À une quinzaine de voix près, les eurodéputé·es réuni·es à Strasbourg ont validé un texte imposant aux États membres de l’Union européenne la restauration des écosystèmes abîmés, alors que la droite européenne dénonçait un “fardeau” imposé aux agriculteur·rices.
Le Parlement européen a voté, mardi 27 février, de justesse, une législation imposant la restauration des écosystèmes abîmés, malgré la farouche opposition de la droite à l’unisson des organisations agricoles.
À une quinzaine de voix près (329 pour, 275 contre, 24 abstentions), les eurodéputé·es réuni·es à Strasbourg ont validé l’accord trouvé mi-novembre entre les négociateur·rices du Parlement et des États membres sur ce texte clé du “Pacte vert” européen visant à enrayer le déclin de la biodiversité.
Cette législation, qui entrera en vigueur après confirmation officielle des États, impose pour la première fois aux Vingt-Sept d’instaurer, d’ici à 2030, des mesures de rétablissement des écosystèmes sur 20% des terres et des espaces marins à l’échelle de l’UE, fixant des plans d’action nationaux.
Des habitats spécifiques sont listés (zones humides, forêts, rivières, prairies sous-marines, etc.) : chaque État devra restaurer d’ici à 2030 au moins 30 % de ces habitats en mauvais état, priorité étant donnée aux zones Natura 2000, soit les sites naturels ou semi-naturels de l’Union européenne ayant une grande valeur patrimoniale par la faune et la flore exceptionnelles qu’ils contiennent. Le texte poursuit également d’autres objectifs comme l’amélioration de critères mesurant la santé des forêts, le retrait d’obstacles sur les cours d’eau et l’arrêt du déclin des abeilles.
À lire aussi I Environnement : l’Union européenne valide l’interdiction des voitures thermiques
"Faire redémarrer les écosystèmes"
“Alors que partout la nature régresse, cette loi permettra de faire redémarrer les écosystèmes là où c’est nécessaire”, avec des “souplesses” pour “ne pas mettre la nature sous cloche”, a salué Pascal Canfin (Renew, libéraux), le président de la commission parlementaire Environnement.
Le résultat du vote était très incertain. Le Parti populaire européen (PPE, droite), le premier groupe au Parlement, avait appelé à voter contre cette législation, dénonçant le “fardeau” imposé aux agriculteur·rices, et l’extrême droite avait déposé des amendements de rejet. À trois mois des élections européennes, les élus conservateurs ont réaffirmé leur défiance vis-à-vis du “Green Deal”, un vaste ensemble de réglementations environnementales vouées aux gémonies dans les manifestations agricoles.
Polarisation
"Prétextant des excès administratifs, les droites européennes s'allient depuis des mois pour affaiblir ou faire tomber les textes du Pacte vert", affirme l'écologiste Marie Toussaint qui s'est félicitée mardi d'"une victoire pour le vivant". Si "une partie de la droite tente de polariser", un certain nombre d'élu·es PPE ont "su résister à l'alliance avec le populisme anti-écologique de l'extrême droite, aux multiples attaques trompeuses sur ce texte", a cependant souligné Pascal Canfin.
Les ONG environnementales BirdLife, ClientEarth, EEB et WWF se sont dites “soulagées que les eurodéputés aient écouté la science sans céder au populisme”. C’est “une victoire douce-amère pour la nature et nos systèmes alimentaires : la législation a été gravement affaiblie, au risque de l’arythmie cardiaque, mais au moins son cœur bat encore”, estime Sini Eräjää, de Greenpeace.
Au cours d’une bataille épique au Parlement européen l’été dernier, le PPE s’était efforcé de radicalement affaiblir la portée du texte après avoir vainement réclamé son abandon pur et simple. Sous pression, le Parlement avait largement vidé le projet législatif de sa substance en adoptant en juillet son mandat de négociation.
“Règles bureaucratiques”
“Nous pensons toujours qu’il s’agit d’une loi mal rédigée (…). On met en place des règles bureaucratiques supplémentaires pour nos agriculteurs” au moment où la production alimentaire est sous pression, a déclaré mardi l’Allemand Manfred Weber, le président du groupe PPE.
L’accord final prévoit certes qu’au moins 30 % des tourbières drainées utilisées dans
l’agriculture soient restaurées d’ici à 2030, mais avec des flexibilités possibles et des remises en eau facultatives pour les agriculteur·rices. Un “frein d’urgence” a été introduit pour que Bruxelles puisse suspendre l’application du texte en cas de circonstances “exceptionnelles” comme un impact “grave” sur la production agroalimentaire.
Cela n’a pas suffi à rassurer le Copa-Cogeca, la puissante organisation des syndicats agricoles majoritaires européens, qui a combattu jusqu’au bout des dispositions jugées “irréalistes et non financées”. “Le problème, ce ne sont pas les lois climatiques, c’est l’état de la nature et le changement climatique”, a répliqué l’eurodéputé socialiste César Luena, le rapporteur du texte.
À lire aussi I COP 27 : l’Union européenne est prête à rehausser ses engagements climatiques