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Sauver les poules pon­deuses de l’abattoir, l’ambition de l’asso Les Caquetteuses

Depuis décembre 2020, l’association bre­tonne Les Caquetteuses a sau­vé plus de 111 000 poules pon­deuses de l’abattoir. 

En avril 2021, Jean-​Louis a adop­té Coquillette, Bernadette et Gaufrette. Ses trois aco­lytes ne sont ni des chats ni des chiens, mais trois petites poules pon­deuses que le retrai­té bre­ton de 64 ans a sau­vé de l’abattoir via l’association Les Caquetteuses. Plus pré­ci­sé­ment, ce sont des « poules de réforme ». Un terme signi­fiant dans le jar­gon qu’après avoir pas­sé l’âge fati­dique des 18 mois, elles sont écar­tées du cir­cuit clas­sique. Les éle­vages indus­triels de poules pon­deuses doivent effec­ti­ve­ment pro­cé­der à un vide sani­taire tous les dix-​huit mois pour net­toyer les bâti­ments et les dés­in­fec­ter. Un assai­nis­se­ment indis­pen­sable pour lut­ter contre les para­sites et la pro­li­fé­ra­tion des bac­té­ries. Les poules pon­deuses sont alors envoyées à l’abattoir – pour finir le plus sou­vent en nour­ri­ture pour chiens et chats – et sont rem­pla­cées par un nou­veau lot de jeunes poules après la dés­in­fec­tion des lieux. Et ain­si de suite tous les dix-​huit mois. 

C’est donc pour évi­ter que les poules pon­deuses finissent en pâté et leur offrir une seconde vie que plu­sieurs asso­cia­tions inter­viennent en France. Parmi elles, Les Caquetteuses. L’association basée dans le Morbihan est née en novembre 2020 sous l’impulsion de Manon Dugas et Brice Lahy, un jeune couple de Bretons. « C’est en vou­lant adop­ter des poules après l’achat d’un ter­rain qu’on a décou­vert que les poules pon­deuses étaient auto­ma­ti­que­ment envoyées à l’abattoir », explique Manon Dugas à Causette. Le couple recueille trois poules par le biais d’un ami agri­cul­teur qui doit s’en sépa­rer, vide sani­taire oblige. Puis quatre, puis cinq. Rapidement, leur ini­tia­tive fait le tour de la com­mune puis de la région et séduit nombre de particulier·ières. Comme Jean-Paul. 

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Manon Dugas et Brice Lahy, co-​fondateurs des Caquetteuses. ©DR
Déconstruire les clichés 

Les pre­miers temps, Manon et Brice ont cepen­dant dû faire face aux réti­cences des éleveur·euses. « Ils avaient peur qu’on véhi­cule une mau­vaise image d’eux, pointe la co-​fondatrice des Caquetteuses. On a dû faire notre place. » La tren­te­naire indique tra­vailler désor­mais avec une ving­taine d’éleveur·euses par­te­naires. « Ils nous informent dès qu’il y a un vide sani­taire, reprend Manon Dugas. On com­mu­nique ensuite l’information via notre site et notre page Facebook et les par­ti­cu­liers inté­res­sés réservent le nombre de poules sou­hai­tées puis se déplacent eux-​mêmes sur le lieu de l’élevage pour les récu­pé­rer. » L’engouement est tel que certain·es n’hésitent pas à tra­ver­ser la France. À l’heure où nous écri­vons ces lignes, l’association a per­mis le sau­ve­tage de plus de 111 000 poules depuis décembre 2020. Manon Dugas et Brice Lahy estiment entre 40 et 70 mil­lions le nombre de poules de réforme tuées chaque année. 

Avec cette ini­tia­tive, le couple espère en sau­ver le plus pos­sible mais aus­si démon­ter les cli­chés autour des poules de réforme. « Non, ce ne sont pas de vieilles poules, elles peuvent encore pondre quelques années, assure Manon Dugas. Elles sont aus­si de bonnes recy­cleuses, elles peuvent réduire jusqu’à 150 kg de déchets orga­niques par an et elles pro­duisent envi­ron 50 kilos de fumier par an. » Coquillette, Bernadette et Gaufrette donnent à Jean-​Paul entre deux et trois œufs par jour. 

« On n’adopte pas une poule de réforme parce que ça coute moins cher que l’achat d’une poule chez un éle­veur, on l’adopte pour lui évi­ter la mort et pour lui don­ner une chance de vivre une vie normale. »

Manon Dugas

Lors de la réser­va­tion, en ligne via un for­mu­laire sur le site de l’asso, les adoptant·es doivent attes­ter dis­po­ser d’un jar­din et d'un pou­lailler. « On ne peut pas aller véri­fier dans chaque famille mais on le sent quand l'intention est mau­vaise. Quand on nous demande "Combien de kilo font-​elles ?", on sait par exemple qu’ils comptent les man­ger et on refuse l’adoption, assure Manon Dugas. On n’adopte pas une poule de réforme parce que ça coûte moins cher que l’achat d’une poule chez un éle­veur, on l’adopte pour lui évi­ter la mort et pour lui don­ner une chance de vivre une vie nor­male. On limite aus­si le nombre de poules sau­vées à douze par par­ti­cu­lier. » 

Le sau­ve­tage n’est pas gra­tuit cepen­dant. Pour l’adoption d’une poule, les particulier·ières doivent débour­ser trois euros. Quinze euros pour six poules. Une somme que se par­tagent ensuite l’association et l’élevage « à 50/​50 ». « Ça nous arrive par­fois d’acheter nous-​mêmes tout un lot de poules si per­sonne n’est inté­res­sé et de pro­cé­der au sau­ve­tage depuis chez nous mais c’est très rare, en géné­ral elles partent toutes », sou­ligne Manon Dugas qui pré­cise que l’association reçoit régu­liè­re­ment le sou­tien finan­cier de « grosses asso » comme L214 ou la Fondation 30 mil­lions d’amis. 

« On prend tout le monde » 

Les poules sau­vées par Les Caquetteuses ont vécu plu­sieurs mois entas­sées dans les bâti­ments de pontes. Leur état phy­sique n’est donc pas tou­jours « satis­fai­sant ». Il leur manque des plumes, elles sont maigres et leur crête n’est pas tou­jours très droite. « On a des poules super jolies et puis d’autres com­plè­te­ment déplu­mées, mais on ne fait jamais de tri, on prend tout le monde ! », assure Manon. Lorsqu’une volaille est trop abî­mée, le couple la récu­père chez eux dans le Morbihan. « Elle repart à l’adoption une fois retapée. »

Quel est le pro­fil des sauveteur·euses de poules ? « Beaucoup de familles avec enfants, des gens de la cam­pagne, mais aus­si des cita­dins qui dis­posent d’un grand jar­din, répond Manon Dugas. Ils s’attachent aux poules comme à des ani­maux de com­pa­gnie plus clas­siques. » Ce n’est pas Jean-​Paul, l’heureux pro­prié­taire de Coquillette, Bernadette et Gaufrette, qui dira le contraire. « Elles m’attendent devant la porte, elles tapent au car­reau pour ren­trer dans la mai­son et elles montent sur le cana­pé, dit-​il en riant. Je ne regrette pas du tout de les avoir. » Le retrai­té songe d’ailleurs à adop­ter pro­chai­ne­ment de nou­velles pensionnaires. 

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