Des militant·es écologistes ont tenté d'empêcher toute la matinée l'assemblée générale du groupe TotalEnergies, organisée dans la salle Pleyel à Paris, avant d'être dispersé·es par les forces de l'ordre.
« Vous êtes des parasites ! Pourquoi ces gens ne vont pas manifester en Arabie saoudite ou en Chine ? » a lancé un actionnaire du groupe TotalEnergies à la députée européenne France insoumise Manon Aubry présente ce vendredi 26 mai dans la foule de militant·es écologistes protestant devant la salle Pleyel à Paris. L'échange, capté par France inter et diffusé dans son journal de 13h, raconte à lui seul la confrontation entre ces deux mondes, amenés à se rencontrer à l'occasion de l'assemblée générale de la multinationale de l'énergie.
Prévu depuis plusieurs semaines, le rassemblement des protestataires venu·es dénoncer les activités « climaticides » de Total était organisé par un ensemble d'associations environnementales : 350.org, Alternatiba, Amis de la Terre, ANV-COP21, Attac, Greenpeace, Scientifiques en rébellion et XR. Le mot d'ordre : « L’AG de Total n’aura pas lieu », avait prévenu le collectif dans une tribune diffusée sur Reporterre. « En pleine crise énergétique, en pleine mobilisation contre la réforme des retraites, en pleine crise démocratique, cette assemblée générale prévoit de perpétuer la stratégie du pétrolier : toujours plus de projets fossiles et une répartition injuste des superprofits qui alimente l’injustice climatique et sociale », alarmait le collectif pour appeler à la mobilisation.
Une journaliste bousculée
Malgré le chahut de plusieurs dizaines de personnes présentes dès l'aube devant la salle de spectacle sise dans le chic VIIIème arrondissement de la capitale, l'assemblée générale a bel et bien pu s'ouvrir à 10h, avant que la police ne déloge les manifestant·es en fin de matinée. Les journalistes présent·es sur place ont fait état d'usage de bombes lacrymogènes pour déloger les manifestant·es, ainsi que d'échauffourées et de « puissantes charges » de la part des forces de l'ordre, rapporte Libération. Ce n'est pas faute d'avoir scandé « Police, doucement, on fait ça pour nos enfants », comme on a pu l'entendre dans l'émission La Terre au Carré sur France inter. Interrogée par le quotidien, Lorette Philippot, membre des Amis de la Terre, a indiqué qu'à ses yeux, la répression des forces de l’ordre est « hors norme ». « Dès notre arrivée à 6 heures, les policiers nous ont matraqués et gazés. Ils ont essayé de nous déloger en envoyant une bombe lacrymo sur nos têtes », a‑t-elle ajouté. Sur Twitter, le journaliste de LCI Paul Larrouturrou a également diffusé une vidéo dans laquelle sa binôme Harmony Pondy Nyaga est « jetée au sol avec sa caméra par un vigile puis un gendarme alors qu’elle s’est clairement signalée comme journaliste ».
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La contestation des écologistes s'inscrit dans un contexte de nouvelles rémunrations records pour le PDG du groupe, Patrick Pouyanné : cette AG doit être l'occasion de valider la rétribution du grand patron pour l'année 2022, d'un montant de 4,35 millions d’euros. « Cette hausse de 9,6 % par rapport à 2021 a été dévoilée comme une fleur par l’entreprise mi-mars, au moment où la contestation de la réforme des retraites battait son plein », rappelle Libération, avec les grèves massives des salarié·es sur les sites du groupe. A ce salaire s'ajoutent les dividendes de ses actions, dans le cadre de profits faramineux cette année encore pour la multinationale qui poursuit ses investissements dans le pétrole à côté de son intérêt récent pour les énergies renouvelables.
Le chahutage des assemblées générales des grands groupes pétroliers ou des banques qui les financent est désormais un mode d'action répandu dans la lutte contre le dérèglement climatique. En 2023, on l'a ainsi vu chez Shell, BP ou encore la banque Barclays. L'année dernière déjà, des militant·es avaient réussi à empêcher des actionnaires à pénétrer dans la salle où se tenait l'assemblée générale. Pour se prémunir de tout nouvel esclandre, TotalEnergie a exigé cette fois que les actionnaires et les journalistes utilisent leurs téléphones durant la séance et « à laisser certains effets personnels à l'entrée », indique encore Libération.
Du côté du gouvernement, la main de fer des forces de l'ordre à l'égard des activistes n'a pas empêché « en même temps » la première ministre d'afficher un soutien à la mobilisation. En déplacement en Côte d’Or, Elisabeth Borne a ainsi jugé dans la matinée que les « militants du climat » sont « dans leur rôle d’alerter » rapporte l’AFP citée par Le Journal du Dimanche.
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