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Pourquoi BLOOM alerte contre un pro­jet de forage gazier de Total au large de l'Afrique du Sud

L'association de défense des océans BLOOM se mobilise pour s'opposer à un nouveau méga projet de TotalEnergies : un forage gazier dans un « corridor bleu » des eaux d'Afrique du Sud, écrin de biodiversité. Au cœur de la bataille : une manipulation du pétrolier français, qui incite l'Afrique du Sud à remplacer ses centrales à charbon par une autre énergie fossile, le gaz.

« Total essaie de faire passer le gaz pour une énergie de transition parce qu'il émet moins de CO2 que le charbon mais c'est en fait demander de choisir entre la peste et le choléra. » C'est avec une colère froide que Claire Nouvian, présidente et fondatrice de l'association BLOOM qui lutte pour protéger les océans, dégomme le projet du pétrolier français d'exploiter deux immenses gisements gaziers situés dans les fonds marins au large de l'Afrique du Sud. Pour le pays, la tentation est grande de céder aux sirènes du gaz : son énergie dépend actuellement à 72 % du charbon et à 16 % du pétrole.

Le projet, pour lequel la multinationale a déposé le 5 septembre une demande de licence de production à l'État sud-africain et est prête à débourser 3 milliards de dollars, s'annonce comme une catastrophe pour la biodiversité de la zone, véritable « corridor bleu » en raison de ses courants marins très vifs. Ces eaux très profondes - jusqu'à 1800 mètres - sont un refuge « pour de nombreuses espèces de baleines et une zone d’alimentation et de nidification pour de multiples espèces d’oiseaux, de mammifères marins et de tortues » indique Bloom. « Mais ce n'est pas tout : cet endroit exceptionnel fait aussi vivre de nombreuses familles de pêcheurs, explique Claire Nouvian. La pêche artisanale dépend d'un littoral en bonne santé et celui ci est extraordinaire. »

Plus de 87 000 signatures

C'est donc cette population locale qui, la première, s'est mobilisée contre le pharaonique (il pourrait lui rapporter jusqu'à un milliard d'équivalent barils en gaz) projet de Total. Les pêcheur·euses ont pris attache avec The Green Connexion, une association environnementale dirigée par Liziwe McDaid. Cette dernière avait reçu en 2018 en même temps que Claire Nouvian le Prix Goldmann - surnommé « Nobel vert » - pour avoir fait capoter un accord énergétique nucléaire passé entre l'Afrique du Sud et la Russie. L'activiste a donc rappelé Claire Nouvian pour lui demander de se battre aux côtés des pêcheur·euses sud-africain·es afin de mobiliser dans le pays de Total.

Le 17 octobre, Bloom, l'association sud-africaine The Green Connexion et des élu·es français·es (le député LFI François Ruffin et les euro-députés Karima Delli (EELV) et Raphaël Glucksmann (Place publique)) ont lancé ce qui s'annonce comme un pénible bras de fer. La première étape de cette mobilisation est une pétition, qui a recueilli plus de 87 000 signatures. « Le projet est dans une phase de consultation publique jusqu'au 20 janvier, nous intervenons suffisamment en amont pour l'empêcher de se réaliser », veut croire Claire Nouvian. Si Total « ne renonce pas spontanément sous la pression publique et médiatique », BLOOM promet de passer aux longs recours judiciaires que l'association a déjà utilisé avec succès pour gagner des dossiers face à la pêche industrielle.

Risques de marée noire gazière

Pour convaincre de l'importance de contrer le projet de Total, les arguments ne manquent pas à BLOOM : en raison de la puissance des courants marins dans le secteur lorgné par Total, un fort risque d'accidents pèse sur la structure qui serait construite pour extraire le gaz. « En 2014, Total avait déjà mené des explorations dans cette région précise, explique Swann Bommier, responsable du plaidoyer et des campagnes chez BLOOM. Ils avaient dû arrêter parce qu'ils étaient incapables de faire des réparations sur le puits, en raison de la violence de la météo. Donc si demain il y a un problème sur un puits, on sait que ça peut être très long pour le réparer. » Se profile donc le risque de marée noire gazière, qui relâcherait en mer et dans les airs des condensats d'hydrocarbure. « En fait, remarque Claire Nouvian, Total se met au défit avec ce projet de réaliser une prouesse technologique : jamais on n'a creusé en mer aussi profond et avec des conditions climatiques aussi compliquées. Actuellement, ils font 13 millions de bénéfices, cela dépasse tout ce qu'on peut imaginer. Je pense qu'ils sont donc dans un délire de toute puissance. »

Une volonté de « toute puissance » qui, rappelle BLOOM, contrevient aux préconisations de l'Agence internationale de l'énergie de ne lancer aucun nouveau projet pétrolier ou gazier à partir de 2021 afin de poursuivre la trajectoire permettant de limiter le réchauffement climatique. « Quand on a trois milliards d'euro à investir, pourquoi ne pas le faire dans l'organisation de l'électrification du continent africain avec les énergies renouvelables plutôt que dans des projets climaticides ? », questionne Claire Nouvian. Qui, face à l'aprêté du combat à venir contre la multinationale pétrolière, philosophe presque : « Ce sont les meilleurs ingénieurs du monde, ça on leur reconnait sans problème. Comment comprendre que cette intelligence technique aussi experte soit mise à contribution de la destruction de la planète ? »

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