Quelques 200 personnes ont revendiqué avoir pénétré le 10 décembre dans l'usine de cimenterie Lafarge à Bouc-Bel-Air pour attaquer « par tous les moyens » les infrastructures du « cimentier pollueur ». Une enquête a été ouverte.
« De l'extraction du sable à la production de ciment et béton, aux grands projets inutiles, toute la chaine de l'industrie de la construction est une catastrophe écologique. » Dans un communiqué relayé par le collectif écologique Les soulèvements de la terre, quelques 200 personnes ont revendiqué avoir pénétré dans l'usine de cimenterie Lafarge de la Malle à Bouc-Bel-Air (Bouches-du-Rhône) samedi 10 décembre pour attaquer « par tous les moyens » les infrastructures du « cimentier pollueur ».
Ces militant·es qui ont également fait parvenir des photographies d'une procession de personnes en combinaisons de protection blanches s'avançant vers l'usine Lafarge détaillent leurs méthodes : « Sabotage de l'incinérateur et de dispositifs électriques, câbles sectionnés, sacs de ciments éventrées, véhicules et engins de chantiers endommagés, vitrines des bureaux abîmées, murs repeints de tags… » Et justifient leur action ciblée avec ces arguments : « Lafarge-Holcim, est un des plus gros pollueurs et producteurs de CO2 du pays, cingle encore le communiqué. […] Le secteur du BTP, de sa chaîne de production à son utilisation, est responsable de 39 % des émissions de CO2 au niveau mondial. Ici à Bouc-Bel-Air l’entreprise n’a jamais hésité à faire du lobbying pour dépasser les normes environnementales en matière de poussières et de d’oxydes de soufre fixées par l’Union européenne. »
Condamnation du gouvernement
Une action spectaculaire aux dégâts considérables, puisque l'activité de l'usine n'avait toujours pas pu reprendre dans l'après-midi lundi 12 décembre, d'après le cimentier français. « Ça a été vraiment d'une violence énorme, notre personnel était là, heureusement il n'y a pas eu d'altercation physique », a commenté Loïc Leuliette, directeur de la communication de Lafarge, auprès de Franceinfo, ajoutant : « Il ne s’agit pas d’activisme mais d’une action criminelle. » Le groupe a annoncé avoir porté plainte et le parquet d'Aix-en-Provence affirme s'être saisi du dossier. Pour l'heure, personne n'a encore été interpellé.
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Cette action de sabotage a suscité des réactions politiques jusqu'au gouvernement. « Je condamne toujours ceux qui au nom de l’écologie font de la violence la seule expression de leur lutte », a ainsi tweeté le ministre de la Transition écologique et de la cohésion des territoires Christophe Béchu. Quant à Roland Lescure, ministre délégué chargé de l’Industrie, il rappelle que l'Etat a déjà pris en compte le problème que représente l'usine de la Malle puisque « le site de #Lafarge fait partie des 50 sites prioritaires à décarboner ». En mars dernier, le média spécialisé sur les questions industrielles L'Usine nouvelle annonçait un investissement de 46 millions d'euros de Lafarge dans deux de ses usines, celle de Bouc-Bel-Air et une en Mayenne, pour décarbonner sa production. Trop tard aux yeux des activistes qui constatent : « Les fours qui ont été ciblés, longtemps alimentés par des déchets industriels et des pneus sont aujourd'hui le symbole du greenwashing. La pollution atmosphérique est considérable et a été maintes fois dénoncée par toute la presse et les riverain•es. Pour autant, les cheminées crachent toujours leur venin. »
Mais au-delà de ses activités polluantes, c'est pour de lourdes questions éthiques que le collectif anonyme assume avoir ciblé Lafarge. Le communiqué rappelle ainsi que le groupe s'est rendu coupable entre 2013 et 2014 d'avoir financé Daesh en Syrie afin de maintenir ses activités. « Le groupe Lafarge Holcim, aux milliards de chiffre d’affaire ne recule devant rien pour continuer sa course délirante au profit », commente le communiqué. A la mi-octobre, le cimentier a accepté de payer 778 millions de dollars aux Etats-Unis, dans une procédure de plaider coupable dans le cadre des poursuites judiciaires américaines pour financement du terrorisme. Lafarge reste poursuivi en France pour « complicité de crimes contre l’humanité ».
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