une « crise mondiale » de l'eau.
Sous la pression des épisodes de sécheresse inédits en France et dans le monde, ce mardi 21 mars, l’ONU-EAU (Organisation des Nations unies) et l'Unesco (Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture) ont publié un rapport mettant en garde sur un « risque imminent d’une crise mondiale » de l’eau. Ce travail a été rendu public à la veille d'une conférence organisée par l’ONU à New-York, dans le cadre de la journée mondiale de l'eau. Elle se déroulera du 22 au 24 mars, avec 6500 participant·es, dont une centaine de ministres, avec pour objectif d'accélérer les progrès vers l'accès universel à l'eau potable et à l'assainissement d'ici à 2030. La dernière édition de cette réunion datait de 1977.
Aujourd'hui, deux milliards de personnes n’ont pas accès à l’eau potable et 4,2 milliards n’ont pas accès à des services d’assainissement gérés de façon sûre. Ce sont les conclusions du rapport publié par l'ONU qui entend tirer la sonnette d’alarme. « Lorsqu’on manque d’eau, on peut manquer de nourriture et d'électricité, car la majorité de la production électrique dépend de l'eau », a expliqué Richard Connor, auteur principal du rapport, selon Europe 1. ONU-Eau a compilé les chiffres du rapport sur sa plateforme, voici ce qu’il faut en retenir.
- 30% d'augmentation de la demande mondiale en eau d'ici 2050
Au cours des quarante dernières années, l’utilisation des ressources en eau douce dans le monde a augmenté de près de 1 % par an. Une tendance qui s’explique par plusieurs facteurs : la croissance démographique, le développement socio-économique et l’évolution des modes de consommation. Les extractions d’eau douce par habitant les plus importantes ont été réalisées en Amérique du Nord et en Asie centrale.
La demande mondiale en eau devrait continuer d’augmenter à un rythme de 1 % par an environ, soit une augmentation de 20 % à 30 % du niveau actuel d’ici à 2050. L’évolution de la demande en eau varie fortement selon les endroits, puisqu’elle dépend de l’évolution des modes de consommation dans les villes, l’industrie et l’agriculture. Mais la croissance de la demande en eau dépendra en grande partie de la mise en œuvre de mesures visant à améliorer l’efficacité de l’utilisation des ressources en eau dans ces différents secteurs.
Sous l’effet de la croissance démographique, la disponibilité de l’eau a diminué dans toutes les régions du monde. Entre 2000 et 2018, les ressources en eau par habitant ont diminué de 20 % environ au niveau mondial. La région qui enregistre la baisse la plus faible est l’Europe (3 %).
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- 75% de la surface terrestre altérée
La baisse de qualité de l'eau menace tous les pays du monde. Dans les pays à faible revenu, sa mauvaise qualité ambiante résulte souvent d’un traitement insuffisant des eaux usées, tandis que dans les pays à revenu élevé c'est le ruissellement agricole qui pose un problème relativement plus grave.
Partout dans le monde, la grande majorité des indicateurs de suivi des écosystèmes et de la biodiversité témoignent d'une détérioration rapide, provoquée par l'activité humaine. Au total, 75 % de la surface terrestre a été altérée de manière significative et plus de 85 % de la superficie des zones humides naturelles a disparu. La perte de biodiversité et de services écologiques devrait se poursuivre au fur et à mesure que les zones naturelles disparaissent au profit de terres cultivées.
- 1,65 milliard de personnes touchées par les inondations
Au cours de la période 2000–2019, d’après les décomptes réalisés, les inondations ont causé la mort de plus de 100 000 personnes, touché 1,65 milliard de personnes et provoqué des pertes économiques estimées à 650 milliards de dollars. Sur la même période, les sécheresses ont touché 1,43 milliard de personnes et provoqué des pertes économiques de plus de 130 milliards de dollars. Au total, les inondations et les sécheresses ont représenté plus de 75 % de toutes les catastrophes causées par des risques naturels auxquels sont exposés les humains.
Selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), qui vient de publier sa dernière synthèse lundi 20 mars, si le réchauffement planétaire se poursuit pour atteindre 2°C au lieu de 1,5°C, l’augmentation de la fréquence et de l’ampleur des sécheresses devrait entraîner des risques nettement plus élevés, notamment en région méditerranéenne (Europe du Sud, Afrique du Nord et Proche-Orient) et en Afrique australe.
- Plus de 70% des ressources en eau sont polluées par les entreprises
Aujourd'hui, deux tiers de la consommation mondiale d’eau sert à alimenter les chaînes d’approvisionnement des entreprises de sept secteurs, (alimentation, textile, énergie, industrie, produits chimiques, produits pharmaceutiques et mines). Ce sont aussi ces entreprises qui ont un impact sur plus de 70 % de l’usage et de la pollution des ressources en eau douce mondiales. D'après le rapport, il faut s’attendre à une augmentation de 24 % de la demande en eau des secteurs de l’industrie et de l’énergie d’ici à 2050.
- Objectif développement durable
Les estimations sont difficiles, mais une étude citée par le rapport évalue à plus 1.000 milliards de dollars par an les investissements nécessaires pour atteindre d’ici 2030 le sixième « Objectif de développement durable » de l’ONU, sur l’eau et l’assainissement pour tous. Pour garantir notamment un accès à une fourniture universelle de services d’approvisionnement en eau, d’assainissement et d’hygiène d’ici 2030, il faudrait multiplier par trois les niveaux d’investissement actuels et par quatre le rythme des efforts.
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